With the adoption of resolution 1301, May 2000, by the Security Council, the Western Sahara dispute could mark a turning point in the evolution of the conflict. The UN, co-author with the OAU of the peace plan, and in charge of its settlement, considers to abandon it in order to look for other «solutions». We have asked four political analysts to give us a commentary and publish them here together with the open letter of the president of the AFAPREDESA and the text of an Algerian journalist, who follows the question since the mid-seventies. These texts exprime the opinions of their authors. Other reactions are welcome.
L'adoption, par le Conseil de sécurité, sur pression des USA et de la France, de sa dernière résolution sur le Sahara Occidental S/RES/1301 (2000), pourrait constituer un tournant important dans l'évolution de la question sahraouie. L'ONU, à l'origine du plan de paix et chargée de son application, envisage de l'abandonner pour rechercher d'autres «solutions». Nous avons demandé à quatre politologues, qui suivent de près la question, d'écrire un commentaire, que nous publions ci-dessous, ensemble avec la «Lettre ouverte» du président de l'AFAPREDESA et un texte du journaliste algérien Tayeb Belghiche, qui suit ce conflit depuis le milieu des années septante. Ces textes reflètent les opinions de leurs auteurs. D'autres réactions sont bienvenues.
Con la adopción de la resolución 1301 de mayo de 2000 por el Consejo de Seguridad, la disputa del Sahara Occidental podría marcar un punto de retorno en la evolución del conflicto. La ONU, coautora junto con la OUA del plan de paz, y en cargo del de asentamiento, considera abandonarlo para buscar otras "soluciones". Hemos pedido a cuatro analistas políticos que nos hagan comentarios y los publiquen junto con una carta abierta del presidente de APREDESA y el texto de un periodista argelino, quién sigue el problema desde mediados de los setenta. Estos textos exponen las opiniones de sus autores. También se da la bienvenida a otras reacciones.
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Luciano Ardesi, sociólogo, presidente ANSPS (Associazione nazionale di solidarietà con il popolo sahrawi - Italia) (traduction française) |
Isaías Barreñada, politólogo (Madrid) y miembro de la secretaría de política internacional del sindicato CCOO |
Yahia H. Zoubir, Associate Professor of International Studies, USA (traduction française) |
Ubbi Bachir, Saharawi Student at the International Center of Peace and Development Studies, Castellon, Spain (traduction française) |
Abdesalam Aomar Lahsen, presidente AFAPREDESA (Asociación de Familiares de Presos y Desaparecidos Saharauis) (traduction française) |
Tayeb Belghiche, journaliste, SAHARA OCCIDENTAL / Qui veut trahir la cause ? El Watan, Alger, 05.06.00 |
DISCUSSION |
Abraham Serfaty, Maroc, Sur la 3ème Voie au Sahara Occidental.(traducción en castillano + english abstract) |
Carlos Ruiz Miguel, Profesor titular de Derecho Constitucional, Universidad de Santiago de Compostela, España |
Khatry Beirouk, a concerned Saharawi, In insisting upon doing the impossible, they're abandoning the possible. |
Yahia H. Zoubir : Réponse à M. Abraham Serfaty. |
Kamal Fadel, a personal point of view: "Third Way": No Way. |
Abraham Serfaty: Réponse à Khatri Beirouk et à Yahyia H.Zoubir. |
Ismail ould Sayeh, Auteur de ´"Les Sahraouis", (Ed. L'Harmattan,1998): Réflexions |
Abba Malainin, a personal point of view: "What's wrong with the Referendum Plan? Why another uncertain alternative solution?" |
Keiko Shingo, amie du peuple sahraoui: Message à M. Serfaty |
Lecil D. Wills: The world must accept the manifest destiny of the Western Sahara |
Elisabeth Muller: Quelques souvenirs... un engagement: le respect du droit |
The World must accept the manifest destiny of the Western Sahara
Lecil D. Wills, Los Angeles, Ca, USA
The solution of the conflict in the Western Sahara, lies with both sides accepting the historical, cultural and geographic realities of the former Spanish colony of Seguire el Hamra and Rio de Oro. Spain understood the difference between the two regions and divided it's colony as such. The World however does not seem to understand this natural division. Morocco has a right to the Seguire el-Hamra because it is naturally a part of the Moroccan nation and can be fully integrated as such. But it's hold on to the Rio de Oro. The Rio de Oro belongs to Modern Mauretania and West Africa in general. Until both sides accept these realities the conflict in the Western Sahara can never be solved.
And eventhough Rio de Oro may belong historically to the West African nation of Mauretania, that nation is to weak to fully integrate it and therefore like a dozen other former colonies in Western Africa, must be given it's independence. Many may say that the Rio de Oro is too poor to survive as an independent nation, but it can be no poorer than the other nearly dozen nations of West Africa that have been free for over four decades.
The prolonged conflict in the Western Sahara can only lead to the annihilation of the Western Saharan people and the world and Morocco shouldn't stand by and watch it happens. Morocco is a great nation and should be big enough to abandon it's claim to the Rio de Oro in the same way it gave up it's claim to Mauretania. POLISARO should accept the reality that the Seguire el Hamra should be allowed to reintegrate itself into the Moroccan nation. In otherwords the world should allow the Rio de Oro to become free and independent so that the Seguire el Hamra can once again become a fully integrated part of Morocco. This is a compromise that both POLISARIO and the Kingdom of Morocco should embrace, in order to bring peace to the region and stop the mental and physical destruction of a proud and great people.
Lest we forget a similar conflict such as this happened over four decades ago in Africa when the UN accepted the Togo compromise which allowed part of that former German colony to be integrated into the new Ghanian republic while the other part become independent. If both sides of the Saharan compromise look to the Togo compromise this problem can be easily solved.
The world must accept the Manifest Destiny of the Western Sahara by allowing Rio De Oro to be free while the Seguire el Hamra become fully integrated into Morocco. I am fully confident that the Togo Compromise of 1960 can be applied to the Saharan Conflict of 2000.
Quelques souvenirs ... un engagement: le respect du droit
Elisabeth Muller, Secrétaire Générale Adjointe de l'Association des Amis de la RASD, Paris
Je connais bien le Maroc pour y avoir vécu durant une longue période dans les années 1980. J'y ai encore de nombreux amis. Ne souhaitant pas faire prendre de risques inutiles à ces derniers sur la question du Sahara, je tiens à préciser que ces propos n'engagent que moi.
Mon itinéraire personnel m'a donné la chance de vivre au Maroc, au plus près de la réalité de ce pays. "Observatrice" de cette société, cette circonstance a non seulement modifié profondément l'appréhension que j'avais de moi-même mais m'a également permis de découvrir que dans la société marocaine il était parfois nécessaire de saisir "la réalité des choses" au travers des "non-dits".
Le Maroc des années 1980 n'est certes plus le même que celui des années 2000. Un souffle de démocratie semble balayer les vieilles peurs. Pour avoir été présente lors des soulèvements qui ont eu lieu dans le Rif et à Marrakech en mars 1984, je peux assurer qu'à l'époque, la suspicion, la crainte du pouvoir quant à ses facultés de répression étaient prégnantes au quotidien. Pour ma part durant cette période plusieurs de mes amis et connaissances furent arrêtés, interrogés, incarcérés, certains pour plusieurs années.
Les Marocains qui m'entouraient me faisaient, je crois, confiance. Nous avons pu discuter souvent de ce qui n'allait pas dans ce pays. Leur préoccupation première était pour la plupart de "boucler la fin du mois", d'avoir accès à l'hôpital dans de bonnes conditions lorsqu'ils en avaient besoin. Pour cela ils étaient souvent contraints de recourir à la corruption pour avoir accès à des soins dignes de ce nom. En privé ils en parlaient et regrettaient une telle situation.
Sur la question du Sahara il m'a été également possible d'en discuter. Si en apparence un large consensus prévalait sur la "marocanité" du Sahara Occidental, il m'est vite apparu que cette opinion était plus complexe et sans doute à nuancer. Les marocains que je côtoyais n'étaient pas vindicatifs. Certains, m'ont décrit la "marche verte" à laquelle ils avaient participé. Ils n'en étaient ni fières, ni bravaches, la plupart d'entre eux "semblaient savoir" qu'ils n'auraient pu faire autrement. J'ai rencontré également de jeunes militaires engagés (lorsqu'on n'a pas fait d'étude au Maroc c'est un des rares moyens de gagner sa vie et celle de sa famille). Ils étaient en poste au Sahara. Ils détestaient repartir après leur permission. Ils parlaient de leur peur, de ce sable, de ce soleil implacable qui n'arrêtait pas de les aveugler. Ils auraient préféré être à des milliers de kilomètres de là. Ils ne rêvaient que de l'Europe, des Etats-Unis, de pays où ils leur semblaient pouvoir vivre mieux. Moi, en les entendant parler, je pensais à l'ouvrage de Dino Buzzati "Le désert des tartares". Des Sahraouis, ils en parlaient peu, sinon en riant autour des blagues de ´"Joumani" comme pour mieux circonscrire leur peur. L'indépendance ou pas l'indépendance ..., ce n'était pas leur préoccupation. Eux aussi savaient qu'ils n'avaient pas le choix, savaient qu'il ne fallait pas contester "les décisions d'en haut". Ceux qui étaient fonctionnaires râlaient. Non pas sur le terrain politique, la plupart n'étaient ni militants, ni intéressés par cette question, mais sur l'impôt "spécial Sahara" qui leur était retenu sur leur paie en fin de mois.
Tous par contre connaissaient le sort qui était réservé à ceux qui avaient osé contester la souveraineté nationale sur le Sahara Occidental. Certains m'ont parlé de Serfaty, à l'époque incarcéré à Kénitra..., de Saïda Menbih morte à la suite d'une grève de la faim durant son incarcération. D'autres, originaires des villages à proximité de "lieux que l'on ne nommait pas", savaient que des personnes étaient embastillées. Comme ils disaient, alors que je m'étonnais de ne plus pouvoir aller dans tel ou tel lieu visiter une de ces casbahs du sud, "il y a cette chose". En essayant de vous le transcrire phonétiquement en arabe dialectale, cela donne "Kayne adak chi". Moi je savais que ce "kayne adak chi" ne permettait pas de poser plus de question. Et aussi étrange que cela puisse me paraître aujourd'hui, je n'en posais pas. J'avais intégré ce qui permet de vivre sous une dictature "l'autocensure". C'est seulement une fois revenue en France que j'ai pris connaissance des bagnes de Skoura, Kalaat'Mgouna où étaient détenus clandestinement des "disparus" marocains et sahraouis, que j'ai su le sort réservé à la famille Oufkir (je suis sans doute passée plusieurs fois tout près de la villa où elle était en résidence surveillée à la Targa à Marrakech), que j'ai pris connaissance de l'existence des frères Boureqat, ressortissants français comme moi. Oui à l'époque, les rumeurs courraient au Maroc. Nous savions que telle où telle villa servait de centre d'interrogatoire. Certains en ressortaient, j'en ai connu au moins une sur place. Elle n'a jamais raconté dans le détail ..., la peur de dire. Nous savions tous qu'elle-même était surveillée, que sa famille était surveillée. Pour simplement avoir été une de ses connaissances tout mon entourage a reçu la visite du Moqadem et de ceux qu'on appelait communément "les merdas".
Oui la peur dominait et les Marocains et Marocaines n'exprimaient leurs sentiments que lorsqu'ils étaient en confiances. L'information sur le Sahara Occidental, une information digne de ce nom? Il n'y en avait pas. On savait que quelque chose s'était passée lorsque les hôpitaux étaient évacués des malades pour y recevoir les milliers de blessés militaires. Mais cela aussi on ne le savait que par la rumeur, les demi-mots des infirmiers, des médecins en poste ou par des malades rentrant du jour au lendemain dans leur famille. Il se disait également que les militaires hauts gradés avaient pu se faire construire de somptueuses villas à Souissi à Rabat, sur la Corniche à Casablanca, dans la palmeraie à Marrakech grâce à l'argent qu'ils se faisaient en étant en poste au Sahara. Mais il se disait aussi que ceux qui n'étaient plus dans la ligne ou qui en savaient trop, pouvaient bien "sauter" au détour d'une de ces petites routes circulant dans cette même palmeraie de Marrakech. Ce fut le sort réservé au Général Dlimi.
Maroc 1980, Maroc 2000. Oui quelque chose a changé. On y parle des disparus, certains d'entre eux se battent pour faire reconnaître leurs droits. Serfaty est rentré, Basri, le tout puissant ministre de l'Intérieur des "années de plomb" a été remercié et remplacé. Mais ce ne sont là somme toute, que des victoires bien symboliques. Dans les faits, les autorités marocaines n'ont pas reconnu les responsabilités de l'ex-ministre de l'Intérieur sur des sujets aussi graves que le phénomène des disparitions, de la torture .... Ce dernier exerce tranquillement à l'université de Droit sans que cela semble déranger outre mesure l'appareil d'Etat ni même le corps enseignant à l'exception de quelques uns. Ce "limogeage" a été mené, certes rondement par Mohamed VI, mais cela pose également question. Le jeu démocratique existe t-il aujourd'hui au Maroc? Le Premier Ministre lui-même a été mis devant le fait accompli. L'on peut donc s'interroger sur le rôle exercé par le gouvernement. Le pouvoir reste bien entre les mains du Roi, ce n'est plus Hassan II qui l'exerce, c'est un autre homme mais avec les mêmes prérogatives. Quant à la question du Sahara Occidental, elle reste le sujet tabou par excellence. La censure imposée par le 1er Ministre, Monsieur Youssoufi, au "Journal" en est l'exemple. Et pourtant cet hebdomadaire a pris un grand nombre de précautions pour rester dans la ligne. Néanmoins les autorités ont jugé qu'il était allé trop loin et des lourdes condamnations furent prononcées. Alors peut-on parler d'une réelle information sur ce sujet dans ce pays? Comment croire qu'une opinion objective et libre puisse s'y faire entendre? Les Marocains et les Marocaines, au moins sur la question du Sahara, sont des Sujets. S'il le faut, les autorités leurs rappelleront qu'ils ne doivent pas penser, réfléchir, s'informer sur cette problématique. Les dernières condamnations à des peines de prison ferme à l'encontre de Sahraouis témoignent s'il le fallait, que le droit d'exercer la première liberté publique à savoir, la liberté d'expression, n'est pas tolérée. En France, au prétexte de défendre nos intérêts et d'entretenir une amitié marocaine, on fait semblant de croire que l'opinion marocaine est monolithique et sincèrement dévouée à la cause. Ceci permet alors de justifier notre soutien apporté depuis 25 ans aux thèses marocaines sur la question du Sahara Occidental.
Je continue de penser qu'il existe un profond décalage entre les discours officiels et le sentiment général de la populationÝmarocaine. Faut-il rappeler qu'à une époque pas si lointaine, le Maroc revendiquait la Mauritanie? Si un Marocain à cette période là, avait eu l'audace de dire ou de penser trop fort que ce territoire devait être indépendant, il aurait sans nul doute été arrêté, torturé pour oser remettre en question l'intégrité du Royaume. Nombreux sont ceux qui qualifient aujourd'hui le règne d'Hassan II comme correspondant à "des années de plomb". Pourtant il y a seulement quelques mois, en France et au Maroc, les discours officiels étaient unanimes pour se faire l'écho de "l'immense consensus du peuple marocain envers son Souverain". Nous étions bien peu nombreux alors, à tenter de faire entendre une autre voix.
N'en sera-t-il pas de même demain avec le Sahara Occidental? Les Marocains me semblent aspirer pour beaucoup à la paix. Ils souhaitent que les conditions économiques, éducatives, sanitaire, s'améliorent. Qu'ils puissent enfin profiter des richesses de leur pays. Et le Sahara coûte cher, très cher et cela dure depuis 25 ans. N'est-il pas temps d'appréhender cette question en l'analysant sereinement, en acceptant de s'inscrire honnêtement dans le processus mis en place par l'ONU et l'OUA?. De même, n'est-il pas temps pour les pays qui entretiennent de bonne relation avec le Maroc, tout particulièrement la France, de se dégager de l'idée que le consensus marocain sur la question du Sahara Occidental est tellement prégnant qu'il est impossible de transmettre un autre message sans prendre le risque d'une rupture? Je ne le pense pas car cela laisserait croire que ces relations d'amitié sont bien fragiles. Il me semble donc urgent pour la France de traiter les deux parties, le Maroc et le Front Polisario, sur un pied d'égalité, lui permettant ainsi d'être un acteur déterminant dans la voie de la paix. De plus, il est pour le moins risqué de jouer les prolongations pensant de la sorte affaiblir le Polisario. Rien ne serait plus dangereux car la détermination des Sahraouis quant à s'exprimer sur leur devenir est profonde. Fort des assurances de la Communauté Internationale, le Front Polisario a su faire entendre la voix de la patience et du jeu démocratique à tout un peuple. Même si ce dernier est numériquement un petit peuple, jeter "aux orties" le processus référendaire risque d'engendrer une situation de crispation et c'est un euphémisme, contraignant au mieux le Polisario à s'engager dans une politique de surenchère au pire à perdre toute sa crédibilité créant alors une situation où l'expression du désespoir pourrait bien engendrer des phénomènes incontrôlables.
Au delà de mes sentiments personnels, il faut rappeler que c'est en 1963 que la Communauté Internationale a inscrit le Sahara Espagnol sur la liste des territoires auxquels s'applique la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux adoptée en 1960. Il faut également rappeler que la Communauté Internationale n'a jamais reconnu l'occupation du Sahara Occidental par le Maroc. Depuis 1991, un processus de paix est engagée sous l'égide de l'ONU et de l'OUA, processus qui doit conduire au référendum. Les Sahraouis, s'ils veulent intégrer le Maroc, se prononceront dans ce sens, s'ils veulent leur indépendance, ils la signifieront. la Communauté Internationale s'est engagée à le leur permettre. le Maroc et le Front Polisario ont souscrit à ce processus. Ne vaut-il pas mieux pour nous tous, sur les deux rives de la Méditerranée, oeuvrer à construire la paix? Si l'on en a la réelle volonté, cela ne sera possible que si l'on ne bafoue pas le Droit.
Paris, le 24 juin 2000