Abraham SERFATY, le 25 juillet 1999
Le Roi Hassan II est décédé ce 23 juillet. Il vient d'être enterré dans la solennité conforme à sa fonction. En une telle heure, je me garderai de porter un jugement sur son règne; de plus, ce jugement appartient désormais à l'Histoire.
Ce qui importe en ce moment est que toutes les forces démocratiques du pays s'unissent derrière le Premier Ministre Abderrahman YOUSSOUFI et se mobilisent pour faire triompher la démocratie. Il est permis de penser et d'espérer que le nouveau Roi, Mohamed VI, saura répondre ainsi à l'attente du peuple et assurer par là la gloire de son règne.
Il importe pour cela que les entraves apportées à l'expérience d'alternance entreprise depuis mars 1998 soient levées, que le gouvernement Youssoufi soit, conformément à la Constitution, un gouvernement Youssoufi composé des seuls ministres émanant de la majorité élue au suffrage universel et appliquant la volonté de changement réel exprimée par les urnes. L'appareil makhzen renforcé de l'emprise mafieuse, qui, reprenant dès les années soixante l'entreprise coloniale, a désarticulé le pays et conduit le peuple à la misère, doit être définitivement et complètement écarté. L'initiative créatrice du peuple, de sa jeunesse poussée jusqu'à présent au désespoir, doit pouvoir s'épanouir librement. Le pays doit cesser d'être pillé et détruit par des spéculateurs sans foi ni loi. Les tortionnaires, gardiens de cet ordre injuste, devront être châtiés et toute la vérité et la justice faites sur les horreurs de ces décennies passées, et, en premier lieu sur les disparus, tous les disparus.
Mais la justice implique aussi que le droit à la terre pour ceux qui la travaillent, espérance de l'indépendance, soit instauré; que le droit à l'instruction, deuxième espérance de l'indépendance, redevienne une priorité majeure et le retard accumulé effacé par la mobilisation de toutes et tous; que cette honte d'un enseignement qui conduit au chômage soit effacée et le droit au travail assuré effectivement; que le droit des femmes marocaines à un statut digne et moderne soit imposé contre toutes les forces rétrogrades.
Couronnant une telle oeuvre, la Constitution devra être révisée démocratiquement pour répondre à l'exigence d'une monarchie moderne et démocratique.
Il importe aussi que la voie soit reprise de la construction d'un Maghreb arabo-berbère fraternel; elle implique la résolution sous l'égide de l'ONU du conflit du Sahara Occidental par une solution négociée "ni vainqueur ni vaincu" qui seule permettra pour le Maroc une issue honorable au futur référendum.
Que triomphe la démocratie sous l'égide d'une monarchie rénovée ! Que le Roi Mohamed VI sache répondre à cette attente historique !