Le 16 octobre, jour même de la publication du verdict de la
Cour de La Haye, Hassan II annonce l'organisation d'une grande marche
"pacifique", la "marche verte", de 350.000 personnes vers le Sahara
Occidental pour réaffirmer, avec une mise en scène
populaire, les revendications marocaines sur le territoire. Le
succès des thèses sur l'autodétermination, au
plan international, est ressenti par les partis d'opposition
marocains qui font alors pression sur Hassan II pour abandonner son
attentisme.
Cette "marche verte" devient alors le paravent derrière lequel
se joue la véritable scène.
Madrid réagit violemment contre la décision marocaine,
mais aussitôt des pourparlers s'engagent entre les deux pays.
La "marche verte" est ajournée, ce qui laisse entendre qu'un
accord est proche: mais le 6 novembre, les marcheurs
pénètrent de quelques kilomètres dans le Sahara
pour y rester quelques jours seulement. Cette marche permet au roi de
récupérer un certain "soutien populaire" et de cacher
l'infiltration de l'armée marocaine - du reste
commencée depuis une semaine au moins comme le
démontrent les accrochages qui eurent lieu entre le Polisario
et les troupes marocaines. Il se peut que cette marche verte servit
encore à vaincre les dernières résistances du
clan légitimiste espagnol et à présenter comme
inévitable à l'opinion publique espagnole un accord
qui, s'il n'est pas équitable, permet un désengagement
sans affrontement.
Officiellement, l'Espagne réaffirme jusqu'au dernier jour sa
position favorable à une solution respectueuse des
résolutions de l'ONU. Mais l'Espagne cherche surtout à
se dégager sans trop perdre la face et à sauvegarder
ses intérêts dans la région. Or tout cela
intervient au moment d'une passation de pouvoir fort délicate
et l'on ne veut pas que l'affaire du Sahara l'entrave: Franco meurt
le 20 novembre.
C'est ainsi qu'un accord tripartite est
signé le 14 novembre
1975 à Madrid entre l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie.
Rendu en partie public quelques jours après, cet accord
prévoit "l'institution d'une administration intérimaire
dans le territoire avec la participation du Maroc et de la
Mauritanie, et avec la collaboration de la Djemaa", et la fin de la
présence espagnole avant le 28 février 1976. Il est
réaffirmé que "l'opinion de la population sahraouie
exprimée par la Djemaa sera respectée". Tout cela est
présenté comme une application des résolutions
de l'O.N.U..
C'est ainsi que le vieil instrument de la politique colonialiste de
l'Espagne est réhabilité pour permettre à son
ancien tuteur de se libérer du poids de la
décolonisation. Une série d'accords qui ne seront
connus que petit à petit sauvegardent les
intérêts espagnols. Quant au partage du Sahara, entre le
Maroc et la Mauritanie, il devient effectif le 14 avril 1976, jour de
la délimitation des frontières officielles.