Paris le 28 avril 2001
Coloquio de Juristas sobre el Sahara Occidental
en Paris el 28 de abril de 2001
Afifa KARMOUS, pour France Libertés Fondation Danielle Mitterrand.
Le territoire est l'un des paramètres qui définit l'Etat souverain. Cela limite géographiquement sa juridiction et sa compétence personnelle. Cela veut dire également, qu'il a la maîtrise sur les ressources terrestres et maritimes exploitables. Ce dernier point a été abordé par l'étude des accords de pêche1 .
Qu'en est-il d'un territoire non autonome comme le Sahara Occidental, dont le statut juridique est à définir au terme de la mise en uvre du droit à l'autodétermination ?
La question de la sauvegarde des ressources naturelles est donc au centre du problème des peuples non autonomes, car l'occupation, en l'occurrence par le royaume du Maroc, a pour conséquence la dépossession du territoire, dont le corollaire est l'exploitation des richesses au profit d'Etats tiers.
Nous aborderons l'existence des ressources terrestres exploitables, que sont les ressources naturelles, notamment en minerais et hydrocarbures. Puis nous nous interrogerons sur l'existence d'instruments internationaux protégeant ces ressources de l'exploitation d'un Etat tiers occupant.
I - Les ressources terrestres du Sahara Occidental, territoire non autonome
Le territoire du Sahara Occidental
est de 266 000 km2. Le territoire est riche en son sol, c'est la
seule information qui soit partagée par les différents
observateurs.
L'évaluation des réserves du sol est en effet
difficile, en raison de son histoire marquée par les
velléités hégémoniques des uns et des
autres. C'est pourquoi, il n'existe pas de travaux de prospection
sérieuse appuyés par des études de terrain sur
de grandes surfaces.
En outre, certains travaux ont sûrement été
sacrifié à des intérêts
stratégiques. Ensuite pour des raisons de politique
économique les résultats des recherches n'ont pas
été publiés, et pas plus par le Maroc. Aussi, la
présente partie s'appuie essentiellement d'études de
géologues ayant fait un travail analogique pour
déterminer approximativement les ressources naturelles du
Sahara Occidental.
1/ les minerais
Le sous sol est
indéniablement riche et notamment en minerais. Parmi ceux-ci,
le phosphate, le fer, le titane2
, le manganèse et les pierres précieuses
revêtent une importance particulière.
Le sol est également riche en minerais précieux tels
que l'uranium, le titanium, et le vanadium.
Des relevés de 1965 effectués dans la partie centrale
font apparaître la présence de fer. L'ensemble du sud
ouest semble aussi bien fourni.
La qualité semble très bonne en raison du faible taux
de souffre.
Au nord il y aurait des gisements d'hématite importants.
Une évaluation globale des ressources en minerai montre que le
Sahara Occidental dispose de réserve considérable, dont
la qualité est en partie excellente, et non loin du
marché européen.
Les réserve de titane sont probablement aussi importantes, et
l'existence d'antimoine et de cuivre est probable.
Le Sahara Occidental est également une des plus importantes
réserves mondiale en vanadium.
Il est par ailleurs probable qu'il y ait une réserve
importante d'uranium. Cela aurait été
déterminant dans le déclenchement du conflit.
D'autres minerais seraient présents par exemple le nickel le
tungstène, le chrome platine et le manganèse.
La présence du côté libéré de
galène et de bismuth, qui ont une importance
stratégique, notamment pour l'industrie aéronautique et
spatiale, laisse à penser que le territoire a des
réserves prometteuses.
Par ailleurs, les bijoux sahraouis permettent de conclure à
l'existence de gisements importants en grenats, rubis, saphir,
topaze, beryls et tourmaline3
.
2/ Phosphate
Le phosphate découvert dans
le bassin d'El Aïoun en 1947 était alors la plus grande
réserve du monde.
Cela a conduit le colon espagnol à investir largement pour son
exploitation.
La société PhosBoucraa n'aurait aujourd'hui que
quelques installations vétustes, et serait plus coûteuse
que rentable. La production serait insuffisante. Le fait cependant,
que l'on puisse tirer de l'uranium de ces minerais, n'est pas
négligeable, d'autant que les estimations évaluent les
potentialités d'extraction dans le Sahara Occidental à
15 millions de tonnes4.
On considère que c'est là un des gisements les plus
importants du monde.
3/ sel
Les gisements en sel sont connus depuis le haut moyen âge. Les principaux minerais de ces gisements sont l'halite et le sylvite utilisés dans l'industrie de la photo, du verre, des couleurs et des explosifs. L'eau de mer est évidemment aussi un fournisseur potentiel.
4/ Hydrocarbure
Le sol contiendrait aussi des
réserves de pétrole.
Au début des années 60 des multinationales ont
commencé à prospecter, mais les résultats n'ont
jamais été publiés, les géologues
estiment néanmoins que le potentiel est
élevé.
Les gisements potentiels se trouveraient surtout à El
Aïoun, et au sud-ouest.
En 1973 dans un périodique marocain : Souffles paraissait un
article d'Abraham Serfaty, qui dans les années 60 était
directeur technique des phosphates, il indiquait ce qu'il avait pu
savoir de par ses fonctions sur les problèmes
pétroliers. Selon toute probabilité le sous sol du
Sahara Occidental contiendrait d'énormes richesses
pétrolières, et depuis longtemps des accords
très secrets les auraient livrées aux
prétroliers américains5.
Le secret qui pèse sur la présence et la nature des
ressources naturelles au Sahara Occidental, qui complique tout
travail scientifique et de recherche, est on l'aura compris purement
stratégique, et permet à la communauté
internationale de se « dédouaner ».
II- Sont la propriété de la population du-dit territoire6
Car l'annexion par le Maroc du
Sahara Occidental bien que non reconnue au plan international,
n'empêche pas la communauté internationale de commercer
avec cet Etat qui exploite des ressources d'un territoire dont le
statut juridique est encore en suspens.
Pourtant, le droit international n'est pas muet sur la question. Il
oblige les Etats à respecter la propriété des
peuples non autonomes. Là encore l'application du droit
international souffre de la démission de la communauté
internationale.
Selon une jurisprudence constante, l'Assemblée
Générale des Nations considère que
l'exploitation préjudiciable, et le pillage des ressources
marines et autres ressources naturelles des territoires non
autonomes, compromettent l'intégrité et la
prospérité de ces territoires.
A - Le droit international applicable
Ainsi, outre les résolutions pertinentes des Nations Unies relatives à la question de la décolonisation7, il existe des règles régissant la question de l'exploitation des ressources d'un territoire non autonome, que l'on peut répertorier autour de cinq principes.
1 - Le territoire non autonome dans
toutes ses composantes, et ses ressources naturelles ne peuvent
être aliénés au profit d'un Etat occupant.
La résolution 2625 du 24 octobre 1970 portant
Déclaration sur les relations amicales entre les Etats dispose
:
« Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non
autonome possède en vertu de la Charte un statut
séparé et distinct de celui du territoire qui
l'administre. Ce statut séparé et distinct en vertu de
la Charte existe aussi longtemps que le peuple de la colonie ou du
territoire non autonome n'exerce pas son droit à disposer de
lui-même conformément à la Charte et plus
particulièrement à ses but et principes
».
2a - L'exploitation abusive ou spoliante des ressources naturelles qui sont le patrimoine des peuples non autonomes, est contraire au droit international.
2b - La puissance administrante
doit préserver le bien être des peuples non autonome et
leurs droits sur leurs ressources naturelles.
La résolution d'octobre 19998
relatives aux activités économiques et autres
préjudiciables aux intérêts des peuples des
territoires non autonomes, pose le problème des
activités visant à exploiter les ressources naturelles
qui sont le patrimoine des peuples des territoires non autonomes., au
détriment des intérêts de ces peuples et de
façon à empêcher ceux-ci d'exercer leurs droits
sur ces ressources.
Elle rappelle qu'il incombe aux puissances administrantes de
favoriser le progrès politique économique et social
ainsi que le développement de l'instruction dans les
territoire non autonomes, et réaffirme les droits
légitimes des peuples de ces territoires sur leur ressources
naturelles.
Elle affirme la nécessité d'éviter toutes les
activités économiques et autres qui sont
préjudiciables aux intérêts des peuples de ces
territoires non autonomes.
3a - L'Etat a l'obligation de sanctionner ses ressortissants et les personnes morale de sa nationalité qui agissent en contradiction des intérêts des peuples non autonomes.
3b - Les investissements
économiques étrangers doivent être
réalisés en collaboration avec les peuples des
territoires non-autonomes, et conformément à leurs
vux, afin d'apporter une contribution valable au
développement socio-économique desdits territoires.
La résolution 2621(XXV)9
fait obligation aux gouvernements de prendre des mesures
législatives, administratives ou autres à
l'égard de ceux de leurs ressortissants et des personnes
morales relevant de leur juridiction qui possèdent ou
exploitent dans les territoire non autonomes des entreprises
préjudiciables aux intérêts des habitants de ces
territoires, afin de mettre fin aux activités de ces
entreprises.
B - Les sujet directs
Les gouvernements et organismes de
l'ONU doivent donc prendre toutes les mesures nécessaires afin
d'assurer la souveraineté permanente des peuples de ces
territoires non autonomes sur leurs ressources naturelles.
La puissance administrante particulièrement doit, par des
mesures efficaces protéger et garantir le droit
inaliénable des peuples de ces territoires non autonomes sur
leurs ressources naturelles, ainsi que leur droit d'établir et
de conserver leur autorité sur l'exploitation
ultérieure de ces ressources.
Autrement dit, la puissance administrante a l'obligation de
protéger les droits de propriété des peuples des
territoires non autonome.
1/ de jure
L'Espagne en février 1976
signifiait au Secrétaire Général qu'elle avait
mis fin à sa présence dans le territoire, c'est
à dire qu'elle considérait qu'elle était
dégagée de toute responsabilité de
caractère international dans l'administration du
territoire.
Or la IVième commission de l'ONU de la décolonisation
considère que la situation actuelle de l'Espagne vis à
vis du Sahara Occidental est identique à celle d'avant le 14
novembre 197510
. L'Espagne demeure donc la puissance administrante de jure du Sahara
Occidental, le Maroc étant considéré comme
puissance occupante.
S'il l'on ajoute que les accords de Madrid nuls sur le plan
international, sont invalides en droit espagnol, cela fait peser sur
l'Espagne une lourde responsabilité.
2/ de facto
Le Maroc en annexant le territoire
a transgressé tous les principes du droit
international11
: le droit à l'autodétermination, le principe de
l'intégrité territoriale, l'interdiction de l'usage de
la force.
Aussi, on ne peut que considérer que la responsabilité
des principes énoncés plus haut lui sont
matériellement imputables, en tant que « puissance
administrative»12
du Sahara Occidental.
Enfin, le respect du droit international pour être efficient
doit engager l'ensemble de la communauté internationale, et ne
pas être modulable au gré des intérêts
économiques. Autrement il se réduit à une
déclaration de principes qui ne fait plus illusion.
Le manque de transparence aussi bien économique que politique
au Sahara Occidental, le mandat de la MINURSO limité, nous
amène à conclure qu'il n'est que temps qu'une solution
équitable soit trouvée pour la dernière colonie
en Afrique.
Le dernier rapport de Kofi Annan ne mentionne plus
l'autodétermination, mais parle « d'un transfert de
responsabilité dans certains domaines, qui soit authentique,
important et conforme aux normes internationales » « aux
habitants et anciens habitants du territoire ».
Souhaitons que cela ne soit pas une énième pirouette diplomatique.
1 Accords Union Européenne-Maroc
2 Métal blanc utilisé par exemple comme matériau de base pour l'électronique.
3 L'Ouest Saharien Etat des lieux et matériaux de recherche, ed. L'Harmattan, Les ressources exploitables du Sahara Occidental, Christoph M Brennesein.
4 Le pari économique du Sahara Occidental, Eldorado sous perfusion, article de Rémi Godeau, Jeune Afrique n°1722, 6-13 janvier 1994
5 Le Sahara Occidental : Un processus révolutionnaire dans l'Occident Arabe, de Christine Daure-Jouvin.
6 Article 73 de la Charte des Nations unies.
7 Notamment concernant le Sahara Occidental :
- Résolution 2072-XX de 1964, par laquelle l'ONU demande à l'Espagne d'initier des négociations pour donner sa souveraineté aux territoires d'Ifni et du Sahara.
- Résolution 2220-XXI de 1966, par laquelle l'ONU demande à l'Espagne de préparer un référendum « en conformité avec les aspirations de la population autochtone ».
10 Accords Tripartites de Madrid, par lesquels l'Espagne cède sa colonie au Maroc et à la mauritanie, en violation du droit international.
11 Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, article 47§4.
12 Terme employé par Kofi Annan dans son rapport sur la situation concernant le Sahara Occidental, le 24 avril 2001.