Asociacion
de Familiares de BP 12 Tindouf (Algerie) C/
José Ortega y Gasset 77 2 A |
|
|
État critique des grévistes de la faim sahraouis à la « prison noire »
Les faits :
Le 24 décembre 2001, 131 détenus sahraouis ont commencé une grève de la faim illimitée pour protester contre la grave situation qu'ils subissent à la « prison noire ». Parmi ces détenus se trouvent 23 prisonniers politiques qui ont été, en majorité, arrêtés à Smara, le 17 novembre 2001, pour avoir exprimé publiquement leur opposition à la visite qu'allait effectuer le roi Mohamed VI. Les prisonniers sahraouis avaient transmis à l'administration pénitentiaire à diverses reprises leurs plaintes en demandant l'amélioration de leurs conditions de détention, en particulier celles qui affectent leur santé mentale et physique (droit à la santé, à l'alimentation, visites de leurs familles...) C'est ainsi que les prisonniers sahraouis ont dénoncé le 19 décembre 2001 auprès du procureur général du roi la situation grave dont ils souffrent à la « prison noire ». Le procureur les a menacés de représailles s'ils persistaient dans cette voie. Face à l'indifférence de l'administration pénitentiaire et des autorités judiciaires marocaines, les détenus ont décidé d'entamer une grève illimitée pour protester contre la situation grave dont ils souffrent à la « prison noire ».
Le même jour, les étudiants du collège Saguia el Hamra ont organisé un rassemblement pacifique, en solidarité avec les détenus politiques sahraouis enfermés à la « prison noire », pour exiger des autorités d'occupation marocaines leur remise en liberté immédiate et inconditionnelle. Pour seule réponse à ces revendications, les forces de sécurité marocaines ont arrêté deux jeunes : Lahsen Mohamed Lamin Saïd Baddad et Hadiya Laibidi Hmaïm. Ces deux personnes auraient été torturées et maltraitées au commissariat central de Smara.
Le 25 décembre 2001, un autre Sahraoui, Ali Mohamed Raïs, est arrêté par les forces d'occupation, à El Ayoun, sous l'accusation de participation à une manifestation.Le 25 décembre 2001, les familles des grévistes organisent, devant le siège du tribunal d'appel, un rassemblement de protestation contre la dégradation des conditions de leurs parents à la prison.
Le 26 décembre 2001, près de 200 parents des prisonniers se sont rassemblés devant la « prison noire » avec des pancartes demandant la libération de leurs parents et en scandant des slogans : « il n'y aura pas de vie digne à El Ayoun tant que nos enfants croupiront à la prison noire ».
Le 31 décembre 2001, les premiers cas de perte de conscience parmi les grévistes sont signalés. Huit prisonniers sont conduits à l'hôpital.
Le 2 janvier 2002, le directeur de la prison refuse aux prisonniers l'utilisation du téléphone public de la prison afin qu'ils ne puissent pas communiquer avec l'extérieur. Les grévistes sont formellement interdits de sortir de leurs cellules. Les cas graves et qui nécessitent un traitement médical sont privés d'hôpital. Ce jour-là, dix d'entre eux furent victimes d'une telle décision :
Le même jour, le détenu Hadda Sidi Mahmoud, alias Kaïnan, a été soumis à la torture et à de mauvais traitements de la part du directeur de la prison qui était accompagné d'une vingtaine de fonctionnaires. Le détenu Hadda était accusé d'être l'instigateur du mouvement de grève. Après sa torture, le détenu sahraoui a été mis dans la cellule d'isolement.
Le 2 janvier 2002, les mères et les membres des familles des 131 prisonniers grévistes de la faim de la « prison noire » de El Ayoun ont organisé une marche de protestation contre la situation dramatique de leurs parents détenus. Les participants à la marche ont commencé leur action à 10 heures du matin depuis le tribunal de El Ayoun. Les organisateurs avaient l'intention de poursuivre leur marche de protestation jusqu'à la « prison noire » de El Ayoun, mais ils furent surpris par l'intervention brutale de la police, un peu après avoir dépassé l'hôtel où se trouve installé le personnel de la MINURSO (Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara Occidental). Des dizaines de femmes ont été blessées par les forces d'occupation, dont 20 dans un état grave, 2 dans un état très grave et une dans un état critique (fracture du crâne). Seules ces trois dernières ont été admises à l'hôpital de El Ayoun tandis que les autres blessées ont été expulsées de la salle des urgences par les forces de sécurité marocaines.
À partir du 4 janvier 2002, les autorités marocaines commencent à multiplier les pressions et les intimidations contre les familles pour qu'elles forcent leurs enfants à renoncer à la grève de la faim.
Le même jour, les autorités ont transféré H'mad Hammad de El Ayoun à Tarfaya en dépit de son état de santé. H'mad Hammad est un défenseur des droits de l'homme qui milite au sein du Forum vérité et justice (section Sahara) qui avait été l'objet de plusieurs tentatives d'élimination physique en raison de son action en faveur des droits de l'homme.
Le 5 janvier 2002, l'administration de la prison confisque toute l'eau potable apportée par les familles aux grévistes, ce qui oblige ces derniers à boire l'eau du robinet, peu salubre.
Le 6 janvier 2002, deux des grévistes sont transférés respectivement aux prisons de Settat et de Taza.
Le 8 janvier 2002, l'administration d'occupation ne permet pas à l'Association marocaine de défense des droits de l'homme de visiter la « prison noire ».
Description de la « prison noire » :
La prison civile de El Ayoun, tristement célèbre sous l'appellation de « prison noire » au sein de la population sahraouie, est un édifice d'un étage clôturée d'un mur de plus de 15 mètres. L'ancienne prison durant l'époque coloniale avait été construite au milieu des années 50. À cette époque, elle contenait 4 salles et 8 cellules individuelles. Pendant l'époque espagnole, cette prison avait été peu utilisée si ce n'est au moment de l'intifada de Zemla (17 juin 1970) et à la période qui a suivi la création du Front Polisario (10 mai 1973). Depuis l'arrivée des forces d'occupation marocaines en 1975, des milliers de personnes sont passés par cette prison, en plus des autres centres de détention parmi lesquels compte la prison militaire des compagnies mobiles d'intervention (CMI). Elle est située à l'est de la ville sur le fleuve oued Saguia dans une zone de casernes et de résidences militaires. Elle comprend actuellement 8 pièces : les plus grandes d'environ 30 m2 et les plus petites de 16 m2, sans compter les toilettes de 6 m2. Il s'y trouve en outre plusieurs cellules individuelles d'isolement. Dans la prison règne la pénombre jour et nuit. Dans cet espace réduit vivent actuellement plus de 700 prisonniers parmi lesquels près de 140 sont sahraouis. La prison est régie par le « dahir » du 26/6/1930 (décret royal) de l'époque coloniale française. Ce « dahir » interdit aux prisonniers la pratique du sport, permet de châtier les reclus à des peines dégradantes, comme le jeûne de trois jours, ou de confiner le détenu à l'isolement dans des conditions inhumaines durant un long temps qui peut excéder des mois. Toutes ces pratiques sont contraires aux normes internationales relatives à l'administration de la justice et aux prisons.
Que demandent les grévistes ?
Les 131 prisonniers sahraouis en grève de la faim depuis le 24 décembre 2001, demandent simplement l'amélioration de leurs conditions de détention :
Face à la situation grave des détenus grévistes de la faim dans la « prison noire », l'AFAPREDESA et la UJS dénoncent les pratiques maocaines, contraires aux conventions internationales relatives à la défense des droits de l'homme, et appellent à l'intervention urgente les ONG de défense des droits de l'homme, ainsi que les institutions gouvernementales et non gouvernementales impliquées dans les questions des droits de l'homme pour que les grévistes bénéficient pleinement de tous leurs droits et que soient libérés tous ceux qui ont été arrêtés pour des raisons politiques.
« Il n'y aura pas de vie digne à El Ayoun tant que nos enfants croupiront dans la prison noire »