Le plan de paix ONU-OUA pour le Sahara Occidental entrera dans les
semaines prochaines dans sa phase la plus critique depuis son
adoption par le Conseil de sécurité en juin 1990.
Le Référendum d'autodétermination,
préconisé par les Nations Unies comme solution
pacifique du conflit de décolonisation du Sahara Occidental, a
été reporté sine die en décembre 1991
suite à l'insistance du Maroc de le dénaturer en vue de
légitimer son occupation illégale du Sahara
Occidental.
Comme chacun sait, le plan de paix original a été
fondamentalement altéré, et de façon
unilatérale, sous la pression du Maroc. Ainsi, sa clause la
plus importante, qui faisait du recensement effectué par les
autorités coloniales espagnoles (avant leur retrait en 1975),
l'unique base pour la confection du corps électoral devant
prendre part au Référendum, a été
remplacée par de nouveaux critres permettant au Maroc
d'inclure, dans les listes de votants, des citoyens marocains
transférés au Sahara Occidental. Les
événements qui suivirent attestent de manire
indéniable que ce changement radical a été fatal
pour toute perspective de Référendum libre et juste
pour le peuple sahraoui.
La possibilité que le Secrétaire
Général des Nations Unies, dans son prochain rapport du
15 mai 1996 au Conseil de sécurité, déclare
l'échec et le retrait de la Mission des Nations Unies pour un
Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) est une
éventualité réelle, voire inévitable.
Quelles sont les raisons de cet échec annoncé ?
Essentiellement, cela est dû à la combinaison de
l'opposition ouverte du Maroc à un Référendum
juste et libre et un surprenant manque de fermeté de la part
de la MINURSO dans sa gestion du plan de paix. Ce manque de
fermeté a conduit à la création d'une situation
de dépendance telle que rien ne pouvait être
décidé ou entrepris sans qu'il soit, au
préalable, assorti de l'accord de la puissance occupante
marocaine. Cette situation de dépendance totale,
ignorée et parfois niée par la MINURSO, est
constatée par l'ensemble des observateurs internationaux.
L'échec trouve son explication aussi bien dans la tournure
prise initialement par les événements ainsi que dans
des faits récents:
1. L'opposition catégorique du Maroc au principe de la
transparence dans la gestion du processus a été un
facteur décisif.
Faut-il rappeler à ce sujet que le Secrétaire
Général des Nations Unies, dans son rapport de janvier
1996 au Conseil de sécurité a décidé "de
remettre aux deux parties - le Maroc et le Front Polisario - la liste
des requérants identifiés jusqu'à présent
comme ayant droit au vote dans le Référendum" (Par. 16
du rapport S/1996/43).
Cette décision du Secrétaire Général
était une mesure salutaire et justifiée. La
transparence est un élément essentiel et un principe
fondamental pour le succs de toute opération de paix
organisée par les Nations Unies. Son non respect conduirait
à se poser de légitimes et pertinentes questions et
porterait de graves atteintes à la crédibilité
de l'institution internationale engagée dans une
opération référendaire.
Le Front Polisario a accueilli favorablement cette mesure. Cependant,
le Maroc s'y est fermement opposé. Ce véto marocain a
paralysé le travail de la MINURSO confirmant ainsi le manque
de la liberté d'action de l'ONU dans cette opération de
paix. Les conséquences de cet événement sont
d'une extrême gravité pour tout le processus
référendaire dans la mesure où, sans
transparence, un Référendum libre , juste et
honnête est impossible.
Ce comportement inadmissible du Royaume du Maroc est
l'élément révélateur, parmi toute une
série de faits et d'obstacles, qui démontre de manire
irréfutable que ce pays n'a jamais accepté
l'organisation d'un Référendum
d'autodétermination du peuple du Sahara Occidental.
2. Cela peut être encore corroboré par le
chantage du Maroc aux Nations Unies, en décembre 1991, pour
changer radicalement le plan de paix original, ou encore le transfert
massif de colons marocains dans le territoire, la recrudescence de la
répression dans les zones occupées, le refus du
dialogue direct avec le Front Polisario et les déclarations
des plus hautes autorités marocaines qui clament qu'elles
n'accepteraient pas les résultats d'un
Référendum qui ne soit confirmatif de fait
accompli.
Il s'agit là d'éléments d'information et
d'évaluation qui expliquent que le processus de paix
était condamné à l'échec faute d'une
riposte appropriée et efficace de la part des Nations
Unies.
Différents observateurs internationaux indépendants
comme Human Rights Watch (lettre adressée, le 19 septembre
1995, au Conseil de sécurité) ont conclu que le Maroc
"est parvenu à manipuler l'opération du
Référendum". Dans ce sens aussi, l'ancien numéro
deux de la MINURSO, l'ambassadeur américain Frank Ruddy est
parvenu aux mêmes conclusions devant une commission du Congrs
américain en janvier 1995. C'est peut-être pour cette
raison qu'il a été empêché de
présenter son témoignage devant la quatrime commission
de l'Assemblée générale en octobre 1995. D'autre
part, des moyens d'information de prestige international (New York
Times du 5 mars 1995) ont constaté que "peu sont ceux qui
croient que le Maroc abandonnera le Sahara Occidental quel que soit
le résultat du Référendum".
Dans un Référendum, surtout quand il s'agit de
décolonisation, la population appelée à voter
constitue l'élément le plus important en plus des
conditions et circonstances dans lesquelles va se dérouler le
scrutin.
1. Le Front Polisario, dans un esprit de flexibilité et
de coopération, au cours des négociations qui ont
conduit à l'élaboration du plan de paix, a
accepté que le Maroc maintienne dans le territoire, pendant la
période transitoire, 65.000 soldats, son administration et ses
colons. Les médiateurs des Nations Unies ont assuré le
Front Polisario que le plus important, face à ces facteurs de
pression militaire et administrative, est de croire en
l'autorité morale et politique de l'ONU et de lui faire
confiance.
Nonobstant, sur la question du corps électoral on est parvenu,
de manie; équivoque, à un accord accepté par le
Maroc en vertu duquel "auront droit au vote tous les Sahraouis
âgés de 18 ans ou plus dont les noms figurent dans le
recensement réalisé par les autorités espagnoles
en 1974". C'est justement cet accord cardinal qui permit
l'élaboration définitive du plan et, partant, la
création de la MINURSO.
2. Une fois engagée la mise en application du plan
avec l'entrée en vigueur du cessez-le-feu (6 septembre 1991)
et l'arrêt de la date du Référendum (fin janvier
1992), le Maroc, remettant en cause cet accord, procéda au
transfert par vagues successives de milliers de citoyens marocains
pour qu'ils soient incorporés dans les listes des votants.
Les Nations Unies, par leur mutisme, ont fait preuve d'impuissance
face à une si grave violation du plan de paix. Une raison
parmi d'autres qui entraîna la démission du
Représentant Spécial du Secrétaire
Général d'alors, l'ambassadeur suisse, Monsieur
Johannes Manz. Quatre mois plus tard, le 19 décembre 1991, le
Maroc parvient à imposer à l'ONU des critres
d'identification pour les votants confectionnés en vue de
garantir aux populations marocaines transférées dans le
territoire, en violation du plan de paix original, la
possibilité de participer au vote.
Depuis, le processus référendaire s'est trouvé
dans l'impasse. Cette violation flagrante a occulté la
possibilité d'un Référendum juste et libre
conforme aux voeux de la communauté internationale.
Dés lors, les portes ont été ouvertes pour un
"Référendum" dont le corps électoral serait
déterminé en fonction des desseins et désirs du
royaume du Maroc. La remise graduelle par les autorités
marocaines de 183.000 demandes de requérants à la
commission d'identification de la MINURSO est l'expression en termes
numériques d'une volonté de fraude (voir Annexe).
3. Aprs seize mois de travail mené dans des
conditions d'opacité entretenues par le Maroc, la commission
d'identification n'a pu examiner que 62.000 demandes sur un total de
242.000 dont 100.000 au nom de prétendus Sahraouis.
Les demandes présentées par le Maroc ne remplissent pas
les conditions requises par rapport au plan de paix original comme
elles ne se conforment pas aux recommandations de l'actuel
Secrétaire Général dans sa "proposition de
compromis" de juin 1993 et , principalement, la condition
préalable pour tout requérant de prouver " qu'il
appartient à une sous-fraction sahraouie incluse dans le
recensement espagnol de 1974".
Seize mois de travail d'identification ont prouvé que la
commission de la MINURSO est en but à une stratégie de
fraude à grande échelle échafaudée par
les autorités marocaines qui a culminé avec le refus
absolu de celles-ci d'accepter que la commission d'identification
procde à la publication et la remise aux deux parties des
résultats de cette premire phase de l'opération
d'identification des votants.
Le plan de paix, qui a été, depuis décembre
1991, l'objet de déviations et d'altérations de la part
du Maroc qui présentement le confinent dans une impasse
mortelle, comportait déjà des lacunes qui n'ont pas
été comblées malgré que cela ait
été signalé, en son temps, par le Front
Polisario.
Parmi ces lacunes, il faut signaler le problme du code de conduite
qui doit régir la campagne électorale, la question du
cantonnement des troupes des deux belligérants ainsi que
celles des observateurs internationaux, des médias et surtout
des mécanismes devant garantir le respect des résultats
du Référendum.
Les éléments d'information précédemment
cités donnent à penser que le processus de paix au
Sahara Occidental a pris une tournure, ces cinq dernires
années, qui allait malheureusement le conduire à
l'échec.
Le Front Polisario a réellement cru que l'autorité
morale et politique des Nations Unies, découlant de sa
responsabilité vis-à-vis de la décolonisation du
Sahara Occidental, allait toujours prévaloir face au
défi marocain pour que le processus d'autodétermination
du peuple sahraoui puisse aboutir de façon juste et
honnête. C'est cette confiance qui explique notre grande
flexibilité au cours de l'élaboration du plan de paix
ainsi que nos efforts résolus pour le maintenir en vie
malgré toutes les tentatives visant à le
dénaturer.
Le mépris et l'arrogance affiché par le Maroc et sa
volonté "de manipuler l'opération" (Human Rights Watch)
deviennent plus évidents et pourquoi ne pas dire scandaleux
lorsque celui-ci s'oppose à la publication des listes par la
MINURSO.
Le refus injustifié du gouvernement marocain du dialogue
direct avec le Front Polisario, de nature à faciliter
l'application du plan de paix, ses intentions déclarées
de n'accepter qu'un Référendum qui garantisse, au
préalable, un résultat qui lui soit favorable sont des
données qui démontrent qu'elle est la partie
responsable de l'échec.
L'ONU n'a pas voulu répondre avec fermeté au
défi marocain. Pis encore, son attitude de "laissez-faire" a
profité au seul Maroc.
Ceci étant, l'impossibilité pour l'ONU d'organiser un
Référendum juste et libre et l'inconsistance de son
implication dans la fraude, comme le souhaite le Maroc, sont des
indicateurs de l'échec de l'organisation.
Ainsi, comme relevé par la presse internationale, l'ONU se
prépare à décréter la fin de sa mission
au Sahara Occidental. Une telle éventualité intervient
alors que des observateurs indépendants confirment que "de
sérieuses violations des droits de l'homme continuent
d'être commises par les forces de sécurité
marocaines au Sahara Occidental en contradiction avec les
traités sur les droits de l'homme signés par le Maroc
et malgré la présence dans le territoire, depuis 1991,
de la Mission des Nations Unies pour un Référendum au
Sahara Occidental, MINURSO" (Amnesty International, 18 avril 1996,
MDE 29/04/96).
Il est trs difficile d'admettre que l'échec vraisemblable
annoncé soit la conséquence d'un manque de soutien
financier ou de coopération des "deux parties". Tous les pays
membres de l'ONU, à commencer par ceux du Conseil de
sécurité, sont suffisamment informés sur les
raisons réelles qui peuvent conduire à l'échec
patent de l'ONU au Sahara Occidental. Une des causes principales, et
non des moindres, réside dans le manque de fermeté de
l'ONU vis-à-vis de la puissance occupante du territoire.
Un retrait partiel de la MINURSO, laissant derrire uniquement sa
composante militaire, serait le symbole d'un échec qui aurait
pu et dû être évité. Il relverait de la
docilité des Nations Unies par rapport aux exigences
marocaines.
Jusqu'à maintenant, la composante militaire de la MINURSO n'a,
conformément au plan de paix, de responsabilité autre
que de superviser le cessez-le-feu qui constitue la premire
étape du processus référendaire.
Pourtant, vouloir maintenir uniquement un cessez-le-feu, sans
perspectives de Référendum serait une caution à
l'occupation du territoire et mettrait l'ONU en porte à faux
par rapport à sa vocation et à sa responsabilité
en matire de décolonisation.
Une option alternative découlant de l'échec du plan de
paix qui ne tienne pas compte du caractre colonial du problme et
qui ne soit pas acceptée par les deux parties ne serait ni
réaliste ni recommandable. Elle conduirait
inévitablement à une vision unilatérale
contraire aux principes contenus dans la charte de l'Organisation des
Nations Unies.
Le Front Polisario considre que l'attitude adoptée par le
Maroc empêche la continuité du processus de paix dans un
cadre transparent et crédible et que la fin du processus
conduira à une crise majeur dont seul le Maroc est
responsable.
Le peuple sahraoui continuera de privilégier la solution du
conflit qui l'oppose au Maroc par les voies pacifiques,
conformément aux principes et résolutions de l'ONU. Le
cas échéant, il est décidé de
défendre ses droits à l'autodétermination et
à l'indépendance par tous les moyens nécessaires
à sa disposition.
La communauté internationale a une responsabilité
imprescriptible de garantir le succs du processus engagé pour
prévenir toute crise régionale majeure aux
conséquences dangereuses et imprévisibles. A cet effet,
une action résolue va prendre en considération :
Mai 1996