Mercredi 27 septembre 2000
Régine VILLEMONT
Secrétaire Générale de l'Association des Amis de
la RASD
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, Mesdames, Messieurs, honorables membres de la quatrième Commission de décolonisation de l'Assemblée Générale des Nations Unies, de vous remercier d'avoir bien souhaité m'accueillir et m'entendre à l'occasion de vos travaux sur la question du Sahara Occidental.
A cette occasion, permettez-moi de saluer votre rôle historique depuis plusieurs décennies dans la définition d'un nouveau droit.
Secrétaire Générale de l'Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique depuis un peu plus de 10 ans, c'est avec une réelle fierté que je souhaite aujourd'hui témoigner devant votre prestigieuse assemblée et apporter une juste appréciation de la légitimité de la lutte de libération du Peuple Sahraoui et du Front Polisario ainsi qu'une information relative au mouvement de solidarité qui existe en France et qui, peu médiatisé, est largement méconnu.
L'Association des Amis de la RASD, d'abord Association des Amis du Peuple Sahraoui parce que créée à Paris avant la proclamation de la RASD le 27 février 1976, a été entourée dès sa création de parrains prestigieux, journalistes, politiques, militants des causes anti-coloniales, des droits de l'homme.
L'engagement militaire et diplomatique de la France, au début du conflit aux côtés des deux principaux protagonistes, Maroc et Mauritanie, a alimenté notre activité politique et d'information. Il fallait en effet dénoncer les dérives néo-coloniales du gouvernement de notre pays. Il fallait aussi populariser l'idée du droit à l'autodétermination et à l'indépendance du Peuple Sahraoui auprès de l'opinion française.
Deux objectifs ont présidé à notre fonctionnement, l'ouverture sans exclusive à toutes les sensibilités unies autour de la défense du droit à l'autodétermination du Peuple Sahraoui, la coordination européenne et l'entretien de liens étroits et réguliers avec les autres associations existant en Europe.
La mise en route en 1980 d'un premier accueil de 120 enfants sahraouis suivi d'un premier jumelage, premières pierres donnant de " l'humanité " à un soutien jusqu'alors plus traditionnellement politique, nous ont permis de grandir en taille et en maturité. Indispensable, compte tenu du contexte français.
Après les premières années d'intérêt manifesté dans la presse et l'opinion pour une guerre du désert aux parfums d'exotisme, pour laquelle l'engagement de notre pays n'était pas compris, le Front Polisario fut vite oublié. Existant peu dans l'imaginaire des Français qui leur préfèrent les Touaregs, les Sahraouis souffrent en France d'un déficit d'intérêt. Au contraire, les relations avec le Maroc sont devenues de plus en plus étroites, voire harmonieuses, tant au niveau de l'état, quelle que soit la sensibilité du pouvoir, qu'au niveau d'une bonne partie des médias qui font l'opinion.
Cette situation attentivement observée et encouragée par la diplomatie chérifienne, qui ne semble pas dépourvue de moyens pour exercer d'utiles et d'amicales influences en France, a été brutalement troublée en 1990 par la publication du livre " notre ami le Roi " et la sympathie affichée de Madame Danièle MITTERRAND pour la cause sahraouie.
Quoiqu'il en soit, le soutien officiel, même s'il est devenu plus discret, à la politique marocaine au Sahara Occidental ne s'est jamais démenti. L'incapacité à croire en la viabilité d'un état et d'une nation sahraouie, a sa place nécessaire dans une dynamique d'unité et d'équilibre maghrébin, est sans doute une des raisons qui explique la volonté française de ne pas envisager une autre politique au Maghreb.
Pourtant, la certitude de son bon droit et de son avenir comme nation indépendante, le courage et la maturité à construire un état en exil, ne peuvent-ils être retenus en faveur du Peuple Sahraoui et de ses dirigeants ? C'est ce qu'a compris et défend le mouvement de solidarité en France, en Europe qui, au travers des jumelages, des coopérations multiples, des accueils de jeunes, ont pu apprécier toute la vigueur et la solidité de ce peuple.
C'est en 1966 que la première résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies appelle " la puissance administrante, l'Espagne, à prendre les mesures nécessaires pour la libération du territoire du Sahara Espagnol " et incite " à établir les modalités d'un référendum " sous les auspices des Nations Unies, afin de permettre à la population autochtone du territoire d'exercer librement son droit à l'autodétermination.
Ainsi, dès 1966, la configuration du problème du Sahara Espagnol, de même que son règlement, sont établis par les Nations Unies : il s'agit d'un problème de décolonisation qui doit être résolu par la mise en place d'un référendum d'autodétermination.
34 années ont passé depuis la publication de cette résolution.
Le droit pour les peuples colonisés n'a pas changé, l'organisation d'un référendum pour le Peuple Sahraoui devrait plus que jamais s'imposer à la Communauté Internationale.
Il n'est pas nécessaire de reprendre dans cet exposé l'histoire des avancées et des reculs des Nations Unies, de rappeler le cadre fixé par la résolution 104 de l'Organisation de l'Unité Africaine qui, comme l'Assemblée Générale, invitait les parties à des négociations directes.
Il est par contre nécessaire de vivement s'inquiéter de l'application du Plan de Paix qui a mobilisé tant d'énergie, qui a suscité tant d'espoirs.
N'est-il pas aujourd'hui menacé ? L'une des parties clairement n'en veut plus et certaines puissances sont à la recherche de nouveaux moyens de parvenir à un règlement.
Le remplacement d'un monarque autocrate redouté tant au Maroc qu'à l'étranger - on parle aujourd'hui des années de plomb &endash; par un jeune souverain très attendu pour relever les défis de la modernité et de la démocratie ouvrait des perspectives. Rien pourtant n'a bougé sur la question du Sahara Occidental. Dans les territoires occupés, l'interdiction est toujours aussi dure pour qui veut s'exprimer autrement que sur la marocanité du Sahara et les procès pour délits d'opinion continuent à condamner lourdement ceux qui osent manifester.
Le gouvernement, comme le Roi du Maroc, continuent d'affirmer la marocanité du Sahara occupé comme un acquis, et ce, en violation des résolutions des Nations Unies et des Accords d'Houston signés par ce même gouvernement et le Front Polisario. Aucune de ces déclarations ne suscite d'indignation, ni même d'étonnement, si ce n'est le geste tout récent du Roi d'Espagne qui, avec courtoisie, a demandé à Mohamed VI de faire des efforts pour s'entendre avec le Front Polisario.
Ce durcissement des positions marocaines intervient au moment où le patient et complexe travail d'identification mené par la commission de la MINURSO arrive à son terme, avec la publication en janvier dernier des listes provisoires de votants sahraouis.
La publication de ces listes, pourtant élaborées sur la base des critères d'éligibilité acceptés par les parties, a provoqué des réactions marocaines inadmissibles à l'égard de la MINURSO et des Nations Unies et une nouvelle surenchère de recours imposant de fait aux Nations Unies un nouveau round d'identification.
Une telle situation, un corps électoral en bonne voie d'achèvement (l'effectif obtenu des votants était celui approché par James Baker en 1997) qui pouvait permettre d'envisager l'organisation de la consultation, au lieu de susciter de la part des Nations Unies enthousiasme et fermeté, résolution politique face à la mauvaise foi d'une des parties, a au contraire généré la tentation d'abandonner le plan et le référendum !
Que se passait-il ? la perspective d'un scrutin favorable à l'indépendance devenait-il un horizon si dangereux pour l'avenir du Maroc qu'une autre solution devait être trouvée !
De telles habiletés sont dangereuses et inacceptables.
De nouveaux moyens ne sont en fait que la négation du droit d'un peuple colonisé à disposer de lui-même.
Négation des règles démocratiques que s'est forgée la Communauté Internationale, lourde de risques de guerre.
Daniel PAUL, Député, Président du groupe d'étude de l'Assemblée sur le Sahara Occidental, ne manquait pas d'en manifester son inquiétude dans une question écrite au Ministre des Affaires Etrangères dès mars dernier " il est certain que dans les conditions actuelles, la Communauté Internationale est bafouée dans sa volonté d'aboutir Š Les risques d'une rupture du cessez-le-feu son réels Š L'heure ne doit plus être à des conflits armés pour que les peuples obtiennent le droit de décider de leur avenir ".
Les Nations Unies qui, dans un passé récent, ont assisté impuissantes à d'effroyables massacres, peuvent-elles prendre au Sahara Occidental un nouveau risque ?
Les récentes initiatives prises par James BAKER invitaient plutôt à la lassitude et au découragement. Celui-ci a pourtant affirmé à la dernière rencontre de juin qu'il n'était pas question pour lui de tuer le plan !
La nouvelle rencontre qui doit avoir lieu demain à BERLIN doit résolument réinventer la dynamique installée par les Accords d'Houston en 1997 et imposer, que le Maroc le veuille ou non, avec les moyens que les Nations Unies auront la volonté de se donner, l'organisation d'une consultation référendaire ainsi que les moyens pour mettre en ¦uvre ses résultats.
Dans cette perspective, l'identification déjà bien avancée doit être menée à son terme de sorte de parvenir à la définition incontestable du corps électoral sahraoui, condition indispensable à la tenue du référendum libre et régulier.
Le temps presse, la situation est lourde des risques d'une reprise du conflit armé dès l'instant où le Front Polisario aura épuisé toutes les formes pacifiques pour faire respecter les droits du Peuple Sahraoui.
Le temps presse, il faut tout faire pour que les peuples du Maghreb retrouvent enfin la paix. Regarder par exemple les initiatives de Forum et Vérité, toute jeune association des droits de l'homme au Maroc, réunissant depuis 1999 d'anciens prisonniers et d'anciens disparus. En toute fraternité, aidés par des militants marocains, une section Sahara de Forum et Vérité vient d'être créée.
Initiative exemplaire, sans doute porteuse de l'avenir d'un Maghreb réconcilié.
Je vous remercie de votre attention.
Régine VILLEMONT
Secrétaire Générale de l'AA RASD