LE MAROC INVESTIT DANS L'EXPLOITATION DES RICHESSES DU SAHARA OCCIDENTAL.
Le Maroc occupe, illégalement au regard du droit international, le territoire du Sahara Occidental. De ce fait il peut en exploiter les richesses naturelles et développer ses investissements dans les mines de phosphates sahraouies. Ces minerais, ajoutés à ceux extraits sur son propre territoire, permettent au Maroc de conforter sa position de leader mondial dans le domaine des engrais phosphatés. D'autres richesses minérales sahraouies sont l'objet, avec l'aide de l'Union Européenne, d'investissements de recherche de la part du Maroc.
En procédant ainsi le Maroc passe outre le droit international concernant les territoires non autonomes et la protection de leurs richesses. Il en résulte une augmentation de la captation des biens du peuple sahraoui par le Maroc qui n'a aucun droit sur le territoire du Sahara Occidental.
Les richesses minières stockées dans le sous-sol du Sahara Occidental, "constituent le patrimoine du peuple sahraoui et toute activité concernant ces biens constitue une violation du droit concernant la décolonisation 1".
LA SITUATION DES PHOSPHATES MAROCAINS ET SAHRAOUIS.
INTERET DES PHOSPHATES
Produits vitaux pour l'agriculture, qu'elle soit intensive (pays occidentaux) ou en pleine expansion (pays émergents), les engrais phosphatés, qui proviennent du minerai de phosphate, intéressent de très près les économies agricoles d'une large majorité de pays.
L'intérêt des phosphates, dont plus de 80% de la production mondiale est utilisée par l'agriculture, tient au fait que toutes les plantes, cultivées ou non, ont un besoin incontournable de phosphore pour leur existence et leur croissance. Comme il n'y a aucun produit de substitution, les phosphates se révèlent être indispensables à la vie du monde végétal. Si qualitativement le phosphore doit impérativement être présent dans le sol pour assurer la vie des végétaux, son abondance favorise le développement quantitatif de ceux-ci et donc permet l'accroissement de la production agricole qui peut répondre dès lors à la progression des besoins alimentaires mondiaux.
Il en résulte une augmentation de la demande en engrais phosphatés, que reflète la production mondiale de phosphates. Celle-ci était de 42 millions de tonnes en 1960, 77 millions en 1969, 110 millions en 1974, 132 millions en 1980, 162 millions en 1990, 133 millions en 1996 et de 128 millions de tonnes en 2001 [US Gov.].
LES PHOSPHATES MAROCAINS
Dans le domaine des phosphates et de leur transformation en engrais phosphatés, le Maroc occupe une position dominante. Il possède le tiers des réserves mondiales de phosphates, il est le 2e. producteur et le 1er. exportateur de phosphates. Concernant l'acide phosphorique il en assure 40% de la production mondiale. " La part de marché de l'O.C.P. ( l'Office Chérifien des Phosphates ) dans le commerce international des phosphates sous toutes ses formes ( minerai brut et dérivés ) est de 27% " [rapport d'activités 2002]. Depuis 12 ans les mines marocaines fournissent en moyenne 21 millions de tonnes de phosphates bruts pour une production mondiale moyenne de 137 millions de tonnes [US Gov.].
LES PHOSPHATES SAHRAOUIS
Découverts en 1945 par le géologue espagnol Don Manuel Alia et exploitées à partir de 1972, les mines de phosphates du Sahara Occidental, sont situées à Bu-Craa à 100 kilomètres au sud-est d'El Aiun. Les réserves sont estimées à 3 milliards de tonnes [US Gov.]. La concentration en carbonate de phosphore est de 69% ce qui place ces phosphates au 2e. rang mondial derrière ceux du Maroc (75%)2 . Le coût d'extraction en est très faible les couches de minerai affleurant quasiment à la surface du sol. Les gisements s'étendent sur 250 Km2.
Les mines de phosphates connurent des rythmes d'exploitation divers du fait de la lutte de libération que connut le Sahara à partir de la tentative marocaine de s'approprier le territoire sahraoui. FOSBUCRAA, la société espagnole constituée en 1968 pour la mise en valeur des minerais, retira jusqu'à 2,7 millions de tonnes de phosphates en 1975 [-]. La défense des richesses sahraouies par l'A.L.P.S., l'Armée de Libération Populaire Sahraouie, fit chuter puis arrêter les activités d'extraction minière. Malgré l'achèvement, par le Maroc, de plusieurs murs de défense du " Sahara utile ", le site de Bu-Craa, maintenant sous le contrôle de l'O.C.P., qui avait pris la maîtrise de FOSBUCRAA suite aux accords de Madrid 3 , ne réussit pas à retrouver son niveau d'extraction de 1975. Néanmoins les mines fournissent 12% des minerais dits " phosphates marocains ".
Au Sahara le minerai ne connaît aucune transformation chimique. Il n'y est pas utilisé pour la fabrication d'engrais ou d'acide phosphorique. Avec l'inachèvement du processus référendaire au Sahara Occidental, le Maroc s'est bien gardé d'engager des financements dans l'élaboration de produits finis. Il se contente d'y exploiter le minerai, ménageant ses propres réserves de phosphates et les préservant pour l'avenir. Le minerai est juste transporté par un convoyeur mécanique, un tapis roulant, jusqu'à El Aiun où il est lavé puis chargé sur des navires minéraliers. Il perd alors son identité de phosphate sahraoui.
Selon les sources, les mines de Bu-Craa emploient entre 2500 personnes4, dont une centaine de sahraouis, et " 518 personnes qui uvrent pour le maintien et le bon fonctionnement de la société, composée de 10 ingénieurs, 79 agents de maîtrise et 439 ouvriers et employés "[Aujourd'hui le Maroc Numéro 589 du 2- 3- 2004]. Ce dernier chiffre d'un média marocain soit cherche à minorer l'importance du site de Bu-Craa, soit démontrerait la formidable productivité que la mine aurait connu en quelques années. En 1975 2620 personnes étaient employées par FOSBUCRAA dont 45% étaient des sahraouis qui occupaient 19% des postes techniques [site web]. Une autre source avance le chiffre de 2038 salariés à Bu-Craa.
LES INVESTISSEMENTS MAROCAINS DANS L'EXPLOITATION DES MINES DE PHOSPHATES SAHRAOUIS.
L'intérêt des mines de phosphate de Bou-Craa pour le Maroc ne se dément pas au vu de la politique d'investissement que l'O.C.P. y mène depuis quelques années.
Dans son rapport pour l'année 2002 l'agence des U.S.A. pour les matières premières relevait que " en 2002 l'O.C.P. a continué l'extension des mines de phosphates et de leur capacité spécialement à Bu-Craa " [Minerals Yearbook Volume III. Area Reports: International Phosphate Rock]. Le rapport d'activité de l'O.C.P. pour l'année 2002 permet de mesurer l'importance de ces investissements [Rapport d'activités 2002] .
Ceux-ci portent sur les domaines suivants :
Ce même rapport donne des précisions sur les volumes d'extraction de phosphates selon les différents sites. Ainsi en 2001 la mine de Bu-Craa a fourni 2 047 679 tonnes de minerai et 2 274 998 tonnes en 2002 soit une augmentation de 11%. Dans le même temps l'extraction totale de phosphates " marocains " s'accroissait de 5% seulement.
Le Maroc fait ainsi supporter et rentabiliser une partie de ses investissements dans les phosphates par l'augmentation de l'exploitation des ressources phosphatières sahraouies.
En effet l'O.C.P. a mis en place en 2002 un plan d'investissement quinquennal de 10,3 milliards de Dirham ( 0,97 milliards d'Euros, soit l'équivalent du chiffre d'affaire annuel des exportations marocaines de phosphates ) afin de consolider sa position de 1er. exportateur mondial de phosphates 5.
Le Conseil d'Administration de l'O.C.P. réunit le 10 février 2004 a débattu d'un plan de développement de l'Office pour la période 2004/2008 qui va passer entre autre par la poursuite de l'investissement dans FOSBOUCRAA une filiale de l'O.C.P.[Aujourd'hui le Maroc Numéro 589 du 2.3.2004]. Ces financements vont permettre au Maroc de renforcer ses exportations de phosphates vers le Pakistan et de construire au Maroc une usine de production d'acide phosphorique [Le Matin du 6.032004]. Celle-ci s'appellera PAK-MAROC Phosphore, elle produira 350 000 tonnes de P2O5 nécessitant 1,1 millions de tonnes de minerai brut et sera opérationnelle à la fin de 2005. L'acide phosphorique sera livré aux usines de transformation du groupe pakistanais FAUJI Fertilizer Corporation. Une joint-venture nécessitant un investissement de 200 millions de $ US a été crée entre l'O.C.P. et FAUJI Fertilzer 6.
A Jorf Lasfar, à 150 kilomètres au sud de Casablanca, il est prévu de construire une usine (" la plus grande du monde ") d'une capacité de production de 850 000 tonnes d'engrais phosphatés, du D.A.P. Pour cela en juin 2004 un contrat de 73 millions d'Euros a été signé entre l'O.C.P. et la société U.S. Jacobs Engineering. Avec l'achèvement de cette unité le Maroc produira 3 millions de tonnes d'engrais D.A.P. ce qui renforcera sa position de 1er. producteur mondial de D.A.P.7
" Le Maroc à travers l'O.C.P. poursuit l'organisation du réseau mondial des engrais dont il est une partie essentielle " 8. En effet des contrats ont été signés ou vont l'être avec l'Inde, l'Iran et le Brésil.
Ainsi l'O.C.P. a remis à niveau une usine d'I.M.A.C.I.D., une filiale indo-marocaine d'engrais pour qui une 2e. unité sera construite. Des négociations avec les partenaires indiens ZUARI/CHAMBRAL et le groupe TATA sont engagées.
Il en est de même avec le 1er. producteur brésilien d'engrais BUNGE.
Avec l'Iran les accords portent sur des exportations marocaines de phosphates et des importations iraniennes de pétrole et de soufre, un produit indispensable à la fabrication d'engrais [Arabic News 22.06 2004].
Ainsi l'exploitation, totalement illégale, des phosphates du territoire du Sahara Occidental par le Maroc, lui est d'une aide précieuse pour :
LES INVESTISSEMENTS MAROCAINS DANS LA RECHERCHE DE MINERAIS SAHRAOUIS
Au Sahara Occidental le Maroc recherche activement des ressources minérales en cartographiant la géologie de ce territoire, avec l'aide de l'Union Européenne, en planifiant des reconnaissances aéroportées et en analysant les sables de la côte atlantique.
En 2002 le Maroc, à travers le B.R.P.M., le Bureau de Recherche et de Participation Minière, a entrepris au Sahara Occidental, dans lé région d'Aoussert, au sud est de Dakhla, une campagne géophysique aéroportée visant à établir les " potentialités minières des " provinces sahariennes " pour la recherche de minéralisation à métaux précieux et de base " sur une superficie de 20 852 km2. Le rapport d'activité 2002 du B.R.P.M., devenu depuis l'O.N.H.Y.M. l'Office National des Hydrocarbures et des Mines, précise que les potentialités minières de cette région concernent l'or, l'argent et le cuivre et que " la campagne hyperspectrale d'acquisition de données autour de la région d'Awserd, dans nos provinces
du Sud concrétise la première phase importante d'un vaste programme qui va, en particulier, nous permettre d'avancer rapidement dans la connaissance du potentiel minier de cette zone ".
Cette campagne s'est déroulée durant l'été 2002. Selon la logique du B.R.P.M., si des indices de minéralisations économiquement exploitables, étaient mis en évidence ils devraient être vendu à des sociétés étrangères. En effet il est précisé que " le B.R.P.M. cède au secteur privé dans le cadre d'appels d'offres internationaux les prospects qu'il met en évidence en vue de leur développement et de leur exploitation " [ONHYM].
D'autre part, sous l'égide du Ministère de l'Energie et des Mines, le Maroc poursuit la levée des cartes géologiques et géophysiques du Maroc et du territoire du Sahara Occidental. Alors qu'en 1996 aucune carte géophysique du Sahara n'étaient réalisées, en 2003 40% du territoire sahraoui étaient cartographiés. Concernant les cartes géologiques le processus est moins avancé mais la démarche est la même. L'observation des zones cartographiées montre que ce sont les régions potentiellement prometteuses qui font l'objet de relevés cartographiques .
Ce programme de cartographie, dénommé " GEOFORMA (Programme MEDA) Appui à la promotion et au développement de la cartographie géoscientifique au Maroc (P.N.C.G.) ", a reçu l'aide européenne à travers le programme MEDA . " MEDA, est le principal élément de la coopération économique et financière du partenariat euro-méditerranéen. Il permet à l'Union Européenne d'apporter une aide financière et technique aux pays du sud de la Méditerranée ". Il s'est déroulé selon le calendrier suivant :
«Octobre 1997: Demande de financement d'un projet d'appui au P.N.C.G. ( Programme National de Cartographie Géologique ) dans le cadre de la ligne MEDA; Avril 1998 : accord pour un financement de 5 millions d'Euros sur le programme MEDA 1999; Novembre 1999 : visa du projet par le comité MED; Juin 2000 : signature de la convention de financement; 30 Oct. 2002 : Endossement du dossier AT ".
Son coût est de 7,3 millions d'Euros et " GEOFORMA, le programme européen d'appui à la promotion et au développement de la cartographie géoscientifique a été lancé le 14 mars 2003 à Rabat. D'une durée de trois ans, GEOFORMA associe le BRGM, le Bureau de Recherche Géologique et Minière, (leader à 50 %), l'entreprise espagnole EPTISA (40%) et SCOT France (10%). Ce groupement interviendra en assistance technique auprès de la division géo-information de la Direction de la Géologique du Ministère de l'Energie et des Mines. GEOFORMA s'inscrit dans la nouvelle politique de développement du secteur géologique et minier du Maroc ". Le B.R.G.M. est un établissement public français chargé de mobiliser les sciences de la terre pour la gestion durable des ressources naturelles et de l'espace.
Dans le domaine des métaux rares et des pierres précieuses, l'O.N.H.Y.M. poursuit ses investigations sur le territoire sahraoui. " Pour ce qui est du Zircon et à l'image de ce qui a été découvert dans la plage de Bouissaffen dans la région de Guelmime, l'exploration continue sur la cote atlantique entre Laayoune ( El Aiun ) et Dakhla [ONHYM] ". Dans les sables marins le zircon est parfois associé au titane le long des côtes de l'Océan Atlantique. Ainsi " Un gisement de zircon et de titane ont été découverts récemment dans la plage Blanche de la province de Guelmim ".
CONCLUSION
Si l'exploitation des phosphates du Sahara Occidental, par le Maroc, lui est une aide économique certaine et d'un réel intérêt pour contrôler le marché mondial des engrais phosphatés, les espoirs du Maroc d'utiliser ces mêmes phosphates, dans ses relations politiques avec d'autres Etats, débouchent sur un échec.
En effet, depuis l'occupation du Sahara Occidental, " le Maroc a besoin d'une légitimation internationale pour sa revendication "[J. Baker]. Il tente d'y parvenir par des chemins détournés. Un de ceux-ci pourrait passer par l'exploitation des ressources naturelles sahraouies.
Lorsque l'Union Européenne apporte son aide à la cartographie du Maroc, lorsque des accords sont signés avec des sociétés étrangères sur les phosphates " marocains " sans que soient précisées l'origine des minerais ou la délimitation du territoire à cartographier, le Maroc semble avancer dans la voie de cette légitimation et espère pouvoir en tirer profit dans ce sens.
Pourtant si les activités marocaines au Sahara Occidental paraissent aider le Maroc dans cette recherche, elles montrent leur limite. En effet la communauté internationale n'avalise toujours pas cette occupation du territoire sahraoui ainsi que l'a déclaré James Baker, l'ancien envoyé personnel du Secrétaire Général de l'O.N.U. pour le Sahara Occidental, sur la chaîne de télévision américaine PBS-TV le 19 août 2004 : " Il (le Maroc) n'aura jamais l'imprimatur de la reconnaissance internationale pour son occupation du territoire ".
La récente décision des U.S.A. d'exclure le Sahara Occidental de l'accord de libre échange signé avec le Maroc en apporte une nouvelle démonstration. En effet le représentant américain au commerce extérieur a affirmé que le Sahara n'était pas concerné par cet accord [L'Economiste].
Ainsi les efforts du Maroc d'utiliser les ressources du Sahara Occidental pour faire reconnaître son occupation du territoire sahraoui se révèlent être vains.
Paris le 15 septembre 2004.
Philippe Riché, Association des Amis de la R.A.S.D. B.P. 251 75225 PARIS CEDEX 05.