« Je le dis sans ambages: j'aime les Marocains. Je les aime à proportion de leur Message, de leurs mythes, de la part qui leur revient dans l'édification de l'Humanité. Je leur suis redevable d'un long héritage: celui des prophètes, des philosophes, des hommes de science sans qui je ne serais pas l'homme que je suis aujourd'hui.
Mais je proteste aussi fort: j'aime les Sahraouis, les Berbères, peuples sémitiques qui, davantage que n'importe quels autres, ont accompagné ma démarche ici-bas. Je ne suis pas homme à renier père et mère -mes frères pas davantage: j'ai vécu dans l'ombre, dans la lumière des peuples d'Algérie, des peuples du Maroc, au point que, dans certaines circonstances, j'ai pu croire que le même sang coulait dans nos veines.
Jetant un regard douloureux sur la tragédie sahraouie, je dis: oui, le Maroc possède aujourd'hui un ennemi radical, et cet ennemi, c'est...le Maroc! Car aimer les Marocains m'oblige à haïr ce qui les prive d'être eux-mêmes, ce qui les fait se renier dans la chair de leur histoire, ce qui les conduit à trahir la longue histoire de prophètes et de philosophes dont leur génie reste pétri. Aujourd'hui, mes Marocains, conduits par des bergers fallacieux, trouvent des raisons d'assassiner le peuple sur les terres duquel ils sont implantés, j'entends le peuple du Sahara Occidental. Alors je me sens le droit de haïr, d'exécrer, d'abominer ces faux prophètes et les oracles par lesquels ils conduisent leur peuple à l'abîme...
La paix doit être le fait du désintéressement universel, c'est à dire du consensus de tous les peuples assemblés -j'entends, naturellement, l'ONU. Ce ne saurait être la décision d'intérêts léonins, de juges avides de croquer les parties, et qui poussent leur arrogance jusqu'à défier, à ignorer les résolutions de l'ONU dès lors qu'elles servent l'intérêt général en desservant les égoïsmes particuliers ».
L'an prochain à El Aiun
[1] Jean-Pierre MILLECAM, Palestine! , Edit. Al Manar, 2004.