A en croire le Croissant Rouge Sahraoui (Organe gouvernemental), la
famine est aux portes des postes de contrôle des Wilayas des
camps de réfugiés sahraouis. Dans un communiqué
rendu public le 9 janvier 2007, le CRS donne sa troisième
sonnette d’alarme dans un intervalle de trois mois, la situation est
très grave, et le drame est imminent. Le communiqué
dresse un bilan catastrophique, qui ne peut laisser indifférent
les solidaires à travers le monde, et pour les convaincre, tous
les moyens sont bons. «Le peu de l'aide arrivé
jusqu'à nos jours ne suffit pas à honorer le minimum des
besoins essentiels des milliers de femmes et des enfants innocents, qui
dépendent quasiment de l'aide humanitaire
internationale.», ou encore «Le nombre de cas de
malnutrition a également augmenté au sein des enfants et
la famine est imminente si l'on ne rattrape pas le temps perdu sans
plus tarder.» et pour conclure le CRS «adresse un appel, le
troisième de son genre en trois mois, à la
communauté internationale, aux pays donateurs, aux organisations
internationales et à la société civile, pour urger
dans une aide immédiate aux réfugiés sahraouis
afin d'éviter une famine devenue imminente.».
Que ce passe-t-il réellement aux campements ? Le
communiqué du CRS reflète-t-il vraiment la situation
actuelle des réfugiés sahraouis? Si ces
«allégations » s’avèrent justes, quelles sont
les mesures déjà mises en œuvre par la direction du F.
Polisario ? Et quelle est sa stratégie pour remédier
à ce drame humanitaire qui menace des milliers de vies humaines?
Ou comptera-t-elle uniquement sur la générosité
internationale ? Pourquoi, et malgré la situation dramatique,
cette même direction persiste à organiser les
festivités du 31ème anniversaire de la RASD
à Tfariti ? Est-elle consciente des conséquences de cette
décision qui mettra, sans doute, en question sa
crédibilité en tant que garant des intérêts
du peuple sahraoui ? Combien coûtera le financement de ces
festivités au budget ? N’est-il pas prioritaire de sauver des
vies humaines au lieu de gaspiller l’argent et les biens publics pour
une journée, même aussi sacrée quelle soit ? Cette
série de questions embarrassantes, qui brûlent les
âmes et les esprits, interpelle tous les militants et les
sympathisants de la cause sahraouie, et mérite, par
conséquent, au moins une réflexion !
Nul ne peut douter que la direction du F. Polisario est noyée
jusqu’au cou, depuis quelques années déjà, dans
une crise politique qui ne fait que s’aggraver ces dernières
années. Cette crise est manifeste, notamment, par un discours
incohérent couplé à une absence totale de
stratégie, à moyen et à long terme, susceptible de
consolider l’unité nationale, d’accumuler les acquis et de
parvenir à une solution juste qui garantit les
intérêts du peuple sahraoui. Les voix d’opposition se sont
élevées de tous bords pour dénoncer
l’incapacité de la direction actuelle du F. Polisario de
continuer la gestion et des campements et du dossier du Sahara
auprès de l’ONU. Tous les appels dans ce sens sont restés
pratiquement lettres mortes. En refusant l’entrée en
matière sur le programme politique des réformistes de
Khat Achahid, en interdisant le journal indépendant Futuro
Saharaui, et en interdisant l’autorisations à des ONG
sahraouies, les dirigeants sahraouis ne veulent pas être
inquiétés dans la sphère, bien
protégée, qu’ils se sont procurée au nom de
la révolution et de sa légitimité historique !
La famine aux campements, certainement pas. Cependant, la mauvaise
gestion, le manque de transparence et le détournement des aides
humanitaires ont poussé les deux donateurs principaux, le PAM
(Programme Alimentaire Mondial) et le HCR (Haut commissariat aux
réfugiées) à diminuer leurs aides. Et
malgré cette diminution significative, le marché du luxe
fleurit encore aux campements. Un marché qui n’est pas, bien
entendu, accessible à tous les réfugiés, c’est un
marché réservé aux élites politiques et
économiques qui dépensent sans compter. Au-delà
des frontières, quelques dirigeants, qui n’ont pas opté
pour le ralliement au Maroc, ont préféré
répartir l’investissement de leur fortune accumulée entre
Tindouf, Zouerate et Nouadhibou. Dans ces trois localités,
plusieurs dirigeants possèdent en plus de leurs villas luxueuses
un capital considérable dans plusieurs fonds de commerce, sans
oublier dans la plupart des cas une résidence secondaire en
Espagne. A vrai dire, ils sont devenus des milliardaires, mais ils
continuent à mendier au nom du peuple sahraoui. Ils devraient
avoir honte de se proclamer représentants légitimes du
peuple. Ils devraient arrêter de ridiculiser la noble cause du
peuple sahraoui. Il est inconcevable de compter indéfiniment sur
l’aide humanitaire, tandis que quelques dirigeants, qui profitent de
pleins pouvoirs, s'enrichissent illégalement et nuisent
grotesquement à l’image du peuple sahraoui et son combat pour
l'autodétermination. Ont-ils oublié que la population des
campements a cédé tous ce quelle possédait en 1975
(camions, voitures, dromadaires, argent, …) à ces
même dirigeants ? Ont-ils oublié les martyres qui ont
sacrifié leur sang pour la dignité du peuple sahraoui ?
Ont-ils oublié les souffrances quotidiennes que subit tout un
peuple ? Et enfin que rapportent-ils actuellement comme plus value ?
Que proposent-ils pour sortir de l'impasse qui menace
sérieusement la solution juste, et équitable
souhaitée pour le conflit du Sahara Occidental ?
Il est raisonnable de rendre d’abord au peuple ce qui lui appartient,
avant de lancer vos appels au secours. Comme il est raisonnable aussi
de lutter contre la famine, que vous prétendez imminente, avant
de penser à mobiliser de gros moyens pour célébrer
l'anniversaire de la RASD à Tfariti.
Mohamed BENNOU
22.01.07