Il est de tradition qu’après chaque élection
présidentielle, le nouveau patron de l’Élysée
entreprend un voyage dans les pays du Maghreb pour réaffirmer,
dit-on, d’une part, l’attachement « indéfectible »
de la France éternelle à son pré carré
maghrébin et rassurer, d’autre part, les dirigeants de ces pays,
liés à la France par l’histoire et d’importants
intérêts, sur ses « bonnes » intentions
à leur égard.
Le nouveau
président français, le très énergique
Sarkozy, a décidé de se prêter, de bonne
grâce, au rituel exercice en y apportant toutefois, fait notable,
quelques importants et significatifs changements.
Au lieu de commencer, comme il est de règle, au cours de ces
traditionnels déplacements, par le Royaume du Maroc, le
locataire de l’Élysée a décidé,
après mûre réflexion, semble-t-il, de commencer son
périple par une escale en Algérie.
Le sens de cette incontestable « révolution symbolique
» et ses possibles conséquences n’ont pas, comme on
pourrait s’y attendre, échappé aux dirigeants du Makhzen
habitués, depuis toujours, à un « régime de
traitements spéciaux » de la part de la République
Française et de tous ses dirigeants. Que ces derniers soient,
par ailleurs, de gauche ou de droite.
Et depuis la transmission du plan de vol de l’avion
présidentielle française (où sont
précisées, noire sur blanc, les jours et les
étapes du déplacement de M. Sarkozy) aux agences de
presse, le makhzen qui n’arrive pas à encaisser le coup, est
plongé dans un état de dépression et
d’inquiétude généralisé.
Certains membres influents de l’entourage royal ne cachent plus leur
sérieuse et réelle crainte de voir la visite de Sarkozy
à Alger ouvrir de nouveaux horizons de coopération et
donner lieu à une possible « convergence »
d’intérêts entre la France et l’Algérie dans des
« domaines stratégiques ». Perspective dont la
très anachronique monarchie marocaine ferait, selon eux,
incontestablement les frais.
Et il faut avouer que les craintes du Makhzen sont, pour une fois,
fondées et qu’elles ne peuvent pas être
considérées comme de purs fantasmes.
Voyons comment.
Pendant de très longues décennies, plus
précisément depuis l’indépendance de
l’Algérie, la France qui n’a jamais accepté sa
défaite militaire dans ce pays qu’elle souhaitait « sa
profondeur stratégique », devant ce qu’elle appelait des
« poignées de Fellagas », a décidé
d’utiliser le Royaume du Maroc comme un cheval de Troie pour
créer le maximum de difficultés au jeune État
algérien.
Tout a été fait pour isoler l’Algérie de son
environnement régional et contrer son influence sur le plan
international. Et le Royaume du Maroc a fait preuve, dans cette guerre
par procuration généralisée contre
l’Algérie d’une efficacité et d’une constance
redoutables.
La guerre des sables menée par l’armée marocaine contre
une Algérie qui n’est pas encore arrivée à panser
ses plaies de la terrible guerre contre le colonialisme
français, en a été le témoignage et la
preuve irréfutables.
Durant les dernières décennies, et pour faire avorter le
processus de décolonisation du Sahara Occidental auquel
l’Algérie est favorable, la France ne s’est pas contentée
d’encourager le Maroc à le coloniser purement et simplement.
Pour mettre à l’abri la très féodale monarchie
marocaine de toute condamnation internationale après son
entreprise coloniale au Sahara Occidental, elle lui a apporté,
de manière ouverte, régulière et constante, son
soutien et son appui dans toutes les enceintes internationales.
Au cours de
l’épreuve de « la décennie noire » que
l’Algérie a connue après l’interruption du processus
électoral au début des années 90, le Maroc, et sur
l’instigation de la France, a non seulement soutenu les groupes
terroristes algériens en rébellion contre leur pays, mais
il leur a aussi aménagé, et selon des témoignages
concordants, des refuges et des lieux sûrs tout au long de
la longue frontière commune entre les deux pays d’où ils
peuvent, sans risques de se faire inquiéter, sévir contre
leurs compatriotes.
Hassan II, l’ancien roi du Maroc, est allé, on s’en souvient,
jusqu’à se féliciter publiquement du fait que
l’Algérie soit devenue un laboratoire de la terreur pour bandes
armées.
Il est à relever toutefois que l’Algérie a pu surmonter
toutes ces difficiles épreuves, sans rien céder ni de sa
fierté ni de sa souveraineté.
La France ne peut pas, pour préserver ses intérêts
et la pérennité de son influence dans son pré
carré maghrébin, ne pas en tenir compte.
Et c’est certainement ce message, tout à la fois réaliste
et chargé d’espoir sur la possibilité, désormais
réelle, d’une nouvelle ère entre les deux pays, que le
président Français compte délivrer, lors de sa
visite dans leur pays, aux Algériens.
Et l’on comprend que le bonheur de ceux qui ont toujours quelque chose
à offrir et qui trouveront toujours preneurs, ne peut que faire
le malheur de ceux qui n’en ont plus.
Mais que faire, c’est la loi du marché que tout le monde a
apparemment accepté.
09.07.07