La junte militaire au pouvoir en Mauritanie vient d'autoriser la création d'une association qui sous le prétexte d'impulser les liens culturels entre les pays du Maghreb, vise à contrer la lutte du peuple sahraoui pour son indépendance. L'empressement avec lequel la junte militaire mauritanienne vient de donner sa bénédiction à la nouvelle « créature » est plus que suspecte quand on sait que des formations politiques qui représentent, pourtant, de larges secteurs de la population mauritanienne et qui ont, par ailleurs, largement contribué à la mise en place de la dynamique insurrectionnelle qui a permis l'arrivée au pouvoir de la junte au pouvoir à Nouakchott attendent toujours de recevoir le sésame qui leur permet de bénéficier d'une existence légale. Avant de nous étendre sur les raisons qui nous paraissent sous-tendre le nouveau geste d'hostilité de la junte militaire à Nouakchott à l'encontre du peuple sahraoui, voyons d'abord quels sont les objectifs, du moins officiels, de la nouvelle Association des relations culturelles au Maghreb.
Dans le communiqué publié par l'Association en question et rapporté par l'Agence indépendante de Mauritanie [1], il est affirmé, et je cite, « au moment où la nécessité se fait sentir d'une complémentarité et unification entre les contrées de monde arabe et islamique pour leur permettre de faire face aux grandes coalitions internationales [ ], et à un moment où la Mauritanie connaît un renouveau (sic) qui lui permet de retrouver son rayonnement civilisationnel et culturel comme point de rencontre entre le Nord et le Sud du Sahara, un groupe de chercheurs académiciens et d'intellectuels et de journalistes attachés à l'esprit et à l'idée de l'union proclament la naissance de l'Association pour les relations culturelles au Maghreb. » [2] Plus loin, l'Association pour les relations culturelles au Maghreb appelle tous les « intellectuels du Maghreb à oeuvrer pour la préservation du Maghreb des cinq, à combattre tous les appels à la division et au séparatisme entre les fils et les peuples de la région et à respecter l'unité territoriale de chacun des cinq pays de l'Union. »
À la lecture des paragraphes sus-citées, nous n'avions pas pu ne pas nous poser les questions suivantes:
- En fait
d'unité du monde arabo-musulman et de
complémentarité entre les pays du Maghreb, il n'est en
fait question que mobiliser le peuple mauritanien, voire les autres
peuples arabes et islamiques, contre le peuple sahraoui et son combat
légitime pour l'existence. Au nom de quel droit et en fonction
de quelques valeurs et principes ? l'existence des autres
entités maghrébines (y compris de la superficielle
Mauritanie) n'est-elle pas en soi la preuve que le Maghreb est
déjà divisé et morcelé ? En quoi le
sacrifice du peuple sahraoui au profit de l'anachronique monarchie
marocaine pourrait-il contribuer à créer l'union de
l'Oumma ou y contribuer ou susciter une complémentarité
entre les composantes maghrébine ?
Pourquoi les (pseudos) intellectuels mauritaniens nous demandent-ils
à nous sahraouis de nous délester de notre terre et de
notre histoire tout en voulant garder les leurs ? Charité bien
ordonnée ne commence-t-elle pas par soi ?
- Oublient-ils ces pseudos intellectuels que les pays arabes et musulmans ont commencé à connaître le déclin [3] non parce qu'il y a des peuples à l'image du peuple sahraoui qui se sont soulevés pour arracher leur liberté et secouer le joug de la servitude, mais parce qu'ils sont victimes de juntes militaires, comme la junte militaire mauritanienne, qui en les asservissant essaient de leur faire croire qu'ils défendent leurs intérêts malgré eux ?
- Ne savent-ils pas ces faux intellectuels mauritaniens que les régimes despotiques, comme ceux qui sévissent dans la plupart des pays du Maghreb y compris dans la très civilisée Mauritanie, ne peuvent, l'expérience historique l'a amplement démontré [4], être en aucune façon les agents de la complémentarité entre les pays du Maghreb et encore moins entre ses peuples ?
- Ont-ils oublié, ces faux intellectuels mauritaniens que leurs parents ont lutté durant les années et soixante dix contre les visées expansionnistes du régime marocain et qu'ils étaient loin de considérer que leur combat s'inscrivait dans le cadre d'un plan de division du Maghreb ou de la nation arabe et musulmane ? Veulent-ils nous faire savoir qu'une fois l'indépendance de la Mauritanie acquise, la lutte des autres peuples ne comptent plus pour eux comme le dit le proverbe hassani, amnein achrab lahmar, ya 'amal al Hassi itih ( après avoir bu, l'âne ne s'intéresse plus à ce qui advient du puits ) ? Ou veulent-ils seulement essayer, ce qui revient au même, de nous sacrifier comme en 1976 dans l'espoir de se faire bien voir par leurs mentors français et marocains ?
- Ce que les promoteurs de l'« Association culturelle du Maghreb », nous présentent, dans le pur style surréaliste et volontariste du baâth, comme un renouveau de la Mauritanie n'est-il pas, après tout, devrions-nous l'oublier ?, qu'un coup d'État blanc mené par des militaires contre des anciens compagnons d'armes ? Du banal et de la routine, en somme, dans un pays arriéré, sous-développé et depuis longtemps sous perfusion des agences de l'aide internationale ?
- A qui les membres de l'Association culturelle du Maghreb veulent-ils faire croire qu'ils sont plus soucieux de leur arabité ou plus attachés à l'intérêt de leurs coreligionnaires que les Sahraouis ? Leur surenchère n'est-elle pas mal venue quand ils essaient en se payant de gros mots et de généreux principes de dissimuler les buts et les visées d'une trouble opération de relations publiques télécommandée par les caciques du Makhzen ? ou croient-ils pouvoir être en mesure, pour mériter le prix de leur lâcheté, de rééditer, sans difficultés, l'expérience de quelques uns de leurs compatriotes qui en 1976 n'ont pas hésité à sacrifier les liens multiples qui unissent le peuple sahraoui au peuple mauritanien pour un plat de lentilles ?
Après des années d'affrontement et de guerre sanglante entre les « cousins » qui a profité au seul ennemi des deux peuples, l'expansionnisme marocain, nous avions cru que les nécessaires leçons et enseignements ont été tirés et que l'amitié entre les peuples mauritanien et sahraoui a été définitivement scellée et que plus rien ne pourrait l'exposer au danger. Il n'en est apparemment rien ! Notre peuple n'a pourtant épargné aucun effort pour se rapprocher du peuple mauritanien et lui sentir qu'il n'est pas seulement son fidèle et allié voisin mais qu'il est, par les liens de la culture, de la langue, de la religion et du sang une partie intégrante de lui-même.
Et dire qu'en 2006, il y aurait de (semblants) intellectuels mauritaniens qui, pour plaire au roi du Maroc et obtenir de lui quelques faveurs, n'hésitent pas à essayer de rabaisser notre combat et de traiter notre peuple de séparatiste et d'élément de division de l'Oumma et du Maghreb !!
Dieu protège-nous de nos amis, nos ennemis nous saurons nous en charger !!
[1] http://www.alakhbar.info/page1.php?id=4561&catid=2
[2] Idem
[3] Voir, entre autre sur ce sujet, Ghalioun, Burhan, Le malaise arabe, l'État contre la nation, Paris, Éditions La Découverte, 1991
[4] Idem