Après la publication par l'European strategic intelligence and security Center (ESISC) d'un rapport consacré au Polisario [1], M.Claude Moniquet, son président vient de nous révéler, entre les lignes, à travers une interview exclusive qu'il a accordée à l'Agence Maghreb Arabe de Presse (MAP) [2] -pour ceux et celles qui ne la connaissent que de nom, c'est l'équivalente marocaine de la défunte agence soviétique Tass- les raisons de l'intérêt subit de son officine pour le mouvement sahraoui : la solution idéale à la question du Sahara Occidental est celle proposée par le Royaume du Maroc, et si le Polisario n'en veut pas, il devrait, désormais, s'attendre à ce que notre organisation fasse tout ce qui est en son pouvoir pour lui en faire payer le prix. Et entre autres mesures que l'ESISC compte prendre, dans le cas où le Polisario persiste dans son refus d'accepter l' « offre » marocaine, M. Claude Moniquet insiste notamment sur celle de lui accoler l'étiquette d'un mouvement fondamentaliste terroriste, voire criminel, moribond mais dangereux !
La publication de ce rapport, faut-il le rappeler, par l'ESISC intervient -calcul prémédité ou fortuite coïncidence ?- quelques jours, après le vote par des institutions démocratiques européennes, notamment le Parlement européen, de résolutions historiques et courageuses [3] qui rappellent toutes la nature du conflit opposant le Royaume du Maroc au F.Polisario, un conflit de décolonisation, et la manière appropriée de le résoudre, la mise en uvre des différentes résolutions des Nations unies relatives au droit imprescriptible du peuple sahraoui à l'autodétermination et à la liberté.
Pour ceux et celles qui ont parcouru le rapport en question et dont le contenu, faut-il y insister, n'est qu'une prise en compte, les mauvaises langues diront, une labellisation par "l'Europe de l'ombre" des désirs et souhaits du Makhzen, ce qui retient avant tout l'attention c'est le ton menaçant et le langage mystificateur de la publication.
Il faut souligner, par ailleurs, que le rapport en question, que l'on voudrait abusivement faire passer pour de l'analyse scientifique et objective, n'est en fait, à quelques points virgules près, qu'une réminiscence, une nouvelle version de ce discours idéologique, simpliste, rigide et arrogant, qui, pendant les trente dernières années, a essayé, en vain, par le biais de reportages bien sentis et bien illustrés dans des magasines parisiens à grands tirages, d'accréditer la farfelue thèse que l'expansionniste Royaume du Maroc est un pays démocratique et modéré, allié loyal et fidèle de l'Occident, et que le Polisario, peint comme un dangereux mouvement communiste, n'est qu'une dangereuse créature de l'Algérie socialiste et hégémonique, ennemie déclarée de l'Occident et de ses valeurs!
Les responsables de l'ESISC loin de vouloir tirer profit des conséquences catastrophiques des prophéties mensongères de leurs homologues outre atlantique semblent décidés à faire leur le discours idéologique en vogue, depuis les tragiques événements du 11 septembre, dans certains milieux de renseignement américains à l'égard de ceux et celles qui veulent encore, dans différentes contrées du tiers monde rester attachés à leurs droits. Car ne nous y méprenons pas, la visée du rapport n'est autre que de montrer, d'une part, la prédisposition systématique du « monde de l'ombre » européen de voler systématiquement au secours des régimes tyranniques, pris, contrairement à leurs peuples pour de sûrs alliés de l'Occident, et de terroriser, d'autre part, les peuples en lutte et leurs représentants.
Il est à préciser, enfin, que le rapport qui ne souffle mot sur la nature des multiples et graves dangers auxquels fait face la monarchie de droit divin de Mohamed VI (absence de démocratie, analphabétisme, pauvreté, écart de plus en plus important entre les classes, corruption, chômage etc.,) emprunte, nous l'avons mis en exergue, une prose et un langage, en grande partie, langues de bois, dogmatiques, carrés et abuseurs, et n'hésite pas, en même temps, pour les besoins d'une obscure et hypothétique « cause sacrée de la sécurité nationale » à tordre les faits et à dénaturer les événements. Mais après tout, les spécialistes vous le diront, c'est, somme toute, un langage habituel de ces occultes officines de renseignement, j'allais même dire que c'est le seul langage qu'elles confectionnent et savent manier pour faire fléchir les (faibles) volontés, désarmer les esprits et les curs !
Cela dit, nous devons tout de même, par honnêteté intellectuelle et morale, reconnaître que dans le dit rapport de l'European strategic intelligence and security Center, il y a quand même d'importants et intéressants éléments nouveaux que nous ne pouvons ni ignorer ni passer, sous aucun prétexte, sous silence. Les plus importants de ces éléments sont, sans nul doute, ceux qui se rapportant à l'incapacité structurelle du Polisario à s'adapter aux exigences du nouvel ordre international et à favoriser un rajeunissement et un renouvellement de ses structures, éléments qui ont été largement mis en relief aussi bien par le rapport du centre européen stratégique de renseignement et de sécurité que par notre ami Claude Moniquet dans le cadre de son interview avec la MAP.
En effet aussi bien le rapport du centre européen que son président, Claude Moniquet, ont insisté sur le fait, d'une part, que le Polisario n'a pas su s'adapter aux nouvelles exigences de la configuration internationale de l'après guerre froide et que, d'autre part, ce même Polisario souffre, et je cite, « d'un déficit démocratique » réel.[4]
Sous peine de donner de nouvelles cartes à l'archaïque régime marocain dans son combat contre eux, de condamner, de manière irrémédiable et définitive, le Polisario à la désagrégation et à l'éclatement inévitables et les Sahraouis à devenir irrémédiablement les nouveaux gitans du Maghreb, les dirigeants du Polisario, doivent impérativement, tant qu'il est encore temps, tirer les enseignements et les leçons qui s'imposent des utiles constats établis par l'European strategic intelligence and security Center et procéder d'urgence aux réformes indispensables de leur organisation.
[1] Le
Front POLISARIO - Partenaire crédible de négociatns ou
séquelle de la guerre froide et obstacle à une solution
politique du Sahara Occidental ?
European Strategic Intelligence and Security Center,
ESISC.
[2] Claude Moniquet : «La clé de la crise du Sahara est fondamentalement à Alger», Le Matin.ma 24.11.05
[3]
Résolution
du Parlement européen sur le Sahara occidental,
26.10.05
Déclaration
de l'Union européenne
Cinquième session du Conseil d'association UE-Maroc
(Bruxelles, le 22 novembre 2005)
[4] Claude Moniquet : «La clé de la crise du Sahara est fondamentalement à Alger», Le Matin.ma 24.11.05