Intervention de Pierre GALAND
Président de la Coordination européenne du soutien au
peuple sahraoui
Dès ses débuts, en 1975, la solidarité avec le Peuple Sahraoui s'est organisée en liaison avec le Front Polisario et en soutien avec ses revendications pour que soit conduit à son terme le processus de décolonisation au Sahara Occidental auquel avaient failli l'Espagne et les Nations Unies.
Aujourd'hui, la République Arabe Sahraouie Démocratique, proclamée souverainement par le Front Polisario, est reconnue par la communauté africaine, l'OUA, et plus de 72 pays de par le monde. Rien ne devrait faire obstacle à l'acceptation de la R.A.S.D. au sein de l'Assemblée Générale des Nations Unies.
Tous les éléments de droit plaident en faveur de la R.A.S.D., Etat souverain Sahraoui. Seule l'occupation du territoire par la force, avec la complicité de grandes puissances occidentales, permet au Maroc de maintenir jusqu'à ce jour une occupation illégitime et illégale au Sahara Occidental. C'est la même situation de force et de complicité qui autorise Israël à occuper les territoires palestiniens et qui a permis à l'Indonésie d'occuper jusqu'il y a peu le Timor Oriental.
Politiquement, juridiquement, historiquement, Palestiniens, Timorais, Sahraouis, ont exactement les mêmes droits à un Etat, à la souveraineté sur un territoire aux limites expressément désignées et reconnues par la communauté internationale.
Dans les trois cas également, les Nations Unies ont manqué à leur devoir de faire appliquer les résolutions de l'Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité de l'Organisation.
Dans les trois cas, seule la résistance héroïque du peuple, sa détermination constante, décennie après décennie, et un prix humain considérable, permirent de faire progresser sa noble aspiration à la souveraineté et à la reconnaissance de son identité nationale.
A l'heure de la mondialisation, de ces nouveaux accords régionaux et continentaux, de telles revendications seraient-elles obsolètes ? Absolument pas, car exister internationalement, détenir le pouvoir de passer des accords internationaux et régionaux, être en mesure de consulter la population sur les partenariats du futur, restent et resteront encore longtemps la prérogative de l'Etat souverain.
En outre, l'occupation territoriale par une puissance étrangère empêche la nation sahraouie, comme la nation palestinienne et timoraise, d'exercer son contrôle sur ses ressources naturelles, d'engager son développement, de contracter des accords scientifiques, culturels. Les populations sont réduites au rang d'assistés sociaux internationaux et si elles protestent contre cet état de choses, la réponse la plus générale est celle de la répression.
Le Maroc, profondément affaibli par une gestion monarchique désastreuse, est confronté à des oppositions internes, des grèves et une paupérisation accélérée des campagnes et des périphéries urbaines.
Le Sahara Occidental est aujourd'hui pour le Maroc ce que l'Afrique française fut, fin des années 50, pour la France : un exutoire, un moyen d'obliger toute la classe politique à s'aligner sur le Roi. Alternant entre répression pour contenir les revendications sahraouies et propositions de conciliation destinées à la Communauté internationale, le Maroc s'entête au Sahara Occidental à ignorer la détermination qui a conduit tous les peuples, y compris le peuple marocain lui-même, à obtenir le départ de la puissance coloniale occupante.
Les récentes initiatives du nouveau souverain, notamment l'intégration de l'occupé dans les institutions de l'occupant, rappellent à s'y méprendre celles de nombreux pouvoirs coloniaux à bout de souffle dans l'après deuxième guerre mondiale.
Alors que le fond du problème est, une fois de plus, le respect des droits du Peuple sahraoui, ancienne colonie espagnole, à un Etat indépendant, à la disposition de l'ensemble de son territoire et de ses ressources naturelles : phosphate, pêche, etc., le Conseil de Sécurité et le Secrétaire général des Nations Unies feignent une négociation ardue entre les parties pour la mise en oeuvre d'un référendum de consultation populaire.
* La lutte armée du Front Polisario, la résistance et la détermination du Peuple sahraoui, le soutien de pays alliés et partis frères du Sahara Occidental, la solidarité des associations et comités de solidarité, des organisations de travailleurs, de jeunes, de femmes, ONG, juristes, intergroupes parlementaires, internationales de partis politiques, conseils régionaux et de cités, ont soudé un réseau tout à fait remarquable de défense et de promotion du droit imprescriptible des Sahraouis à leur indépendance.
* L'occupation marocaine du Sahara Occidental, présentée et défendue par le Maroc comme un acte de récupération territoriale, le référendum présenté par les Marocains comme une formalité confirmative de la marocanité du Sahara, sont autant d'artifices pour retarder l'échéance historique de la réalité d'un Peuple et d'un Etat sahraouis déjà membre de la communauté des Etats africains.
* Le Gouvernement marocain n'a pas accepté les résolutions du Conseil de Sécurité créant la MINURSO, définissant le calendrier pour un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental. Le Gouvernement marocain s'est entêté, dès 1991, à poursuivre son occupation du Sahara dit "utile", c'est-à-dire lui permettant l'exploitation des richesses de sa nouvelle "Province" ou, en d'autres termes, de sa colonie. Le gouvernement marocain a, ensuite, contesté les travaux d'identification des votants par les Nations Unies en accusant les agents des Nations Unies de partialité. Le gouvernement marocain a violé l'ensemble des conventions internationales, tant celles de Genève relatives au respect des civils en période de guerre et d'occupation militaire que celles de Vienne relatives aux prisonniers de guerre.
Récemment encore, le Maroc, après avoir signé les accords de Houston conclus sous la conduite de l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, James BAKER , les a bafoués, revenant sur ses engagements et mettant les Nations Unies dans l'embarras.
Aujourd'hui, afin de reporter une nouvelle et énième fois, depuis plus de neuf ans, la date fixée par les Nations Unies pour la tenue du référendum, le Maroc exige un nouveau round d'identification de 80.000 candidats au recours. 41.727 requérants, soit 50 %, proviennent du Maroc même et 40 % des territoires occupés par le Maroc.
Toutes ces manoeuvres, en vue de retarder une échéance référendaire, discréditent un peu plus l'ONU, prolongent l'épreuve du Peuple sahraoui et l'exil de nombre d'entre eux, retardent l'échéance de la paix, de la coexistence harmonieuse des Peuples de la région et de leur indispensable coopération pour le développement régional.
* Tout cela ne se serait pas produit et le Maroc aurait tôt fait de suivre la voie de la légalité internationale si les pays européens, principalement la France et l'Espagne, si le Conseil de Sécurité, témoignaient de plus de cohérence eu égard au droit d'un Peuple colonisé à se défaire du joug et des liens coloniaux, tant vis-à-vis de l'Espagne que du Maroc.
En lieu et place, tenant des discours de convenances, adoptant une attitude des plus conciliante pour un pays classé par l'Occident comme "allié sûr", chaque rapport du secrétaire général des Nations Unies est un morceau d'anthologie de passéisme et d'acceptation du fait accompli marocain.
Mon intention n'est pas de démotiver un personnel onusien de terrain souvent courageux et honnête, mais de dénoncer le jeu de dupe auquel se livre le Maroc.
En effet, n'est-ce pas se moquer du monde et, en particulier, de personnes telles que l'envoyé spécial James Baker, que d'accepter la manipulation des listes de participants au référendum ou des recours considérés dans ses rapports par le Secrétaire général des Nations Unies comme ´"peu crédibles".
La lecture des rapports réguliers du Secrétaire général au Conseil de Sécurité a quelque chose d'hallucinant, "d'extra terrestre". Le dernier rapport du 28 octobre 1999 est, une fois de plus, un aveu d'impuissance et l'annonce déjà inscrite, calendrier en main, de l'impossibilité matérielle et temporelle des Nations Unies de remplir leur mission et de respecter l'agenda et l'échéance de juillet 2000 pour le référendum.
Ceci n'empêche nullement l'UNHCR, dont les représentants sur place vous confient, sous le manteau, que le référendum n'aura jamais lieu - adoption à peine camouflée des thèses marocaines - de poursuivre sa mission en vue du rapatriement des réfugiés de Tindouf vers le Sahara occidental. S'agit-il d'un cadeau au nouveau monarque, le Roi Mohamed V ? S'agit-il de conduire des Sahraouis de Tindouf vers les territoires occupés, ce qui reviendrait dans les circonstances présentes, à en faire des otages du Maroc ?
On comprend les craintes justifiées des réfugiés sahraouis dont fait état le rapport du Secrétaire général : identification retardée et donc référendum postposé. La lecture du même rapport nous apprend les obstacles militaires causés par l'armée royale marocaine dans le marquage et la destruction des munitions non explosées (mines anti-personnelles).
La police civile de la MINURSO, trop occupée par les exigences marocaines de révision des identifications, ne pouvait, bien entendu, pas assurer la protection des Sahraouis tabassés et emmenés par la police marocaine le 22 septembre dernier. Désolé, ils n'ont pas vu, mais soyez rassurés, le ministre marocain s'est engagé, dit le rapport du Secrétaire général, à "réprimander" les responsables de la sécurité marocaine coupables de cette nouvelle et barbare répression.
Les différents rapports du Secrétaire général, pudique à l'extrême, cachent mal que ses constants appels à une meilleure coopération des deux parties avec les Nations Unies et la MINURSO ne sont, en fait, qu'une permanente dénonciation de la mauvaise foi marocaine.
Chers Amis, nous tous réunis ici à Las Palmas à l'occasion de la 25ème Conférence de soutien à la juste cause du Peuple sahraoui, nous avons l'obligation de redéfinir nos priorités dans l'action de solidarité avec un Peuple respectable et digne d'un Etat à part entière, tout comme le Peuple palestinien et celui du Timor.
Préparer les observatoires du processus référendaire, nous concerter avec les ONG pour l'aide matérielle et humanitaire aux Sahraouis dans les camps de Tindouf et en territoires libérés, accueillir les enfants sahraouis, les personnes atteintes de maladies graves, constituent certes une partie indispensable et permanente de l'action de soutien au Peuple sahraoui.
Agir conjointement avec les représentations du Front Polisario en Europe pour alerter les décideurs politiques et les inviter plus fermement à prendre les initiatives conformes aux droits du Peuple sahraoui à l'indépendance, doit être une exigence renouvelée de notre solidarité politique. L'exemple ou la référence que constitue le Timor Oriental dans sa détermination à obtenir l'indépendance durant cette année doit nous amener à ajuster nos stratégies de campagne en faveur de l'indépendance du Sahara Occidental.
N'attendons pas que le Peuple sahraoui soit victime de la même répression et asphyxie que le Peuple palestinien. N'attendons pas que le Peuple sahraoui subisse des massacres aussi inhumains que le peuple timorais.
L'attachement sincère et fidèle qui nous réunit aujourd'hui, en ce début de la 25ème Conférence de soutien au Peuple sahraoui; nous oblige à revoir certaines priorités dans l'action.
La question à laquelle nous sommes confrontés prioritairement se formule ainsi :comment amener les pays occidentaux dominant la scène internationale à adopter l'option claire et précise de soutenir le droit du Peuple sahraoui à être libre de son choix quant à la manière de sortir du colonialisme et de l'occupation militaire de son territoire ?
Comment faire pour amener les Occidentaux à adopter la décision des Organisations des pays africains d'accueillir la République Arabe Sahraouie Démocratique comme Etat à part entière au sein de la communauté internationale ?
Que les pays occidentaux aient pour le Maroc d'aujourd'hui des préjugés favorables ne doit en rien interférer, que du contraire, sur l'exigence immédiate et sans réserve du respect des droits du Peuple sahraoui à son indépendance.
Notre 25ème Conférence doit être empruntée du même enthousiasme et de la même conviction que la première d'entre elles qui, déjà, consacrait le droit inaliénable des Sahraouis à vivre libres et indépendants sur l'ensemble du territoire abandonné, en 1975, par l'Espagne.
Elle nous oblige cependant, comme le fait le Front Polisario, à une réactualisation de nos engagements.
Quelle est, aujourd'hui, la campagne qui en Europe, en Amérique, aura la plus de chance de faire progresser de manière significative l'adhésion occidentale à l'aboutissement de la lutte du Front Polisario ?
C'est à cette réflexion que nous devons nous atteler. C'est le groupe de travail politique qui aura la tâche d'en formuler le contenu et la forme mais vous êtes tous invités à formuler des propositions pour :
Que vivent les droits du Peuple sahraoui ! Que la victoire soit au bout des luttes du Front Polisario et de toutes les organisations sahraouies.
Que la solidarité qui nous réunit aujourd'hui à Las Palmas à l'occasion de cette 25ème Conférence soit un signal fort et détonant en direction des décideurs politiques de nos pays.
Merci de votre présence, de vos contributions aux travaux et de votre bonne humeur, autant de gages qui feront de cette Conférence un succès.
Pierre GALAND
Président de la Coordination
Las Palmas, 6 novembre 1999.