Nations Unies
Conseil de sécuritéS/2003/59
Distr. générale
16 janvier 2003
Français
Original: anglais
version originale en format PDF
1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1429 (2002) du Conseil de sécurité, en date du 30 juillet 2002, par laquelle le Conseil a prorogé lemandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu'au 31 janvier 2003. Dans cette résolution, le Conseil a notamment invité mon Envoyé personnel à poursuivre ses efforts pourtrouver une solution politique à ce différend de longue date au Sahara occidental, engardant à l'esprit les préoccupations exprimées par les parties et il s'est déclaré prêtà étudier toute solution assurant l'autodétermination. Le Conseil m'a également prié de lui remettre un rapport sur la situation avant la fin du présent mandat de la Mission, en y faisant figurer toute nouvelle proposition, ainsi que des recommandations sur la configuration de la MINURSO la plus appropriée. Le présent rapport décrit les faits survenus depuis mon précédent rapport au Conseil sur la situation concernant le Sahara occidental, en date du 19 avril 2002 (S/2002/467).
II. Activités de mon Envoyé personnel
2. Mon Envoyé personnel, James A. Baker III, doit se rendre dans la région du 14 au 17 janvier, afin de rencontrer des représentants du Gouvernement marocain, à Rabat, et les principaux responsables du Front POLISARIO, à Tindouf, ainsi que des hauts représentants des États voisins, à l'occasion de ses visites à Alger et à Nouakchott. Au cours de sa mission, M. Baker soumettra et expliquera aux parties et aux pays voisins les termes d'une proposition de solution politique du conflit au Sahara occidental assurant l'autodétermination, comme demandé par le Conseil dans sa résolution 1429 (2002) du 30 juillet 2002.
III. Évolution de la situation sur le terrain
A. Contacts avec les parties
3. Pendant la période à l'examen, mon Représentant spécial, William LacySwing, a continué à maintenir régulièrement le contact avec les représentants des parties et des États voisins. À cet égard, il a rencontré régulièrement les coordonnateurs du Gouvernement marocain et du Front POLISARIO avec la MINURSO, respectivement à Laayoune et dans la région de Tindouf, afin de maintenir ouverts les canaux de communication avec ces derniers et de continuer d'examiner périodiquement la situation sur le terrain. Dans le même esprit, M. Swing a également poursuivi ses contacts de haut niveau avec les gouvernements des États voisins, lors de ses visites habituelles dans les capitales régionales.
B. Activités de la Commission d'identification
4. Lors de la période considérée, la Commission d'identification a poursuivi, dans ses bureaux de Laayoune et de Tindouf, ses travaux d'archivage électronique des 244 643 dossiers des personnes qui ont demandé à être inscrites sur la liste des électeurs pour le référendum au Sahara occidental. Commencé en août 2001, ce processus a permis d'archiver jusqu'à présent près de 177 000 dossiers. Au rythme actuel, il devrait être achevé en avril 2003.
5. La Commission a également entrepris d'archiver électroniquement d'autres documents importants établis ou recueillis pendant la phase d'identification des électeurs et d'enregistrement des appels et a pratiquement terminé une série d'études et de plans d'urgence concernant tout rôle à venir.
C. Aspects militaires
6. Le 11 août 2002, le général de division Gyorgy Száraz (Hongrie) a pris ses fonctions en tant que nouveau commandant de la Force de la Mission. À cet égard, je voudrais rendre hommage au général de brigade Claude Buze (Belgique), qui a assuré avec une grande compétence les fonctions de commandant de la Force pendant les trois années de son tour de service.
7. Au 10 janvier 2003, la composante militaire de la MINURSO comptait 211 observateurs militaires et membres du contingent, pour un effectif autorisé de 230 personnes (voir annexe). Sous le commandement du général de division Száraz, la composante a continué de surveiller le cessez-le-feu entre l'Armée royale marocaine et les forces militaires du Front POLISARIO, qui est entré en vigueur le 6 septembre 1991. Pendant la période concernée, la situation est restée calme dans l'ensemble et aucun indice sur le terrain ne donne à penser que l'une ou l'autre partie entende reprendre les hostilités dans un avenir proche.
8. Les membres du Conseil se souviendront que, le 21 mars 2002, le Front POLISARIO a informé la MINURSO de sa décision de lever les restrictions qu'il avait imposées depuis janvier 2001 à la liberté de mouvement des observateurs militaires des Nations Unies à l'est du mur de défense (berme). Depuis lors, des réunions de coordination ont été organisées entre les officiers de la MINURSO et du Front POLISARIO pour assurer la mise au point des dispositions finales en vue du plein rétablissement de la liberté de mouvement des observateurs militaires des Nations Unies à l'est du mur de défense. Mon Représentant spécial a également veillé au suivi de cette question lors de ses réunions avec les hauts représentants du Front POLISARIO. Du fait de ces efforts, à la fin du mois de juin 2002, les restrictions imposées depuis janvier 2001 avaient été progressivement levées danstoutes les régions militaires du Front POLISARIO, à l'est du mur de défense, et les patrouilles militaires de la MINURSO ont pu reprendre, conformément aux arrangements de cessez-le-feu convenus entre le Front POLISARIO et la MINURSO.
9. Du côté du mur de défense contrôlé par le Maroc, les patrouilles militaires de la MINURSO ont continué de visiter et d'inspecter les unités terrestres de l'Armée royale marocaine d'importance supérieure à celle d'une compagnie, conformément aux arrangements relatifs au cessez-le-feu conclus entre la MINURSO et l'Armée royale marocaine.
10. La coopération s'est poursuivie entre la MINURSO et l'Armée royale marocaine ainsi qu'avec le Front POLISARIO, s'agissant du marquage et de l'élimination des mines et des munitions non explosées. Pendant la période àl'examen, 36 opérations de déminage ont été effectuées par l'Armée royale marocaine et 9 par le Front POLISARIO. La MINURSO a pris des contacts en vue de la création, par l'intermédiaire du Centre international de déminage humanitaire de Genève, d'un système interne de gestion de l'information pour la lutte antimines (SGILAM), qui simplifiera la planification des activités de lutte antimines.
D. Police civile
11. Au 10 janvier, la composante police civile de la MINURSO comptait 26 membres (voir annexe), placés sous le commandement de l'Inspecteur général Om Prakash Rathor (Inde). Les membres de la police civile ont continué d'assurer, 24 heures sur 24, la protection des dossiers et des documents confidentiels dans lesc entres de la Commission d'identification à Laayoune et à Tindouf. Les activités deformation se sont également poursuivies, notamment les réunions d'information organisées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur l'aspect protection du rapatriement librement consenti et les instrumentsi nternationaux relatifs aux réfugiés.
E. Prisonniers de guerre, autres détenus et personnesportées disparues
12. Dans mon dernier rapport au Conseil de sécurité sur le Sahara occidental (S/2002/467), j'ai réitéré, conjointement avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ma profonde préoccupation au sujet des 1 362 prisonniers de guerre toujours détenus par le Front POLISARIO. Depuis lors, l'un de ces prisonniers est décédé en captivité. Lors de ses consultations avec les parties, mon Représentant spécial a constamment insisté sur la nécessité de libérer immédiatement tous les prisonniers de guerre et autres détenus ainsi que de régler le problème du sort des personnes portées disparues depuis le début du conflit. À cet égard, il a aussi eu unentretien avec des hauts fonctionnaires du CICR le 11 octobre 2002, à Genève, pour aborder ces questions.
13. Le 18 juin 2002, le Front POLISARIO a annoncé sa décision de libérer, à la demande d'un État Membre, 100 prisonniers de guerre sur les 1 361 qu'il détenait. Le 7 juillet, le CICR les a rapatriés au Maroc, en compagnie du doyen des prisonniers encore détenus que le POLISARIO avait déjà décidé de libérer au début de l'année. Le nombre total de prisonniers de guerre libérés par le Front POLISARIO en 2002 s'élève donc à 216 et 1 260 prisonniers de guerre continuent d'être détenus. Alors que tous les prisonniers de guerre sont détenus depuis plus de10 ans à partir de la cessation des hostilités actives, en violation du droit international humanitaire, la plupart d'entre eux (816) comptent dorénavant plus de 20 années de détention. Le CICR continue d'échanger des informations avec les parties afin de déterminer le sort des personnes portées disparues depuis le début duconflit.
14. À la fin d'octobre 2002, le Gouvernement marocain a autorisé Sidi Mohammed Daddash, détenu pendant de nombreuses années au Sahara avant d'être libéré en 2001, à se rendre en Norvège pour participer à une manifestation organisée par une organisation non gouvernementale. C'est là qu'il a pu, pour la première fois après 27 années de séparation, retrouver sa mère et sa soeur qui étaient venues spécialement du camp de réfugiés de Tindouf pour l'occasion. Je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué à cette réunion familiale, même si elle n'est que temporaire.
F. Situation des réfugiés sahraouis
15. Du 4 au 8 novembre et les 13 et 14 décembre 2002, mon Représentant spécial et un haut fonctionnaire du HCR ont organisé deux séries de consultations avec les représentants des parties (les deux fois) et des États voisins (pour la première série seulement) concernant la mise en oeuvre de mesures de confiance. Les mesures proposées par le HCR consisteraient à mettre en place, sans frais pour les bénéficiaires, des liaisons téléphoniques et des services de courrier et de courrier électronique entre le territoire à l'ouest du mur de sable et les camps de réfugiés deTindouf et certaines parties de la Mauritanie, ainsi qu'à organiser, sous l'égide du HCR, des visites réciproques des membres des familles sahraouies séparées installés dans ces lieux. Des séminaires de nature non politique seraient aussi organisés dans des endroits neutres à l'intention des Sahraouis installés de part et d'autre du mur de sable. Une campagne d'information sur ces mesures serait menée dans les camps de réfugiés et le territoire.
16. Au cours de la première série de pourparlers, les parties ont donné leur accordde principe pour la mise en oeuvre des mesures en question. Pour ce qui est des États voisins, la Mauritanie s'est engagée à soutenir pleinement les initiatives envisagées et l'Algérie s'est dite disposée à leur apporter aussi son plein appui si le Front POLISARIO les approuvait. La deuxième série de consultations portait sur les modalités de mise en oeuvre. La définition du mode de sélection des participants au programme de visites familiales s'est avérée problématique. Pour le HCR, les personnes installées d'un côté ou de l'autre du mur de sable qui étaient inscrites sur la liste provisoire d'électeurs établie par la MINURSO et avaient de la famille de l'autre côté devaient être les principaux bénéficiaires mais, cela ne devait pas empêcher la participation, pour des raisons humanitaires, d'autres personnes qui, ne figurant pas sur la liste, avaient toutefois de la famille de l'autre côté. Le Front POLISARIO insistait pour que les participants soient sélectionnés exclusivement parmi les personnes inscrites sur la liste provisoire d'électeurs tandis que le Maroc refusait qu'il soit fait référence à la liste et soutenait que tous ceux qui avaient de la famille de l'autre côté du mur de sable devaient pouvoir participer au programme d'échanges, qu'ils soient ou non inscrits sur la liste. Les deux parties sont restées sur leurs positions. Le Maroc a aussi soulevé plusieurs autres questions concernantles modalités de mise en oeuvre des mesures prévues.
17. Compte tenu de ce qui précède, et bien qu'il soit manifestement nécessaire de permettre des contacts personnels plus fréquents et plus aisés entre les Sahraouis installés de part et d'autre du mur de sable, on ne sait pas encore s'il sera possible de mettre en oeuvre les mesures de confiance actuellement envisagées par le HCR. La MINURSO et le HCR continueront de suivre la question afin d'aider les parties à trouver des moyens de progresser qui soient acceptables tant pour l'une que pour l'autre, surtout en ce qui concerne les visites familiales. Toutefois, pour que les mesures puissent être mises en oeuvre, il faudra que les parties se mettent d'accord sur le mode de sélection des participants, et donc qu'elles aient la volonté et la capacité de faire des compromis fondamentaux.
18. Par ailleurs, l'éternel déficit des ressources nécessaires pour approvisionner en vivres les réfugiés du Sahara occidental s'est traduit par des périodes de pénurie et une hausse du taux de malnutrition tout au long de 2002. Au cours de la période considérée, la MINURSO a continué de soutenir activement les efforts déployés par le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM) en vue de mobiliser suffisamment de fonds pour leurs programmes respectifs à l'intention des réfugiés du Sahara occidental. Le 25 août 2002, mon Représentant spécial a fait un exposé à une réunion conjointe des donateurs du HCR et du PAM à Genève et, le 25 octobre2002, il s'est adressé au Conseil d'administration du PAM et à 20 grands donateurs de denrées alimentaires lors de consultations organisées par le PAM à Rome.
19. En mai 2002, le Conseil d'administration du PAM a approuvé pour les camps de réfugiés de Tindouf un programme d'assistance humanitaire devant s'étaler sur deux ans et coûter 29,7 millions de dollars, dont 2,4 millions sont jusqu'ici couverts par des contributions. En juillet 2002, l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) a lancé un programme d'aide aux camps de réfugiés qui durera 15 mois et pour lequel ont été dégagés 14 millions d'euros. Grâce à ces initiatives, les besoins alimentaires des réfugiés ont été satisfaits en 2002, mais les fonds et les stocks de vivres actuellement disponibles ne permettront pas de répondre à tous les besoins en 2003.
G. Union africaine
20. Au cours de la période considérée, la délégation d'observation de l'Unionafricaine auprès de la MINURSO, avec à sa tête l'Ambassadeur Yilma Tadesse (Éthiopie), a continué d'apporter un soutien précieux à la Mission et de coopérer avec elle.
H. Aspects logistiques
21. Les observateurs militaires de la MINURSO déployés au Sahara occidental occupent actuellement 10 sites qui, pour la plupart, existent depuis la création de la Mission en 1991. Étant donné la rudesse du climat désertique, des structures autonomes à parois souples et à l'épreuve des intempéries, qui ont une durée de vie d'environ cinq ans, y sont utilisées. Malgré un entretien constant et des réparations régulières, ces structures, qui ont aujourd'hui 12 ans, ont fait leur temps et doivent être progressivement remplacées. Un transfert de ressources a permis d'en remplacer trois. Sous réserve des décisions que le Conseil de sécurité prendra concernant l'avenir de la MINURSO, il a été élaboré un plan prévoyant le remplacement des autres structures dans les trois ans.
I. Aspects financiers
22. Dans sa résolution 56/289 du 27 juin 2002, l'Assemblée générale a ouvert pour inscription au Compte spécial de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, au titre de l'exercice allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, un crédit d'un montant brut de 43 412 900 dollars comprenant 41 529 500 dollars pour le fonctionnement de la Mission, 1 681 900 dollars pour le compte d'appui aux opérations de maintien de la paix et 201 500 dollars pour la Base de soutien logistique. Je continuerai à réévaluer les ressources nécessaires à la Mission et à proposer à l'Assemblée générale les ajustements qui s'imposeront éventuellement.
23. Au 30 novembre 2002, le montant des contributions non acquittées au titre du Compte spécial de la MINURSO s'élevait à 52 784 234 dollars et le montant total des contributions non acquittées pour l'ensemble des opérations de maintien de la paix se chiffrait à 1 458 006 428 dollars.
IV. Observations et recommandations
24. Dans sa résolution 1429 (2002) du 30 juillet 2002, le Conseil de sécurité m'a prié de lui remettre un rapport sur la situation avant la fin du présent mandat de la Mission le 31 janvier 2003, en y faisant figurer notamment toute nouvelle proposition ainsi que des recommandations sur la configuration de la MINURSO la plus appropriée. Comme indiqué plus haut, mon Envoyé spécial est actuellement en visite dans la région afin de soumettre et d'expliquer aux parties et aux pays voisins les termes d'une proposition de solution politique du conflit au Sahara occidental assurant l'autodétermination, conformément à la demande formulée par le Conseil dans ladite résolution.
25. Sur la base des résultats de cette visite, mon Envoyé spécial et moi-même communiquerons en temps voulu au Conseil de sécurité notre opinion des choix qui s'offrent à lui en ce qui concerne le conflit au Sahara occidental. Il ne faut pas oublier, à ce propos, que le Conseil, et l'ONU de manière générale, s'emploient activement depuis près de 20 ans à aider les parties à trouver une solution au conflit. Mon Envoyé personnel a, pour sa part, consacré presque six années à cette tâche. Toutes les options possibles ont été présentées aux parties dans le but de parvenir à une solution concertée. À l'évidence, d'elles seules dépend aujourd'hui le succès deces efforts.
26. Alors qu'elles examinent la proposition présentée par mon Envoyé personnel, je demande instamment aux parties de ne pas oublier les souffrances que la prolongation du conflit inflige depuis des années à des milliers d'innocents, dans le territoire, dans les camps de réfugiés ou parmi les prisonniers de guerre. Au moment où l'ONU doit faire face à nombre d'autres menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, elles devraient faire preuve de sagesse politique et saisir cette nouvelle occasion d'améliorer le sort de la population du Sahara occidental.
27. Afin de donner aux parties le temps d'examiner la proposition qui leur est présentée par mon Envoyé personnel, je recommande la prorogation technique du mandat de la MONUC pour une période de deux mois, jusqu'au 31 mars 2003.
28. Au cours de cette période, l'ONU continuera de faire son possible pour satisfaire les besoins humanitaires des réfugiés sahariens et elle se penchera d'urgence, en collaboration avec le CICR, sur le sort des prisonniers de guerre et celui des personnes disparues. Je lance un appel à la communauté internationale pour qu'elle fournisse au PAM et au HCR les ressources nécessaires pour couvrir les besoins alimentaires des réfugiés. Je demande également instamment aux parties de libérer sans plus tarder ceux qui sont détenus depuis tellement longtemps en violation du droit international humanitaire de base, et de prendre des mesures de confiance pour contribuer à atténuer les souffrances considérables des réfugiés séparés de leur famille depuis un temps aussi long.