[archives arso, publication papier 1993]
Reflets de l'actualité au Sahara Occidental - janvier 1993
4.1.1993
Témoignages
Le
correspondant à Madrid de la FAZ s'est entretenu avec des
membres de la MINURSO. Un de ceux-ci affirme que «les Marocains
sont en train de perdre le peu de sympathie qu'ils avaient
auprès de la population locale du Sahara occidental. Plus le
temps passe, plus les chances marocaines de gagner le
référendum s'amenuisent». Lors de leurs
conversations avec les officiers de l'ONU même les Sahraouis
qui se sont enrichis sous l'occupation marocaine déclarent
qu'ils voteront pour l'indépendance, leur pays étant
parfaitement viable économiquement grâce au phosphate et
à la pêche.
Les Marocains
essaient d'empêcher tout contact de la population locale et
même des quelques civils européens avec la MINURSO. Un
exemple: des officiers suisses ont invité les trois
prêtres catholiques du Sahara occidental à un
dîner, après que ceux-ci eurent mis à disposition
leur église pour un culte protestant. Des policiers marocains
ont empêché les prêtres de pénétrer
chez les Suisses. Des officiers de l'ONU ont confirmé au
journaliste les manifestations anti-marocaines d'octobre à
Smara et à El Ayoun, comme l'ont aussi fait des prêtres
européens et un journaliste portugais, le dernier journaliste
que les Marocains ont laissé entrer au Sahara occidental.
Toujours selon la même source les arrestations de Sahraouis ont
augmenté ces derniers mois. Les Sahraouis qui travaillent dans
l'administration marocaine informent souvent leurs compatriotes de ce
que trament les Marocains. C'est ainsi que lors du vote sur le
référendum, obligatoire pour les Sahraouis, les
bulletins étaient marqués et numérotés
(Frankfurter Allgemeine Zeitung).
5.1. Visites
françaises
Après
la visite de Jacques Chirac en décembre une
délégation de 52 sénateurs, conduite par Charles
Pasqua, s'est rendue pour une visite «d'amitié» de
trois jours au Maroc. Un déjeûner lui a
été offert par le roi Hassan II (agences).
7.1. Un
voyage payant
Le Maroc a
reçu 900 millions de dollars sous forme de dons (600 de
l'Arabie saoudite et 300 des Emirats) à la suite du voyage
effectué par Hassan II en octobre au Proche-Orient. Cette
somme équivaut à la moitié du service annuel de
la dette extérieure marocaine (Jeune Afrique).
6-7.1. Le président du CICR M. C. Sommaruga a été reçu par Hassan II. L'entretien a dû porter sur le problème des prisonniers de guerre sahraouis et marocains ainsi que sur celui des 200 ex-prisonniers marocains libérés par le Front Polisario et que le Maroc refuse de rapatrier.
7.1. Le groupe marocain ONA (agrodistribution, finances, mines, haute technologie, 8,7 milliards de FF de chiffre d'affaires, 351 millions de FF de bénéfice en 1991)) a racheté 50,28% du capital de la société française OPTORG (distribution et maintenance technique). L'ONA, premier groupe privé marocain, est propriété à 70% de la famille royale (Le Monde, 10-11.1.).
Le conseil d'administration d'OPTORG a nommé, le 29.1., M. Pérez de Cuéllar, ancien secrétaire général de l'ONU, vice-président de la société. Le fils du ministre marocain des affaires étrangères et gendre du roi, Fouad Filali, pdg. de l'ONA, devient aussi membre du conseil d'administration d'OPTORG. Cette société est implantée dans douze pays surtout africains et emploie 2500 salariés pour un chiffre d'affaires de 1,75 milliard de FF et un bénéfice net de 30 millions de FF en 1991. M. Pérez de Cuéllar dément cette nomination pourtant annoncée par l'agence marocaine MAP.
13-14.1. RASD:
Visite du secrétaire général de l'OUA
M. Salim Ahmed
Salim a rencontré le président sahraoui et s'est
prononcé en faveur de l'application «effective» du
plan de paix. «Il est vital que le plan de paix originel soit
mis en application et que l'esprit et la lettre de ce plan soient
respectés», a-t-il déclaré
(agences).
18.1. Le Département militaire fédéral a annoncé le retrait d'une partie du matériel du détachement suisse de la Minurso et la diminution de ses effectifs, qui passent de 80 à 50 personnes. Ce désengagement est lié au retard pris dans l'application du plan de paix de l'ONU, a précisé le DMF. Un convoi d'une dizaine de véhicules est arrivé le 28.1. à Berne (agences).
19.1.
Solidarité belge
L'intergroupe
parlementaire belge rencontre l'ambassadeur d'Algérie à
Bruxelles et le représentant du Front Polisario pour le
Bénélux. L'ambassadeur a insisté sur le fait que
M. Boutros-Ghali «devrait s'abstenir de prendre des initiatives
qui ne recueilleraient pas l'aval des deux parties». Les
parlementaires ont envoyé une lettre au secrétaire
général de l'ONU et décidé de demander au
parlement l'organisation d'une mission parlementaire au Sahara
occidental.
26.1.
Résolution du sénat italien
Le
sénat demande au gouvernement de tout faire pour obtenir
l'application rigoureuse du plan de paix de l'ONU, d'exiger du Maroc
qu'il se conforme aux décisions de l'ONU et respecte les
droits de l'homme, d'augmenter l'aide humanitaire aux
réfugiés sahraouis, de participer à la Minurso
et enfin d'envoyer sur place des observateurs indépendants au
moment du référendum.
26.1.
Publication du rapport du secrétaire général de
l'ONU (S/25170)
Après
un tour d'horizon sur l'évolution de la situation depuis le 20
août 1992 (50 violations du cessez-le-feu dont 46 par le
Maroc...) M. Boutros-Ghali estime que «trois démarches
semblent maintenant possibles», et il demande l'avis du Conseil
de sécurité sur la façon de procéder. La
première démarche, l'option a, dont il juge les chances
de succès «très faibles», recommande la
poursuite et l'intensification des pourparlers. Comme deuxième
possibilité (option b) il propose l'application
immédiate du plan de règlement sur les bases
définies par l'ancien secrétaire général
Pérez de Cuéllar en décembre 1991. Mais cela
impliquerait que l'on agisse «sans la coopération de
l'une des parties». «Une troisième option
consisterait à adopter une autre approche qui ne serait pas
fondée sur le plan de règlement».
En clair le
secrétaire général propose l'abandon de la
poursuite d'une solution négociée et l'adoption des
critères proposées par l'ancien secrétaire
général, c'est-à-dire l'adoption de conditions
de vote extrêmement favorables au Maroc et non conformes au
plan de paix initial accepté par les deux parties, tout en
sachant que cette solution ne peut recueillir l'aval sahraoui. La
troisième option on peut s'imaginer que Boutros-Ghali pense
à une autonomie du Sahara occidental dans la cadre du
Maroc.
La France a
proposé au Conseil de sécurité, le lendemain de
la publication du rapport, un projet de résolution en faveur
de l'option b, option que le Front Polisario a immédiatement
dénoncé en la qualifiant d'«option
franco-marocaine». Celui-ci affirme que cette option impose un
référendum dans lequel aussi bien les conditions de sa
tenue que le corps électoral sont définies d'avance par
la puissance occupante. Cette option ne tient pas compte de la
coopération du Front Polisario et par conséquent, le
peuple bénéficiaire du droit à
l'autodétermination ne prendra pas part à une
opération non crédible. Cette option engendrera la
continuation du conflit. Les critères proposés par
Pérez de Cuéllar, qui constituent une violation
flagrante du plan de paix, n'ont pas été
acceptés par le Conseil de sécurité, ajoute le
Front Polisario dans sa lettre au président du Conseil de
sécurité. La résolution française a
été retirée face à l'attitude claire du
gouvernement américain, qui exige le consentement des deux
parties pour quelque solution que ce soit. Comme le Maroc est
président du Conseil de sécurité depuis le 1er
février pour un mois, la discussion reprendra en
mars.
Réactions
- Pour le correspondant de l'agence DPA ce rapport est une capitulation devant les difficultés et devant le Maroc et l'abandon du plan de paix. Les critères choisis par le Maroc demanderaient une centaine d'années pour leur application.
- Pour le Département fédéral des affaires étrangères, interrogé par Der Bund, la Suisse ne porte pas de jugement politique sur la question mais maintient son engagement dans le cadre du plan de paix actuel. «La Suisse est d'avis que la tenue d'un référendum au Sahara occidental est nécessaire».
- Le gouvernement français, malgré sa tentative d'imposer une résolution favorable aux thèses marocaines juste avant le début de la présidence du Maroc au Conseil de sécurité, affirme qu'il «soutient les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la question du Sahara occidental, ainsi que les actions des secrétaires généraux Pérez de Cuéllar et Boutros-Ghali», et qu'il «appuie le plan de paix»...
- La presse espagnole est sévère pour Pérez de Cuéllar, qu'elle rend responsable de l'évolution du conflit, car il a cédé aux pressions marocaines et introduit les nouveaux critères. Il est récompensé actuellement pour ses bons et loyaux services par le Maroc. Il ne peut y avoir de solution sans la participation des deux partenaires. L'option b, le référendum avec les critères marocains, est exclue.
- L'Opinion (Alger) qualifie le rapport de document atterrant, plein de duplicité, qui sacrifie le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Selon ce journal Boutros Ghali tord le cou au plan de paix initial
27.1.
Procès de 24 détenus sahraouis à
Agadir
Ces personnes
arrêtées suite aux événements survenus
à Assa (reflets
sept.92)
ont été condamnées à des peines d'une
année de prison ferme. Les accusés n'ont pas eu droit
à des défenseurs. L'AFAPREDESA publie les noms de 18
des 24 citoyens sahraouis jugés.
Dans un appel adressé aux délégués de la 49è session de la Commission des droits de l'homme, réunie à Genève, l'AFAPREDESA, l'association des familles des prisonniers et disparus sahraouis, signale que le nombre des personnes arrêtées lors des événements d'Assa, d'El Ayoun et de Smara d'octobre 1992 s'élève à 700. D'autre part trois anciens prisonniers de Kaalat M'Gouna, libérés en juin passé, ont à nouveau été arrêtés, et quatre autres ont réussi à gagner les campements de réfugiés sahraouis près de Tindouf.
Amnesty international a confirmé les centaines d'arrestations de manifestants sahraouis dans son bulletin mensuel (janvier 1993).
28.1. Déclarations Boutros-Ghali à Jeune Afrique à propos du référendum au Sahara occidental:«Je pense qu'il faut tenir ce référendum. Ceux qui veulent participer participeront, les autres ne participeront pas. C'est du gâchis. Alors je propose qu'on en finisse en organisant un référendum. Pour le Sahara, le Conseil de sécurité ressent une certaine lassitude, les dossiers traînent, les opérations coûtent chers... Nous avons actuellement une responsabilité au Sahara. Si nous partons, tout le monde dira que les Nations unies ont abdiqué.»
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