[archives arso, publication papier 1992]
Reflets de l'actualité au Sahara Occidental - mai 1992
1.5. Répression anti-sahraouie
Comme nous venons seulement de l’apprendre cinq jeunes Sahraouis, qui
voulaient rejoindre l’Algérie en transitant par le Maroc, ont
été arrêtés le 1er mai par une patrouille
marocaine peu avant le passage de la frontière dans la
région d’Oujda. Il s’agit de Bachir Labat Sayed, Boudda Bachir
Hmouda, Souleymane Mahmoud Nasr Barka, Moussa Mohamed Achmed Abdellah
et Labrass Mohamed Salem. On est sans nouvelles de ces personnes depuis
lors.
D’autre part, une jeune fille habitant El Ayoun, Lamina Brahim
Souboidi, 17 ans, poursuivie par la police, s’est
réfugiée dans les locaux de la MINURSO. Ce n’est
qu’après trois jours de tractations que les Marocains ont
accepté que la jeune fille retourne à son domicile. Les
casques bleus lui rendent visite tous les trois jours, afin de
s’assurer de sa liberté.
2-4.5. Ruptures du cessez-le-feu
Les forces armées marocaines ont continué le renforcement
du mur de défense dans la région d’Aousserd. D’autre
part, deux avions marocains ont à nouveau survolé, lundi
11 mai, le sud du Sahara occidental contrôlé par le Front
Polisario (Ministère de l’information de la République
sahraouie).
7.5. Relations Maroc-Espagne
Le ministre de la défense espagnol, M. Julián
García Vargas, en visite officielle au Maroc, a
été reçu par le roi. Dans un entretien avec la
presse il a signalé l’appui «sans équivoque»
du gouvernement espagnol au Maroc face à la
décision du Parlement européen de bloquer le protocole
financier avec le Maroc en raison de son opposition à
l’application du plan de paix au Sahara occidental. Selon Vargas
«l’Espagne doit appuyer les initiatives des Nations-unies pour
que la solution qui semble apparaître se concrétise le
plus vite possible, car un foyer de tension au Maroc ne convient
à personne ». Interrogé sur la forme que pourrait
prendre cette solution, le ministre a déclaré que
sa définition « appartient au secrétaire
général des Nations unies et au Maroc».
L’Espagne entend augmenter sa coopération militaire avec le
Maroc en mettant sur pied un programme de bourses pour la formation
d’officiers marocains en Espagne, en élargissant à
l’infanterie les manoeuvres conjointes déjà
réalisées par l’aviation et la marine, et en
développant les ventes d’armes. La coopération militaire
espagnole ne doit pas être conditionnée, toujours selon le
ministre de la défense, à la solution du conflit du
Sahara occidental, qui est «un problème interne au Maroc
dans lequel l’initiative appartient aux Nations-unies» (El
País)
10.5. Relance du processus de paix
A trois semaines de l’échéance du délai
fixépar le Secrétaire général de l’ONU au
Maroc et au Front Polisario pour trouver une solution au conflit la
situation n’a pas évolué. On ne connaît pas les
résultats de la tournée de M. Yakoub Khan dans la
région. D’ores et déjà M. Boutros-Ghali a reconnu
devant la presse à Washington le 13 mai qu’il n’y avait eu
«aucun progrès», mais qu’il persiste à tenter
de débloquer la situation. L’Algérie, comme l’avait
annoncé son gouvernement, a cherché à
réunir à la même table marocains et sahraouis.
Selon des sources bien informées des pourparlers entre le
Front Polisario et le Maroc, sous l’égide de l’Algérie,
auraient eu lieu récemment mais auraient échoué en
raison de l’intransigeance marocaine.
13.5. Prise de position française
Le ministère français des affaires
étrangères a rappelé sa position, fixée par
le président de la République, et précisé
:«La France a constamment soutenu les efforts des Nations-unies,
à l’effet de permettre l’organisation d’un
référendum d’autodétermination sous contrôle
international» (Le Monde)
14.5. Accord de pêche Maroc-CEE
Cet accord, arrivé à échéance à la
fin février et prorogé de deux mois, a été
renouvelé pour une durée de quatre ans. Le Maroc avait
suspendu les négociations suite à la décision du
Parlement européen de non-ratification du protocole financier
Maroc-CEE (agences).
13.5 Solidarité
Le «Mouvement d’Albacete pour la paix» a organisé
une manifestation au retour de la «caravane pour la paix»
partie de cette ville espagnole le 21 avril avec 13 camions
chargés de matériel pour les réfugiés
sahraouis. A la suite de cette initiative 35 enfants sahraouis
accompagnés de deux moniteurs seront accueillis prochainement
dans cette ville.
A Pistoia (Italie) s’est tenu le 20 mai un grand meeting à
l’occasion du 19ème anniversaire du déclencement de la
lutte armée du Front Polisario, en présence des
autorités provinciales et locales.
A la même occasion le parlement vénézuélien
a adopté une résolution dans laquelle il soutient le plan
de paix et demande au secrétaire général de l’ONU
de mener à bon terme le plan de paix, en éliminant
les obstacles à l’installation définitive de la MINURSO,
et en exigeant le rapatriement des personnes déplacées au
Sahara occidental par les autorités marocaines.
14.5. Mouvement diplomatique marocain
Selon Jeune Afrique l’actuel ambassadeur du Maroc en Mauritanie,
Abderrazak Benomar, devrait remplacer son homologue en Algérie,
absent depuis plusieurs mois pour raisons de santé. M. Benomar a
représenté son pays en Suisse avant d’être
appelé à Nouakchott.
15.5. Le président sahraoui en visite en France
Une délégation sahraouie, avec à sa
tête M. Mohamed Abdelaziz, est arrivée à
Paris pour une visite en France. L’agenda de cette visite n’est pas
connu. Le gouvernement français considère cette visite
comme de «caractère privé» (agences).
17.5. Négociations
Le Conseil de sécurité des Nations-Unies souhaite qu’une
rencontre directe ait lieu rapidement entre le Maroc et le Front
Polisario. Les deux parties ont été convoquées
à New York dans ce but. Le Front Polisario s’est
immédiatement déclaré d’accord, dans la mesure
où «ces entretiens ont lieu sous les auspices des
Nations-Unie et dans le cadre du plan de paix, et s’ils impliquent des
concessions égales de part et d’autre». Le Maroc n’a pas
encore répondu à cette invitation, mais son ministre des
affaires étrangères est attendu incessamment à New
York (RFI).
20.5. Visite de M. Mohamed Boudiaf au Maroc
Le président du HCE algérien s’est rendu en visite
privée au Maroc, où il s’est entretenu avec le roi Hassan
II du problème du Sahara occidental (RFI).
20.5. Visite de M. Mohamed Abdelaziz en France
Dans une déclaration le président sahraoui s’est dit
prêt à faire des concessions «dans les limites du
raisonnable» sur la constitution des listes électorales,
à condition que le Maroc en fasse de même. M. Abdelaziz a
admis qu’«il peut exister une marge d’erreur, variant entre 1 et
10%, dans le recensement de 1974». A l’encontre du gouvernement
français, qui a soutenu la proposition de Perez de Cuellar
d’élargir le corps électoral sahraoui en intégrant
les populations déplacées, M. Abdelaziz souligne qu’il
«doit faire un geste dans notre direction, assumer une part de
responsabilité» et demander au Maroc «de renoncer
à ses positions intransigeantes» (Le Monde)
20.5. Législatives marocaines
Les cinq principaux partis d’opposition ont annoncé leur
décision de constituer un «bloc démocratique»
afin de «coordonner leurs positions et conjuguer leurs efforts
afin de réaliser leurs objectifs communs». Par ailleurs le
roi Hassan II a reçu les chefs des mêmes partis le 18 mai,
avec qui il a évoqué les résultats des travaux de
la commission d’arbitrage, chargée de statuer sur l’organisation
des prochaines législatives, dont la date, comme celle du
référendum relatif à la révision de la
constitution, n’a toujours pas été fixée. Hassan
II a repoussé cinq des principales demandes de l’opposition
à propos du projet de loi électorale, en particulier le
droit de vote à dix-huit ans (actuellement fixé à
vingt et un an) (agences).
21.5. Mauritanie
«La création d’un état sahraoui indépendant
était et demeure dans l’intérêt de la Mauritanie;
entre nous et le Maroc, il faut un espace tampon, c’est une question
vitale...» déclare à Jeune Afrique l’ancien
président mauritanien (au pouvoir de 1980-1984, Khouna ould
Haïdallah avait été renversé par un coup
d’état).
23.5. Appel aux Nations-unies
Dans un message adressé au Secrétaire
général de l’ONU plusieurs parlementaires suisses, dont
Mme Angéline Fankhauser, secrétaire
générale de l’OSEO, en appellent à M.
Boutros-Ghali afin qu’il entreprenne «toutes les démarches
nécessaires pour exiger du Maroc le rapatriement des immigrants
marocains (la seconde marche verte), la liberté de mouvement
pour la MINURSO, les journalistes et les observateurs
indépendants, ainsi que la cessation des violations des droits
de l’homme contre le peuple sahraoui».
Relance du plan de paix des Nations-unies
29.05. Le rapport du secrétaire général
Comme prévu M. Boutros-Ghali a présenté son
rapport fin mai au Conseil de sécurité. Le rapport se
borne à décrire l’état actuel de l’application du
Plan: 229 observateurs militaires sont déployés sur place
ainsi que 120 personnes formant la logistique (dont 61 Suisses de
l’unité médicale). Le commandant intérimaire
remplaçant le général Roy est le Péruvien
Luis Bloch Urban. Depuis le dernier rapport de fin février 102
nouvelles violations du cessez-le-feu, dont 97 attribuées au
Maroc, ont été enregistrées. Même si des
explosions de mine ont fait des victimes dans les deux camps il n’y a
pas eu d’échange de coups de feu.
Le seul élément nouveau a été la mission du
représentant spécial fin avril. Après avoir
contacté les belligérants sur place, M. Yakoub Khan
conclut que les divergences entre le Maroc et le Front Polisario
demeurent, mais que les deux parties continuent de considérer le
Plan comme un cadre adéquat pour une solution juste et
permanente du conflit. Les deux parties ont accepté de discuter
avec lui pour déterminer dans quelle mesure elles étaient
disposées à réactiver le plan. Le rapport
fait état de premières discussions engagées
à New York.
En conclusion le Secrétaire général propose le
maintien des effectifs militaires actuels. Il estime que le respect du
cessez-le-feu devrait s’accentuer ces prochains mois, les deux parties
ayant assuré qu’elles n’épargneraient aucun effort dans
ce sens. Il demande finalement la prolongation du mandat de la MINURSO
pour trois mois, soit jusqu’à fin août.Si à cette
date le processus restait bloqué le Conseil de
sécurité devrait envisager une autre manière
d’aborder la question. (On se souvient que le dernier rapport de fin
février se terminait par la même phrase).
Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité a avalisé le rapport du
Secrétaire général, mais il lui demande un nouveau
rapport le plus rapidement possible. Ce qui signifierait en langage
diplomatique que le Conseil de sécurité rejette
l’idée d’un nouveau délai, puisque rien de concret ne le
justifie, et fait dépendre la prolongation de l’engagement de
l’ONU d’un déblocage rapide. Cette décision du Conseil de
sécurité marque-t-elle une volonté d’aboutir enfin
à une solution dans le cadre du plan de paix ? Va-t-elle obliger
enfin le Maroc à des concessions dans le cadre des
négociations qui s’engagent ?
Négociations
Les négociations indirectes entre Sahraouis et Marocains
débuteront à Genève à partir du 10 juin par
l’intermédiaire de M. Yakoub Khan. Contrairement à
l’attente les Marocains ne seront pas présents à
Genève, ce qui donnera lieu à un va-et-vient du
représentant spécial, qui se rendra, après ses
conversations avec les délégués sahraouis,
à Rabat pour conférer avec Hassan II. Il s’envolera
ensuite pour les camps sahraouis près de Tindouf pour y
rencontrer le président Abdelaziz. La suite des
négociations est prévue à New York.
En outre le représentant spécial a demandé aux
deux parties de répondre, avant le 9 juin, à une
série de questions concrètes, concernant la
préparation de la phase de transition suivant le
référendum. En ce qui touche à l’avenir des
relations avec le Maroc après le référendum,
Bachir Sayed, coordinateur sahraoui avec la MINURSO, nous
déclare que «... si le Front Polisario gagne le
référendum il sera dissout, sa mission étant de
faire aboutir le processus d’autodétermination du peuple
sahraoui. Ce sera donc au gouvernement sahraoui élu de
répondre à la question posée. Il s’agira
d’établir des relations de bon voisinage avec un voisin
gênant, en étant très soucieux de satisfaire aux
préoccupations marocaines en matière de
sécurité et en matière économique. Dans
l’islam le voisin est un frère !»
22.05. Répression marocaine
Quatre jeunes Sahraouis ont réussi à quitter les zones
occupées du Sahara occidental pour rejoindre les camps de
réfugiés. Ils ont tenu une conférence de presse
à Madrid le 22 mai et attiré l’attention sur l’ignorance
dans laquelle est maintenue la population du Sahara occidental sur le
processus référendaire. En ce qui concerne les camps
créés par le Maroc un des jeunes a souligné que
des mandats spéciaux étaient nécessaires pour
quitter ces camps. Il a ajouté que plusieurs jeunes marocains
ont tenté de retourner au Maroc mais ont été
retrouvés par la police et contraints de rejoindre les camps.
En ce qui concerne les mesures de répression à
l’égard de la population sahraouie ils ont indiqué que
les zones proches des frontières avec l’Espagne et
l’Algérie sont interdites aux Sahraouis (qui portent les lettres
SH dans leur carte d’identité). Des dizaines de jeunes Sahraouis
ont été arrêtés pour avoir porté des
drapeaux sahraouis ou distribué des tracts
pro-indépendantistes; tous auraient été
torturés, certains seulement ont été
libérés par la suite. Un des jeunes a souligné les
difficultés à créer une coordination entre les
Sahraouis à l’intérieur du Maroc, à cause de la
police qui a infiltré un grand nombre de personnes dans le
réseau.
Le représentant du Front Polisario en Espagne a indiqué
que 150 jeunes avaient regagné l’organisation sahraouie en 1991.
23-24.05. Voyages diplomatiques
Au cours de sa visite en France le président sahraoui Abdelaziz
s’est rendu les 23 et 24 mai en visite au Mans, à l’occasion des
cérémonies marquant les 10 ans de jumelage du chef-lieu
de la Sarthe avec Haouza, commune sahraouie. Les maires des cinq villes
françaises jumelées avec des cités sahraouies ont
lancé à cette occasion un appel afin que la France
intervienne au Conseil de sécurité pour faire aboutir la
résolution 690, qui mettait en marche le plan de paix en avril
1991.
Le président sahraoui s’est rendu par la suite en Irlande,
où il a été reçu par le premier ministre et
le ministre des affaires étrangères. «Le but de
notre voyage», a-t-il précisé, «est d’attirer
l’attention de l’opinion internationale sur les dangers de
l’échec du processus de l’ONU. Nous avons demandé
à ce que des pressions politiques et même
économiques soient menées contre le Maroc pour l’amener
à respecter le plan de l’ONU».
Diverses délégations sahrouies étaient par
ailleurs en visite en Italie, au Bénélux, et en Autriche.
Une représentante de l’Union des femmes sahraouies assistait au
congrès de la fédération des femmes
libérales de Suède.
Elections au Maroc
Les efforts de l’opposition en vue de grignoter quelques droits
démocratiques face aux prérogatives royales se
poursuivent. C’est ainsi que les partis d’opposition, après
avoir rendu public leur «charte nationale», ont
demandé la création d’un organisme indépendant
formé d’élus et chargé de la préparation et
du contrôle des élections générales. Le
parlement a adopté, le 4 juin, deux projets de loi , l’un
abaissant l’âge de la majorité civile et électorale
de vingt et un à vingt ans (l’opposition demandait l’abaissement
à dix-huit ans), l’autre qui maintient le contrôle de
l’administration sur le processus électoral. Les
députés de l’opposition avaient quitté la salle
avant le vote.
29-31.05.
Solidarité internationale
La coordination européenne de soutien au peuple sahraoui a tenu
une réunion extraordinaire dans les camps de
réfugiés au sud de Tindouf (Algérie) du 29 au 31
mai. Près de cent délégués ont
participé aux travaux, en provenance d’Algérie, des USA
et de treize pays européens. Il s’agissait non seulement de
représentants des comités de soutien, mais aussi de
parlementaires, de représentants d’ONG, d’élus locaux, et
de journalistes. Les participants ont en premier lieu manifesté
leur solidarité avec le peuple sahraoui. Ils ont aussi
participé à une session de travail, dans laquelle la
stratégie pour les prochains mois a été mise au
point. La relance du plan de paix a été au centre des
préoccupations, mais les discussions ont aussi porté sur
la défense des populations sahraouies des zones occupées
ainsi que sur la situation de l’aide humanitaire aux
réfugiés sahraouis.
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