Audition
des orateurs concernant le Sahara Occidental par la Commissions des
Questions Politiques Spéciales et de la Décolonisation
(4ème Commission), Nations Unies, New York
Octobre 4 – 5, 2006
Remarques par Jacinta De Roeck,
Sénatrice belge et président de l’Intergroupe parlementaire belge « Paix pour le peuple Sahrawi ».
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Délégués,
Tout d’abord, je souhaite vous remercier de cette occasion qui m’est
donnée de vous parler de la situation du Sahara Occidental et de
la population sahraouie. C’est au nom de l’Intergroupe parlementaire
belge « Paix pour le Peuple sahraoui » que je partagerai
quelques considérations avec vous. Ces considérations
sont issues de mes contacts avec les Sahraouis, de visites aux
campements en Algérie et d’une visite au Maroc et dans les
territoires occupés.
Depuis mai 2005, la violence est à nouveau très
présente dans les territoires occupés. Des manifestations
pacifiques de citoyens sahraouis sont durement réprimées,
des détenus sont torturés et l’on a même
déploré des morts. Ces pratiques des services d’ordre
marocains sont occultées. Le Sahara Occidental est
hermétiquement fermé aux observateurs indépendants
et aux ONG. L’an dernier, Ronnie Hansen, président du
Comité sahraoui norvégien, a exposé ici même
comment la police marocaine avait éloigné de
manière forte sa délégation du Sahara Occidental,
quelques heures à peine après son arrivée à
El Ayoun.
L’an dernier, avec quelques autres sénateurs, j’ai
été invitée par une association marocaine en
Belgique à visiter les territoires occupés. Nous pouvions
même faire des propositions pour notre programme. J’avais
opté pour la visite du port de Dakhla, de El Ayoun et de la
Prison Noire. Hélas, nous ne sommes restés que quatre
heures à El Ayoun, où nous avons été
guidés à travers la ville avec une extrême
prudence. Les promesses de la délégation marocaine de
visiter Dakhla et la Prison Noire n’ont pas été tenues,
soi disant parce que nous devions rentrer plus tôt à Rabat.
A El Ayoun, nous avons pu voir les grands investissements faits par le
Maroc pour la ville et le Sahara Occidental. Mais ces investissements
se font dans le cadre d’une véritable politique d’annexion. Le
Maroc investit 10% de son budget national à El Ayoun et au
Sahara Occidental, un territoire qui représente 53% de la
superficie « marocaine », mais seulement 3% de la
population. Le territoire est zone franche et une politique active y
est menée afin de donner des avantages aux personnes qui
viennent y habiter, et ce tant sur le plan social que fiscal.
Les Sahraouis qui reviennent de leur gré en provenance des
campements reçoivent gratuitement et leur vie durant, une
habitation. Ils bénéficient d’une éducation
gratuite et, pendant deux ans, d’une allocation avant de trouver du
travail. Et s’ils n’y parviennent pas, ils perçoivent à
vie un revenu de remplacement. Cette solidarité va très
loin vis-à-vis des « frères » et des «
sœurs » de l’autre côté. Et le contraste est
énorme avec la situation au Nord du Maroc, où la
moitié de la population est analphabète et où
l’accès aux soins de santé est pratiquement inexistant.
De retour en Belgique, j’ai voulu continuer à m’informer sur les
violations des droits de l’homme et la situation des prisonniers
politiques dans les territoires occupés. Quand j’ai appris
qu’Aminatou Haidar, défenseur des droits de l’homme bien connue,
venait en Europe, j’ai organisé avec elle un colloque au
Parlement belge.
Monsieur le Président,
J’ai personnellement vu la situation dans les campements, j’ai
été témoin de l’attitude du Maroc vis-à-vis
de la population sahraouie. J’ai écouté les récits
d’Aminatou Haidar et lu le dernier rapport d’Amnesty International sur
les violations des droits de l’homme dans les territoires
occupés.
Le Maroc donne l’impression au monde extérieur qu’il cherche une
solution. Il admet couramment ne pas croire en un referendum. Le Maroc
a élaboré une proposition au sein du Conseil Royal
Consultatif pour les Affaires Sahariennes d’une autonomie sahraouie
sous drapeau marocain. Une autre alternative est pour lui impensable.
Cela est bien loin du Plan Baker n°2, et il est clair que la
population sahraouie des campements de réfugiés et des
territoires occupés, ne l’acceptera jamais.
Les Nations Unies ne doivent pas permettre que la question du Sahara
Occidental, l’un des derniers territoires non encore
décolonisés, soit étouffée dans le silence
et l’apathie. Le Sahara Occidental est un territoire non autonome et
donc un territoire à décoloniser. Le Peuple sahraoui doit
pouvoir exprimer sa volonté par un referendum, mais le Maroc,
depuis des années, fait obstacle à toute solution
diplomatique. Toutes les instances des Nations Unies et la Cour
Internationale de Justice confirment et re-confirment le droit à
l’autodétermination du Peuple sahraoui. Pourquoi les Nations
Unies n’ont-elles pas le courage de faire respecter le droit
international ?
J’espère que ma présence, ici, à la IV°
Commission, contribuera à ce que les Nations Unies puissent se
faire dérouler le referendum d’autodétermination pour le
Peuple sahraoui, et qu’une fin soit mise à l’occupation brutale
de la dernière colonie d’Afrique. La moitie de la population
sahraouie vit déjà depuis 31 ans en exil. La patience de
la population dans les camps de réfugiés est durement
mise à l’épreuve, et de jour en jour son attitude est
plus déterminée. Dans les territoires occupés, la
population sahraouie continue en grand nombre à descendre dans
la rue pour la liberté et l’indépendance, et ce
malgré la répression brutale de l’armée marocaine.
Voilà à mes yeux des preuves que les Sahraouis sont les
habitants légitimes du Sahara Occidental. C’est ce que le Maroc
doit respecter.
Je vous remercie de votre attention.
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