Témoignage d'un jeune Sahraoui victime de la répression marocaine

"Je m'appelle HAMMA JAID MOUISSA, je suis né en 1979 à El Ayoun au Sahara occidental. J'étais élève en 8ème au collège "Ayoun IV" (ancien Institut Espagnol), près de l'hôtel Parador où se trouve le siège de la MINURSO.
Devant la situation qui se détériorait chaque jour davantage et face à la non-application du plan de paix de l'ONU et la poursuite des violations de nos droits (on ne pouvait pas s'exprimer librement, impossibilité d'aller où il nous plaît, ...), devant tout cela et bien d'autres choses, nous avons décidé, d'autres élèves et moi-même, de réagir pour prouver au monde que nous existions et que nous sommes déterminés à reprendre nos droits légitimes. C'est ainsi que nous nous sommes mis d'accord pour l'organisation des manifestations du 10 mai 1995 à l'occasion du 22ème anniversaire de la RASD. Nous avons écrit des graffitis. Nous nous sommes fixés comme objectif de diriger la manifestation vers l'hôtel N'Guegir (où habite un important contingent de la MINURSO).
La manifestation prévue initialement pour le 10 mai a été finalement reportée pour le lendemain. C'est ainsi que le 11 mai 1995 nous nous sommes rassemblés en petits groupes dans différents points de la ville pour nous diriger ensuite vers la place de Dcheira, où se trouve l'hôtel N'Guegir. A 19h30 la manifestation a été déclenchée. Après quelques instants les manifestants se sont dirigés vers le Boulevard de La Mecque, dans le but de parvenir au siège de la MINURSO. Tout en brandissant les drapeaux de la RASD, la foule répétait les slogans suivants:

- "L'indépendance pour le peuple sahraoui"
- "Toute la patrie ou le martyre"
- "Liberté et dignité pour les prisonniers sahraouis".

Dix minutes plus tard, des fourgonnettes de la police, des CMI (Compagnies Mobiles d'In tervention), de la DST, ... ont surgi de toutes parts. Sur-le-champ les manifestants se sont dispersés dans toutes les directions, suivis des voitures de la police. La police marocaine arrêtait tout le monde, même les simples passants. C'est ainsi que j'ai été arrêté sauvagement par des éléments de la PJ marocaine. Plus de 50 jeunes ont également été arrêtés. Nous avons été conduits au commissariat de la PJ marocaine. J'étais dans une cellule avec quatre autres jeunes Sahraouis. Il s'agit de: La même nuit nous avons subi un interrogatoire accompagné des pires tortures. Le lendemain 12 mai, nous avons été transférés au Poste de Commandement des CMI, où nous avons également été interrogés et torturés.
Le 13 mai, d'autres jeunes ont été arrêtés, dont: C'est dans ce centre secret que nous connaîtrons les pires supplices: l'avion, le poulet rôti, l'électricité, ... sans parler des insultes ni de l'humiliation et la sous-alimentation. Pour donner un exemple du climat qui règne dans ces lieux, tous les samedis l sgardes sont ivres et souvent drogués; ils nous ordonnent de nous déshabiller et de réciter l'hymne national. Ensuite, ils nous torturent ...
Dix jours plus tard, tout le groupe a été transféré à Rabat, sauf moi, à cause paraît-il de mon âge (j'avais à peine 16 ans). C'est alors que je suis resté seul dans la cellule, souffrant doublement de la poursuite des brutalités des gardiens et des néfastes effets de la solitude. C'est durant cette période que j'ai eu le plus peur de disparaître à jamais dans les sinistres jardins secrets de sa majesté. Les récits des rescapés de Kalaat M'Gouna et d'Agdz me sont souvent revenus à la tête.
Dix jours plus tard, un autre jeune, RAHMOUNI HAIBA, condamné à 20 ans de prison par contumace, est arrêté et emprisonné avec moi.
Le 25 juin 1995, à la suite des lourdes condamnations des tribunaux militaires marocains contre les jeunes participants aux manifestations du 11 mai, des dizaines de jeunes gens furent arrêtés pour avoir distribué des tracts demandant la libération des jeunes Sahraouis. Ils étaient également soupçonnés de préparer des manifestations contre la répression marocaine. Cinq parmi eux ont été détenus avec moi dans la même cellule. Il s'agit de: Le 1er juillet, quatre femmes ont été arrêtées pour avoir tissé des drapeaux de la RASD.

Le 2 juillet 1995 nous avons, SAADI et moi, été conduits sans savoir où nous allions, devant le tribunal: six mois de prison avec sursis fut la condamnation, sans la présence ni des avocats, ni des familles. Avant d'être relâchés, nous avons reçu un sévère avertissement et des menaces de représailles sur nous-mêmes et sur nos familles par les agents de la PJ marocaine. Il était simplement interdit de parler des cruautés que nous avions vécues.
Etant constamment surveillé et craignant de disparaître à nouveau, j'ai décidé de me sauver. Je suis actuellement dans les campements de réfugiés sahraouis."

Le 17 juin 1996


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