RAPPORT DE MISSION à DAKHLA au SAHARA OCCIDENTAL dans les TERRITOIRES OCCUPES PAR LE MAROC

par Maître SEDILLOT du barreau de ROUEN

 

A Rouen le 01/11/05

A la demande de l'association des amis de la République Sahraouie, j'ai assisté à l'audience à l'occasion de laquelle était jugé Ahmed HAMMIA, devant le Tribunal de première Instance de DAKHLA le 3 Août 2005.

Ce jeune homme était poursuivi pour avoir participé à une manifestation et commis des actes de violences à l'encontre des forces de l'ordre alors même qu'il est établi que la manifestation s'est déroulée de façon tout à fait pacifique.

Hammia tente de savoir quel sort a été réservé à son père, enlevé alors qu'il était lui-même âgé de quelques mois. Le gouvernement marocain a tenté d'acheter son silence en lui proposant une somme d'argent en réparation de préjudice subi. Hammia a refusé cette somme et tente toujours de connaître la vérité. Ses conditions d'existence, et celles de sa famille sont particulièrement difficiles. Le pouvoir lui fait "payer" son désir de vérité.

Les autorités politiques locales, manifestement informées de mon arrivée ont empêché tous les militants des droits de l'homme d'assister à l'audience et de venir à ma rencontre, espérant sans doute ainsi que je renoncerais à me rendre au tribunal. Tous ont été assignés à résidence grâce à un important déploiement de forces

C'est ainsi que j'ai pu remarquer, lors de mon arrivée à l'aéroport, que j'étais désigné par l'agent chargé du contrôle des passeports à un homme qui devait être un policier en civil.

L'avocat marocain chargé de la défense d'Hammia m'a rejoint à l'hôtel mais notre rendrez-vous -convenu à l'occasion d'une conversation téléphonique- a bien failli de pas avoir lieu puisqu'en effet un policier en civil, se faisant passer pour un employé de l'hôtel, indiqua à mon confrère qu'il n'y avait aucun client de mon nom dans l'établissement.

C'est uniquement parce que je suis descendu à la réception au moment où cet avocat allait repartir que nous avons pu nous rencontrer et nous entretenir du dossier.

Aucun obstacle n'a été mis à la tenue de notre rendez-vous. Des pressions sont manifestement exercées mais il semble que tout soit fait pour que les étrangers ne s'en rendent pas immédiatement compte.

L'audience a débuté, le lendemain, avec beaucoup de retard et s'est tenue dans l'apparence de la légalité puisque l'avocat d'Hammia a plu plaider

Il sera toutefois précisé que le public était presqu'exclusivement composé de policiers, venus exercer aussi une pression, certes silencieuse, mais néanmoins importante. Ce public privait de facto le tribunal de la possibilité de prononcer la relaxe des faits puisqu'il était reproché à Hammia d'avoir voulu faire preuve de violence à l'égard des forces de l'ordre. Une relaxe aurait sans doute été considérée comme une provocation.

L'affaire a été mise en délibéré.

Le conseil d'Hammia a pensé qu'il était préférable que je me contente d'un rôle d'observateur. Peut-être aurais-je du insister pour plaider, ce qui aurait toutefois exigé que j'en demande l'autorisation à la Cour et que je dispose d'une traduction du dossier, ou de son résumé.

Je comprends toutefois que l'accusation reposait sur les déclarations d'Hammia, consenties sous la torture et sa relaxe s'imposait donc. Une condamnation à deux mois d'emprisonnement a été prononcée. Il a d'ailleurs décidé d'interjeter appel.

L'envoi d'observateurs à l'occasion des procès menés contre les sahraouis motif pris des demandes qu'ils forment auprès des autorités marocaines afin de savoir quel sort a été réservé à leurs proches -enlevés et disparus pendant les années de plomb- justifie l'envoi d'observateurs internationaux en nombre.

Tout doit être fait pour ensuite faire connaître à la communauté internationale les conditions dans lesquelles ces procès sont organisés.

Nous devons également envisager l'introduction de procédures en France, ou dans les pays occidentaux ainsi que la saisine des autorités internationales compétentes, parmi lesquelles la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, puisque la République Sahraouie y est reconnue. Même si cette commission ne peut rendre de décisions coercitives, elle dispose du pouvoir d'enquêter et de rédiger un rapport.

On peut espérer que la très récente Cour Africaine entamera bientôt sa mission.

La saisine d'une juridiction française pourrait se faire sur le fondement -notamment- de la convention sur la prohibition de la torture et dans l'intérêt d'une victime qui aurait la nationalité française.

Une plainte pourrait également être déposée à l'encontre des tortionnaires bien connus et à l'occasion d'un de leurs voyages en occident. Je pense qu'il doit être possible de connaître les dates de leurs déplacements.

Il faut "internationaliser" les procès menés à l'encontre des sahraouis, tant par la médiatisation que par l'introduction de procédures internationales. C'est la condition à laquelle leur combat pourra être connu de la communauté internationale

Richard SEDILLOT

Avocat au Barreau de Rouen

 


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