NOTE D'ACTUALITE SUR L'EXPLOITATION, PAR LE MAROC, DES RESSOURCES NATURELLES DU SAHARA OCCIDENTAL.

Cette nouvelle note sur la situation de l'exploitation des ressources naturelles sahraouies, par le Maroc, fait le point sur l'évolution de la question de la pêche au large du Sahara Occidental à travers l'analyse des menaces de disparition des céphalopodes, l'examen de la question de la pêche entre le Maroc et l'Union Européenne et la présence de flottes européennes de pêche dans les eaux sahraouies. Cette note rapporte aussi l'utilisation marocaine des potentialités éoliennes et agricoles sahraouies.

EPUISEMENT D'UNE RICHESSE HALIEUTIQUE SAHRAOUIE.

Le banc de céphalopodes ( poulpes, seiches, calamars, encornets ), situé dans les eaux maritimes du Sahara Occidental, est l'objet d'une exploitation systématique, par le Maroc, à partir des années 1990. Ainsi les prises sont passées de 1100 tonnes en 1991 à 88'000 tonnes en 1999 représentant une valeur de 200 millions de $US en 20021 . Il en résulte une baisse alarmante du stock de poulpes qui est passé de 100'000 tonnes en 2000 à 8 000 tonnes en juin 20042 !

Cette richesse se trouve, maintenant, menacée d'extinction malgré un repos biologique, et donc d'une interdiction ( théorique ) de pêche, de 9 mois en 2003. Actuellement constitués de 72% de juvéniles les céphalopodes devraient faire l'objet d'un nouveau repos3 . La responsabilité de cette inquiétante situation revient à l'Etat marocain qui n'a pas su, ou pas voulu, suivre les recommandations des scientifiques, exercer les contrôles nécessaires de quotas de prises, gérer la concurrence entre les trois types de pêches ( hauturière, côtière et artisanale ), et a délivré trop de licences de pêches. Conséquence de cet baisse des stocks, " les 3 segments de pêche n'ont pas pu réaliser leurs quotas de prise la saison passée 4 ", et Dakhla est une ville sinistrée 5.

Avec son refus d'ouverture de négociations sur la question du Sahara Occidental et face à l'échec de sa politique halieutique et à l'instabilité qu'il pourrait générer, le Maroc a décidé d'accroître sa stratégie économique de colonisation. Le gouvernement de Monsieur Driss Jettou a ainsi débloqué, en octobre 2004, 650 millions d'Euros ( 7,2 milliards de Dirhams ) pour lancer au Sahara Occidental, " les provinces du sud ", plus de 200 projets.

Parmi ceux-ci, 70 millions d'Euros serviront à la réalisation de 6 villages de pêcheurs entre El Aiun et Aoussert, à " restructurer la pêche artisanale 6 ", à stabiliser les 30000 collecteurs saisonniers de poulpes et à orienter vers d'autres espèces les activités déclinantes de la pêche aux céphalopodes.

Concernant la pêche artisanale des céphalopodes, les responsables marocains veulent lui faire porter la responsabilité de l'effondrement des captures. Ce type de pêche entre en concurrence avec les pêches hauturière et côtière et réciproquement. Elle demande peu d'investissement, se pratique à partir de barque, est facile à mettre en œuvre et donc accessible à beaucoup de personnes peu fortunées. Elle est soupçonnée de fraude pendant les arrêts biologiques et de reposer sur un trop grand nombre de barques ( 12500 barques pêchent les céphalopodes dont 5000 barques pratiquent cette pêche sans licence7). Officiellement il a été alloué, à la pêche artisanale, 26% du volume des captures autorisées, volume qui, en période de pénurie, intéresse beaucoup les autres types de pêche et en particulier la pêche hauturière qui voit là une source facile de grands profits. Cette matière première maritime est fort prisée pour son rapport prix/volume. Elle est exportée vers le Japon et l'Europe.

Le projet de construction de 6 villages de pêcheurs participerait à l'installation de marocains et seraient de véritables villages de colonisation en terre sahraouie. " L'idée à travers ce programme est de faire en sorte à ce que les pêcheurs soient sédentarisés 8 " car le Maroc laisse faire " l'arrivée de 30 000 personnes venant de partout pour faire la saison de 2 mois qui se ruent sur la région de Dakhla 9 ". Vu la baisse notable des prises on peut douter de la réussite d'une telle politique. La réorientation de la flotte de pêche, vers les espèces pélagiques, très présentes au large de Dakhla10, pourrait assez vite conduire à la même impasse avec les diminutions notables des stocks de sardines, de crevettes 11, d'anchois12 et de maquereaux 13.

VERS UN NOUVEL ACCORD DE PECHE UNION EUROPEENNE MAROC ?

Le dossier pêche, toujours en attente d'un accord entre le Maroc et l'U.E., refait surface en cet automne 2004. L'Espagne et le Maroc en sont à l'origine. C'est en 1999 qu'a pris fin l'accord de pêche Maroc U.E. Il fonctionnait selon le principe de versement d'indemnités européennes au Maroc contre des licences de captures de poissons au large du Maroc 14. Depuis cette date la logique de rente a prévalu et les activités halieutiques du Maroc n'ont pas été l'occasion de créer une industrie de transformation15. La déception est réelle au Maroc car, depuis 1999, " il a été doublement perdant du fait d'une gestion approximative des ressources et d'une baisse des recettes16 ". Il y a de la part du Maroc une demande de partenariat et d'élargissement de la coopération à tous les domaines de la pêche17. L'Espagne souhaiterait elle aussi qu'un nouvel accord de pêche soit conclu avec le Maroc. Cette décision relève des prérogatives de l'U.E. En octobre 2000 des négociations sur un nouvel accord furent entreprises. Elles n'aboutirent pas18 .

Dans cette attente des sociétés de pêche espagnoles signent des contrats avec le Maroc et opèrent au Sahara Occidental. A El Aiun le groupe de conserves JEALSA-RIANXEIRA va construire une usine qui sera opérationnelle dans un an19 .

Si un accord de pêche devait intervenir entre le Maroc et l'U.E. il est attendu de l'Europe qu'elle assume ses responsabilités et respecte la législation internationale concernant les richesses des territoires non autonomes et donc veiller à ce que le domaine maritime sahraoui soit clairement exclu de l'accord et ne fasse l'objet d'aucune exploitation de la part des flottes de pêche des pays de l'U.E.

CONVENTIONS DE PECHE SIGNEES PAR DES SOCIETES EUROPEENNES AVEC LE MAROC.

L'absence d'accord de pêche Maroc U.E. n'empêche pas certaines sociétés européennes d'avoir conclu des contrats de pêche avec le Maroc et d'intervenir dans les eaux sahraouies.

La Norvège, par exemple, a officiellement facilité l'installation de sociétés au Sahara Occidental 20. En octobre 2002 la compagnie norvégienne FINSAM lançait, à El Aiun, la construction d'une usine de fabrication de glace à destination halieutique produisant 200 tonnes de glace par jour. Des investissements dans le secteur de la pêche ont été faits : par la société SELFA ARTIC qui modernise la flotte côtière marocaine, par la compagnie SIMRAD ( électronique marine ) qui a ouvert une agence à El Aiun, par ASTIA HOLDINGS ( exportation de bateaux et d'équipements de pêche ) et par FURUNO ( électronique de navigation ). En juin 2004 l'ambassadeur norvégien au Maroc a effectué une visite de 3 jours à El Aiun où il a rencontré des représentants du secteur de la pêche.

Selon le journal hollandais NRC du 12 février 2004, des entreprises halieutiques de Hollande, France, Royaume Uni et d'Allemagne ont, après 1999, poursuivi leurs activités, dans le domaine sahraoui, sur la base d'un contrat signé entre le Maroc et la fédération P.F.A. ( Pelagique Freezer-trawler Association ). P.F.A. représente les intérêts de 7 compagnies de chalutiers pêchant les poissons pélagiques, de surface ( sardines, maquereaux, anchois, chinchards, harengs…). Font parties de P.F.A. les entreprises hollandaises JACZON Bv, PARLEVLIET et VAN DER PLAS Bv, CORNELIS VROLIJK'S VIRSERIJ MAATSCHAPPIJ Bv, W.VAN DES ZWAN et ZN Bv; l'entreprise allemande DOGGER BANK SEEFISCHEREI Gmbh; l'entreprise française FRANCE PELAGIQUE Sarl et l'entreprise anglaise NORTH ATLANTIC FISHING COMPAGNY Limited21 . Le porte-parole de P.F.A. a confirmé qu'en février 2004 un nouvel agrément a été conclu avec une compagnie marocaine 22.

COOPERATION MAROC NOUVELLE ZELANDE

L'Institut de recherche des produits de la mer de Nouvelle Zélande et l'I.N.R.H. ( l'Institut National de Recherche Halieutique ) marocain étudie la possibilité de prélever, à Boujdour, 5 tonnes d'ormeaux ( un coquillage considéré comme un met de choix en Asie et à haute valeur ajoutée ) par an23 .

DEVELOPPEMENT DE LA PECHE : LA G.T.Z. PARTIE PRENANTE

A la mi-juin 2004 le Maroc a lancé l'opération " Programme horizon 2010 du secteur de la pêche maritime " qui a pour objectif " la mise à niveau et le développement du secteur de la pêche maritime". Il se propose aussi " d'assister les entreprises à se positionner sur le marché des U.S.A. en mettant à profit l'opportunité de la signature de l'A.L.E. avec les U.S.A. 24 ". Parmi les perspectives du secteur de la pêche il est précisé " la nécessité de développer des industries dans le Sahara " marocain " ". L'organisme allemand de coopération G.T.Z. apportera son soutien technique et financier à ce programme à travers le CPMAN, le Centre de Promotion et de Mise à Niveau de Casablanca, qui est partenaire du programme25 .

L'EXPLOITATION AGRICOLE DU SAHARA OCCIDENTAL.

Si le territoire du Sahara Occidental est, en totalité, inclus en milieu désertique, les conditions arides qui y règnent n'empêchent pas l'existence de potentialités agricoles qu'exploite le Maroc. Ainsi, à partir de l'eau des nappes phréatiques puisée à plus de 500 mètres de profondeur, plusieurs domaines agricoles ont été réalisés. Celui de Tinguir, près de Dakhla, s'étend sur 300 hectares et produit, selon la technique de culture dite hors sol, des primeurs 26 exportés au Canada27 . A Tawarta, dans la presqu'île d'Oued Eddahab, une douzaine d'hectares fournissent de la luzerne pour un élevage intensif de bovins 28.

L'EXPLOITATION DE L'ENERGIE EOLIENNE SAHRAOUIE.

Entre Agadir au Maroc et Nouakchott en Mauritanie les conditions atmosphériques et de géographie physique font régner des vents réguliers en vitesse et fréquence tout à fait propice à une utilisation pour la production d'électricité à partir de l'énergie éolienne. Les Alizés du nord-est soufflent donc sur les côtes du Sahara Occidental et le Maroc les utilise, dans le domaine agricole de Tinguir, pour fournir de l'électricité29.

Paris le 20 novembre 2004,

Association des Amis de la R.A.S.D., B.P. 251, 75227 PARIS Cedex 05.

Philippe Riché.

 

  1. www.L'Economiste.com/article.html?a=53706 du 20.2.2004.
  2. M.A.P. du 1.11.2004.
  3. La Vie Economique du 10.111.2004.
  4. M.A.P. du 1.11.2004.
  5. Tel Quel du 14.10.2004.
  6. L'Economiste du 2.11.2004.
  7. La Vie Economique du 19.3.2004
  8. L'Opinion du 8.11.2004.
  9. L'Economiste du 2.11.2004.
  10. www.telquel-online.com/149/economie_149.shtml N°149 de novembre 2004
  11. M.A.P. du 30.9.2004.
  12. L'Economiste du 4.10.2004.
  13. L'Economiste du 30.9.2004.
  14. L'Opinion du 2.11.2004.
  15. Aujourd'hui le Maroc du 22.9.2004.
  16. La Vie Economique du 8.10.2004.
  17. L'Opinion du 2.11.2004.
  18. Le Matin du 5.11.2004.
  19. La Voz de Galicia du 5.9.2004.
  20. Afrol News du 12.7.2004.
  21. www.pfa-frozenfish.com
  22. http://groups.yahoo.com/group/wsfish/
  23. L'Economiste du 2.7.2004
  24. www.pyxicom.com/cdc/downloads/ PROGRAMME-HORIZON-2010_VFVSITE.pdf
  25. M.A.P. du 16.6.2004.
  26. Le Matin du 1.12.2003.
  27. C.A.P.E. : Coalition pour des Accords de PêcheEquitable, Bruxelles, Rapport de mission, de Pierre Gillet, au Sahara Occidental, novembre 2003.
  28. Jean-François Troin, Maroc : Régions, pays, territoires, Maisonneuve et Larose, Paris, 2002.
  29. www.aocwind.net/install.htm

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