Sahara Occidental :

Il est temps de mettre un terme à l'hypocrisie

Martine de Froberville

Le carnage terroriste qu'ont subi les États-Unis, le 11 septembre 2001, devrait être l'occasion, au-delà de la sanction à exercer sur les coupables, d'en analyser les causes profondes, toutes les causes, afin d'apporter des remèdes efficaces et durables.

À l'Occident est généralement reproché son cynisme, une politique de « deux poids, deux mesures » dictée par ses seuls intérêts. Raison, couramment et à juste titre alléguée, de la montée de l'intégrisme islamique, la disproportion entre le châtiment réservé à l'Irak et le non-règlement de la question israélo-palestinienne, où la volonté politique occidentale fait cruellement défaut depuis un demi-siècle.

Mais ce serait dangereusement se voiler la face que de persister à ignorer d'autres régions victimes de similaires injustices.

Ainsi, s'agissant du Sahara Occidental, plongé dans l'oubli, il est temps de mettre un terme aux coupables hypocrisies.

Depuis plus d'un quart de siècle, sur ce territoire, dans une indifférence généralisée s'additionnent violations du droit international, violations du droit d'un peuple, violations des droits de l'homme. Sous une chape de silence, y sont, non seulement dédaignées, mais délibérément contrecarrées, toutes les résolutions, déclarations, conventions des instances internationales garantes de ces droits, Nations unies, OUA, Cour internationale de justice.

En contradiction avec ses déclarations sur les valeurs démocratiques, les valeurs universelles dont il se dit porteur, l'Occident n'a pas mis sa puissance au service du plus faible, au service de l'émancipation d'un peuple autonome. Il a favorisé l‚invasion du territoire par le voisin marocain en 1975, en armant son bras contre le peuple sahraoui. Par ses actes ou par son indifférence, il a une responsabilité immense dans les souffrances endurées par le peuple sahraoui.

Mais cela eût-il été possible sans l'accord tacite, voire sans la complicité, de nombreux autres États qui ont préféré s‚aligner sur ce monde occidental si facilement honni ?

Faut-il recenser les États nouvellement émancipés qui n'ont pas su s'unir dans la défense d'un territoire et d'un peuple à décoloniser ? Faut-il énumérer ceux d'entre eux qui continuent d'ignorer le destin d'un peuple frère ? Faut-il évoquer les silences « assourdissants » de la Ligue arabe ? Faut-il énoncer les manoeuvres auxquelles se livrent certains États africains à chaque sommet de l'OUA sur la question du Sahara Occidental ? Faut-il rappeler leur inconstance à l'égard de la RASD, alternance de relations diplomatiques établies avec elle, puis rompues, selon le régime dont ils se dotent ou en fonction des tractations auxquelles ils se livrent ?

Faut-il encore inventorier les petites et les grandes trahisons de l'ONU elle-même, inapte, depuis quarante ans, à mener à bien la décolonisation du territoire ? Qui fait désormais sans vergogne, avec sa proposition de « troisième voie », le lit des revendications de l'agresseur marocain, trahissant ainsi la lettre et l'esprit de sa charte fondatrice !

Enfin que dire d'un État, le Maroc, prétendu tolérant et ouvert, qui a institué comme méthode de gouvernance la répression policière, la séquestration à vie et la torture ? Qui a instauré sur le territoire qu'il a envahi un régime d'apartheid ?

Croit-on donc que seront éternels la patience des Sahraouis et le légalisme du Front Polisario ?

Le temps est venu que chacun balaie devant sa porte et mette plus de justice et de respect, c'est-à-dire plus d'humanité, dans les relations internationales, sans aucune discrimination.

Martine de Froberville

Président du Comité sur le Sahara Occidental (France)
Auteur de « Sahara Occidental, la confiance perdue - l'impartialité de l'ONU à l'épreuve » (L'Harmattan, Paris, 1996)

Décembre 2001


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