OPINION

 

Humanisme à la marocaine

par DIEGO

La libération d'Ali Salem Tamek n'en finit pas de provoquer des réactions au sein des media marocains. L'une des dernières en date, celle de Jamal Berraoui, dans le journal La Vie Economique 4251 du 6/2/04 sucite certainement quelques commentaires.

Pour Jamal Berraoui, que la syntaxe approximative et la phraséologie n'embarrassent pas outre mesure, Ali Salem Tamek est un «espion». Il doit retourner en prison. Mais on sent bien que Monsieur Berraoui préférerait le peloton. Que voulez-vous faire d'Ali, un martyr ou un «disparu» ? Vos sentiments sont touchants d'humanisme, Monsieur Berraoui. Pour vous, Ali est un criminel, proche des assassins d'Omar Benjelloun. C'est ce qu'on appelle un amalgame. Qui Ali a-t-il tué ? La cause marocaine au Sahara Occidental ? Certainement. Mais cette cause est moribonde, Ali ne fait qu'oeuvre d'euthanasie.

Plus loin, Ali est dit être traité «en vedette». Seriez-vous jaloux, Monsieur Berraoui ? Que vous n'ayez pas l'oreille du GSU, de l'AMDH ou de RSF, ne vous étonnez pas ! Vous pouvez toujours exprimer votre hargne, votre mépris et votre mauvaise foi par l'intermédiaire des media aux ordres du Makhzen, vous, heureux homme libre ! Car vous êtes bien libre de vos opinions et de vos écrits, n'est-ce pas, Monsieur Berraoui ?

Bien vite, on en arrive aux injures. C'est si facile ! Sous la plume de Jamal Berraoui, Ali devient une «loque», un «inculte irresponsable». Ce n'est plus un argument, c'est une réaction épidermique, raciste, pitoyable et surtout indigne de la part du journaliste que Monsieur Berraoui se targue d'être. Pour lui, il faut «s'occuper des traîtres». Qu'est-ce à dire ? Auriez-vous des regrets ? Regretteriez-vous que les Sahraouis n'aient pas tous été gazés ou napalmisés en 1975, lors de leur fuite éperdue devant la soldatesque marocaine ? Cette fois c'est l'argument dit de l'Indien : un bon indien est un Indien mort. Tant que l'opinion marocaine sera distillée avec autant de haine et de morgue par des pousse-au-crime, le Makhzen aura encore de longues heures devant lui et le peuple marocain (6 millions de pauvres, 30% d'analphabètes, 3 millions de chômeurs...) ne sera pas au bout de ses misères.

Le nom d'Henri Curiel vous dit-il quelque chose, Monsieur Berraoui ? Non, vous n'étiez pas né à cette époque et je doute que votre culture politique aille jusque là. Henri Curiel est un Français qui se retrouva en prison pour avoir publiquement pris fait et cause pour le FLN. Un Français qui avait compris, avec quelques rares autres, que l'Algérie n'était pas un département français, mais un peuple qui aspirait à son indépendance, comme il y a aujourd'hui un peuple sahraoui qui veut être libre de son destin, que l'Algérie était une nation, comme il existe aujourd'hui une nation sahraouie, ne vous en déplaise. Des Curiel marocains, je vous en souhaite des milliers, Monsieur Berraoui, Ali Mrabet n'est qu'un précurseur. Jusqu'au jour où le Maroc tout entier réalisera qu'au Sahara Occidental, il n'est pas chez lui.

Méditez cette pensée de Fénelon: «Si le roi avait un coeur de père pour ses peuples, ne mettrait-il pas sa gloire à leur donner du pain, plutôt qu'à garder quelques villes de fontière qui causent la guerre ? »
L'an prochain à El Ayun.

19 février 2004


>> [ARSO HOME] - [OPINIONS]