Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Bonjour, permettez-moi, tout d’abord, de saluer chaleureusement tous
les organisateurs, les traducteurs et les participants à cette
rencontre MEDLINK qui se veut un espace de tolérance,
d’échange et de paix pour toutes les personnes et tous les
peuples.
Notre monde actuel, à l’ère de la mondialisation, est
soumis à l’hégémonie des grandes forces
économiques et militaires, et souffre d’un grand nombre de
phénomènes néfastes et inappropriés aux
aspirations de l’humanité qui rêve de
prospérité, d’harmonie et de paix. Cette
hégémonie qui ne cesse de reproduire les
inégalités sociales et économiques, s’oppose aux
aspirations des peuples qui continuent de mener des luttes
acharnées et sans haleine pour l’instauration d’un monde
meilleur, un monde où les droits collectifs et individuels sont
garantis, un monde juste qui garantisse une distribution
équitable des richesses.
Sur cette base de cette contradiction qui conditionne le conflit
précité, la lutte contre les guerres et le colonialisme
est strictement liée à la lutte pour la démocratie
et les droits par le fait que les deux sont les
extrémités qui marquent les limites entre les deux camps,
les peuples et les forces hégémoniques mondiales.
Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, nous devons rester
vigilants quand à l’usage de cette notion. Le terrorisme
n’étant qu’une forme de rejet des tendances
hégémoniques et une expression
désespérée d’une recherche d’égalité
tant au niveau social qu’au niveau économique.
Aussi, devons-nous affirmer que les crimes commis par des terroristes
contre des citoyens civils sont vivement condamnés autant que le
sont toutes les politiques visant à asservir les peuples. En
outre, ne nous partageons guère la notion de terrorisme telle
qu’elle est véhiculée par les médias et certains
discours politiques, qui vise au fond l’étouffement des luttes
des peuples et de priver ces derniers de leur droit à la lutte
contre toute injustice. Cette notion néglige également le
terrorisme d’Etat auquel sont soumis tant de peuples que ce soit par
leurs gouvernements ou par des Etats étrangers. La
réalité au Moyen Orient et au Sahara Occidental en sont
des exemples pour n’en citer que ces deux.
De là nous concluons, d’une manière assez rapide, que le
terrorisme n’est qu’un symptôme de la crise d’un ordre mondial
unipolaire et que la lutte doit se focaliser sur la cause de la crise
et non sur ses symptômes.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs.
Le peuple du Sahara Occidental, mène, donc, une lutte pour la
décolonisation de son territoire, un droit que les Nations Unies
lui ont reconnu depuis 1966. Cette lutte a connu trois grandes phases :
l’une couvrant la période de la lutte armée, et ce depuis
1973 jusqu’à 1991, et l’autre couvrant la période allant
de 1991, l’an de la mise en application de l’accord de
cessé-le-feu supervisé par l’ONU et qui s’inscrivait dans
le processus de l’application du plan de règlement pacifique de
l'OUA et l'ONU, jusqu’à 2005 ; la troisième commence
depuis mai 2005, date du déclenchement d’une vague de
manifestations pacifiques réclamant le droit du peuple sahraoui
à l’autodétermination.
L’usage de la violence par les forces répressives marocaines
était sans limite . Des centaines de victimes de la torture ont
été enregistrées, des dizaines de maisons
violées et saccagées, et des dizaines de détenus
soumis à des jugements iniques sans aucun respect de normes de
procès équitables. Ce bilan s’ajoutant à un autre
plus lourd des années dites de plomb, avec des crimes contre
l’humanité et des génocides commis contre la population
sahraouie par les forces militaires et sécuritaires marocaines.
Le territoire est soumis à un état de siège non
déclaré, et vit depuis 1975 et pour y accéder il
faut afficher une sympathie claire et nette à la thèse
officielle marocaine sur le conflit.
Malgré ce climat de violations graves des droits de l’homme, de
crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la
société sahraouie ne cesse d'évoluer vers la
réclamation de ces droits légitimes par les voies
pacifiques . Devant la barbarie nous n'avons pu trouver que la
recherche acharnée de la paix ou la dignité humaine
soit scrupuleusement respectée. Nous devons cette
détermination à nos martyrs, à nos disparus et
aux survivants des bagnes secrets de l'enfer à KALAAT
MEGOUNAT, AGDEZ et El-Ayoune. Ces rescapés qui ont
été libérés en 1991 (un groupe de 321
personnes dont 73 femmes), et qui sont arrivés à
surpasser la terreur semée par le Maroc, avaient
créé un comité de coordination, en 1994,
première organisation de son genre dans le territoire sous
l’administration du Maroc, et faisaient du porte à porte devant
les ministères du Maroc, les médias, les ONGs des droits
de l’homme, les représentations diplomatiques et les partis
politiques pour expliquer leur dossier et demander du soutien. Cette
première démarche marquait les premiers pas d’une
société civile en émergence. Un grand nombre de
comités et d’associations dans les différentes villes du
Sahara Occidental ont été créés. Cette
société civile sahraouie, sous l’administration du Maroc,
avait focalisé sur deux volets : le premier étant la
création d’un nombre d’associations selon les besoins de la
population ; le deuxième étant le tissage de relations de
solidarité, d’entraide et d’échange avec la
société civile dans différents pays.
Cette société civile est donc consciente que la lutte
pour les droits et la démocratie est strictement liée
à la lutte contre le colonialisme et la guerre. Cette conscience
dérive de l’expérience vécue durant plus de trois
décennies de terreur permanente qui continue de s abattre sur la
population sahraouie.
Certes, la tâche n’était pas aisée et les
aspirations affichées étaient ambitieuses, surtout devant
les contraintes suivantes :
- Le territoire du Sahara Occidental est soumis à un embargo
militairo-sécuritaire et médiatique depuis 1975. le
mouvement des sahraouis est soumis à un contrôle
serré, soit au sein du territoire, soit du territoire vers le
Maroc ou du territoire vers l’étranger.
- Le peuple sahraoui vit dans des conditions de vie très
médiocres. Les enfants quittent les écoles à un
age précoce et deviennent victimes de la délinquance,
d’abus de drogue et de criminalité. Les jeunes sont
victimes de chômage, d’exclusion et de marginalisation et se
poussent vers les îles Canaries à la recherche de
meilleures conditions de vie mais aussi pour fuir toutes les
atrocités auxquelles ils sont sujets quotidiennement.
L’immigration clandestine est devenue aussi une solution pour les
autorités marocaines pour se débarrasser de ces jeunes
qui les dérangent tant.
- Le peule sahraoui est soumis à des formes horribles de
discrimination, au niveau social et économique, de même
qu’il est objet d’exactions quotidiennes dont sont victimes hommes,
femmes , enfants, vieux et jeunes.
Hâtivement nous retenons de l’expérience de cette
société civile en évolution, les conclusions
suivantes :
- la lutte pour la démocratie et les droits est strictement
liée à la lutte contre les guerres et le colonialisme du
fait que le colonialisme et les guerres ne sont que des aspects d’un
ordre mondial générant l’exclusion, la pauvreté,
la famine et tant d’autres formes d’inégalités
- L’ancrage d’une solidarité entre les peuples et la lutte
pour une distribution équitable des richesses tant au niveau
local qu’au niveau global, permettra de cultiver une pensée
humaine universelle se basant sur une conviction ferme que le sort de
l’humanité réside dans son unification, et que cette
dernière passera d’abord par des coalitions régionales
pour arriver à une unification au niveau international.
Cependant cette coalition régionale ne pourra jamais
répondre aux aspirations réelles des peuples tant que ces
derniers ne peuvent pas disposer eux-mêmes de leur sort et
puissent choisir librement leur avenir et le mode
socio-économique et culturel qui réponde le plus à
leurs aspirations.
- La consolidation des institutions de la société
civile étant un point d’appui important pour toute aspiration
à un monde meilleur vu que cette société civile
est la plus qualifiée aujourd’hui tant au niveau de la
théorie qu’au niveau de la pratique à contrecarrer les
politiques des gouvernements visant à perpétrer la
domination d’une minorité et l’exclusion de la grande
majorité.
- La création d’un réseau régional capable
d’agir et de mobiliser les masses est d’une importance première
pour la réussite de toute approche d’unir les peuples de la
région.
Donc, je suis ici avec l' espoir que tous les participants nous
comprennent et soient l'écho de notre voix opprimée sur
les rives de la Méditerranée .
Réfléchissons-nous tous, comme des sociétés
civiles avant que les gouvernements trouvent une solution
équitable au problème de Sahara Occidental, à
respecter les droits de l’homme , à assurer les libertés
fondamentales, à protéger les citoyens Sahraouis
qui défendent leur cause pacifiquement et à
libérer les prisonniers politiques et défenseurs de
droits de l’homme Sahraouis.
Finalement avant de terminer, je veux me présenter en bref.
Je suis vice-présidente de l’Association sahraouie des victimes
de violations graves de droits de l’homme perpétrés par
l’état Marocain, fondée en mai 2005 et qui n’est pas
reconnue par le Maroc. Je suis une citoyenne sahraouie qui a
vécu dans sa propre chair les atrocités de l’oppression
qui continue de régner au Sahara Occidental, territoire non
autonome soumis à l’invasion marocaine depuis le 31 octobre
1975. En effet, j’ai été séquestrée le 22
novembre 1987, à la veille de la visite de la Commission
technique de l’ONU chargée d’évaluer les besoins
pour la tenue du Référendum d’autodétermination au
Sahara Occidental. J’ai été parmi 70 personnes,
hommes et femmes, disparues pendant plus de trois ans et demi dans des
conditions effroyables. Mal nourries, mal vêtues, les yeux
bandés , constamment soumises à la torture par des
méthodes les plus brutales et les plus inimaginables. A ces
séances participaient même des chiens dressés dans
le but d’anéantir notre détermination.
Mais ce qui continue de chagriner mon cœur c’est la disparition
forcée de ma grand-mère, Fatimatou Abbaad, disparue
depuis sa détention en 1989 à l'age de 60 ans. Ma
grand-mère, que nous appelons Amma, en signe de
chérissement, représentait tout pour moi. C’est elle qui
était le père, la mère, l’éducatrice et
l’amie attentive.
Je continuerai à lutter avec toute ma force et ma
détermination pour connaître le sort de Amma Chérie
et de tous les disparus sahraouis qui se comptent par milliers. Les
autorités marocaines continuent de nier leur existence .
Merci
--> vois aussi le Témoignage
de Mme ID JIMMI EL GHALIA lors des premières auditions publiques
alternatives des victimes des années de plomb organisées
par l'Association marocaine des droits humains, AMDH, le 12.02.05
à Rabat.
[HOME]