LETTRE adressée à:
Madame Benita Ferrero-Waldner, Commissaire Relations extérieures et politique européenne de voisinage,
Josep Borrell Fontelles, Président du Parlement Européen,
Jean-Claude Juncker, Premier Ministre du Luxembourg et Président du Conseil Européen.
8 juin 2005
Cher Président,
Les graves événements qui ont eu pour théâtre les territoires du Sahara Occidental occupés par le Maroc m'amènent à vous écrire dans l'urgence. En effet, les autorités marocaines y poursuivent, depuis le 21 mai 2005, une répression féroce et sans discernement contre des populations civiles sahraouies sans défense. Ces populations ont commis pour seul péché de manifester pacifiquement pour revendiquer le respect du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, et leur droit à la liberté d'opinion et de mouvement.
Le bilan de la répression est lourd : Des blessés dont plusieurs graves, plusieurs dizaines d'arrestations, des cas de disparition. En outre, la torture y est devenue une pratique courante et systématique, des domiciles ont été violés, les biens saccagés ou détruits et leurs propriétaires sahraouis expulsés.
Les images révoltantes de femmes bâillonnées, de jeunes piétinés par les forces de l'ordre marocaines transmises par des télévisions européennes, sont la preuve irréfutable de l'ampleur de cette répression qui n'a épargné aucune catégorie de la population sahraouie où qu'elle se trouve.
Il est évident qu'une telle situation est appelée à perdurer et malheureusement à s'aggraver tant il est vrai que ces manifestations au-delà de la frustration et de la déception qu'elles véhiculent face à la passivité de la Communauté Internationale et l'abdication de l'ONU sont avant tout l'expression d'un rejet, on ne peut plus clair, de trois décennies d'occupation et de faits accomplis par la colonisation marocaine. On ne dira jamais assez que le conflit du Sahara Occidental est un problème de colonisation justiciable de l'exercice par le peuple sahraoui de son droit inaliénable à l'autodétermination et que le Maroc par son intransigeance, par son refus déclare de respecter et d'appliquer les résolutions pertinentes de l'ONU et du Conseil de Sécurité notamment le Plan de Règlement de 1991, et du Plan de Paix pour l'autodétermination de peuple du Sahara Occidental dit « Plan Baker », a réduit à néant les importants efforts déployés par la Communauté Internationale. Le Maroc a empêché ainsi l'avènement d'une solution démocratique juste et pacifique du conflit.
L'Union Européenne ne peut et ne doit pas rester indifférente à la tragédie subie par le peuple sahraoui et aux forfaits perpétrés par le Maroc à l'endroit de celui-ci. Ceci est d'autant plus que le Maroc est le pays qui reçoit le plus d'aide européenne de tous les pays du Maghreb, et maintient sur pied de guerre une armée de plus de 150,000 soldats au Sahara Occidental.
L'Union Européenne laissera-t-elle faire indéfiniment le Maroc alors qu'il est lié à celle-ci par des accords d'association dont il viole les termes notamment ceux qui sont relatifs au respect des droits de l'homme et de la démocratie, en réprimant des populations qui manifestent pacifiquement, et en bloquant impunément le droit à la libre expression du peuple sahraoui consignés dans la charte et dans les résolutions de l'ONU ?
L'Union Européenne va-t-elle encore continuer sa coopération avec le Maroc ignorant sa politique de violation du droit et de la légalité internationale en signant de nouveaux accords de pêche et encourageant des investissements impliquant le territoire du Sahara Occidental illégalement occupé par celui-ci ?
Il n'est plus un secret que des aides de l'Union Européenne sont détournées par le Maroc pour renforcer son dispositif militaire au Sahara Occidental avec des Radars et du matériel électronique sophistiqué.
Il va sans dire que la poursuite de ce conflit entretient l'instabilité et l'insécurité dans le Maghreb, et hypothèque une coopération féconde intermaghrébine. L'Union Européenne peut toujours avoir une contribution positive et active dans sa solution juste et pacifique basée sur le respect du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
La gravité de la situation au Sahara Occidental exige de l'Union Européenne une action urgente pour éviter le pire, et conjurer les dangers :
L'Union Européenne doit condamner la politique de répression et d'oppression menée par le Maroc contre les populations civiles au Sahara Occidental.
L'Union Européenne doit demander au Maroc de cesser ses exactions et ses persécutions à l'endroit de ces mêmes populations. Elle doit exiger du Maroc de libérer tous les détenus politiques, de cesser les pratiques de torture, et d'annuler les procès iniques contre les sahraouis.
L'Union Européenne doit exiger du Maroc le respect de la liberté de mouvement, d'expression et de lever l'état de siège imposé aux territoires occupés du Sahara Occidental, et permettre le libre accès de ce dernier à la presse, aux observateurs indépendants.
Nous sommes en droit d'attendre de l'Union Européenne qu 'elle diligente une enquête pour que toute la lumière soit faite sur les événements tragiques qui se déroulent au Sahara Occidental.
Dans cette attente, acceptez Monsieur le Président, l'expression de ma très haute considération.
Mohamed
Abdelaziz
Secrétaire Général du Front POLISARIO
Président de la République Arabe Sahraoui
Démocratique
N.B. Je vous prie de faire parvenir le contenu de cette lettre aux pays membres de l'Union Européenne.