Mesdames, Messieurs ,
Ma visite au Palais des Nations Unies, et ma présence à
ce Conseil des droits de l'homme font partie de la Campagne
internationale de mobilisation qui m'a conduit dans plusieurs pays
comme la Suède, l'Espagne, en Belgique, et notamment au
Parlement européen, l'Italie, l'Afrique du sud, et je
viens tout juste d'achever une visite aux Etats-Unis d'Amérique.
Cette campagne a pour but de sensibiliser l'opinion internationale et
dévoiler les violations flagrantes perpétrées au
quotidien par le Maroc contre les citoyens civils sahraouis dans les
territoires du Sahara Occidental occupés illégalement par
le Maroc depuis le 31 octobre 1975.
Mesdames, Messieurs,
Je vous confirme que la situation des droits de l'homme au Sahara
Occidental occupé est très préoccupante et, jour
après jour devient plus grave et la vie des défenseurs
sahraouis des droits de l'homme plus menacée.
Les forces d'occupation marocaines font régner la terreur depuis
leur invasion du Sahara Occidental en 1975. Elles ont installé
un dispositif policier et militaire impressionnant, pour
bâillonner nos libertés, pour nous interdire de manifester
et nous exprimer librement.
Moi qui vous parle j'ai vécu dans ma chair et dans ma
dignité les horreurs indescriptibles dans les bagnes secrets,
j'ai subi des tortures physiques et psychiques, j'ai été
déportée à l'âge de 20 ans pendant 3
années et 7 mois ( 1987- 1991). J'ai passé toute
cette longue période avec des yeux bandés sans
traitements médicaux, sans douche avec une mauvaise alimentation
et une nourriture pleine d'insectes, menacée tout le temps
de viols. Ma famille me comptait parmi les morts, car elle
ne savait rien de moi dès le moment de mon
enlèvement où elle a perdu toute information sur mon
sort, quant à moi, j'étais complètement
isolée du monde extérieur.
Après l'enfer vécu, les autorités marocaines, pour
me réduire au silence m'ont privé de mon droit au
passeport pendant plus de quinze ans. Elles ont gelé mon salaire
au mois d'avril 2005, et de nouveau m'ont arrêté en juin
2005 après être tabassée et torturée en
plein public par le célèbre tortionnaire
marocain (Ichi Abou Hassan ), ce qui m'a causé de
graves blessures au niveau de la tête, et qui ont eu onze points
de sutures et 03 fractures costales.
De la salle d'urgence à l'hôpital d'El Aiun
occupée, j'étais enlevée sans que ma famille soit
informée. J'ai passé trois jours d'interrogatoires
continus au centre de la police judiciaire marocaine, et sur la base
d'un dossier d'accusation falsifié et non authentique que je
n'ai pas lu, ni signé. J'ai purgé 7 mois ferme à
la fameuse prison noire d'El Aiun avec un groupe de 9 défenseurs
sahraouis des droits de l'homme et des dizaines de détenus
politiques sahraouis. Lors de cette détention, nous avons
observé une grève de la faim pendant 51 jours, ce qui
affecta considérablement notre santé qui ne cessa de se
détériorer.
Mon seul et unique crime est d'avoir revendiqué ma
liberté qui est celle de mon peuple sahraoui, et d'avoir
dénoncé les violations des droits de l'homme commises par
l'Etat marocain contre la population civile sahraouie. N'eut
été le soutien et la solidarité de plusieurs
organisations des droits de l'homme et des conscients et nobles dans le
monde, je ne serais peut être pas avec vous aujourd'hui.
Mais mon cas n'est unique car les victimes sahraouis de
répression se comptent par milliers de femmes, d‚ hommes, de
tout âges et même les enfants ne sont pas
épargnés !
Tous sont persécutés, opprimés, agressés
chaque jour. On déplore plusieurs centaines disparus, et
il n'est pas de famille qui n'ait été
endeuillée au Sahara Occidental occupée. Au moment
même ou je vous parle, les forces d'occupation marocaines sont en
train de perpétrer des crimes contre des sahraouis civils
innocents, dans un territoire verrouillé ou les observateurs
étrangers et la presse ne sont pas admis, de nombreuses
délégations ont été refoulées de
l'aéroport d'El Aiun occupée.
Les poursuites, les harcèlements, les intimidations, les
arrestations, la torture et les enlèvements sont quotidiennement
exercés contre les militants sahraouis, et surtout les
défenseurs sahraouis des droits de l'homme. Ces derniers, depuis
des années multiplient leur action pour faire connaître et
dénoncer ces violations. Pour contrecarrer leur activisme,
l'Etat marocain a intensifié les intimidations contre eux. Parmi
les méthodes d'intimidations pratiquées, l'on cite :
1. Interdiction de voyager à l'extérieur pour participer
aux rencontres internationales des droits de l'homme, le premier cas
était celui de M. Noumri Brahim et El Hamed Mahmoud qui devaient
participer aux travaux de la 57ème Session de la
Commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève en
2001. Les autorités marocaines ont interdit, le 27 mars 2003
à une délégation composée de 5
défenseurs sahraouis des droits de l'homme (Khaya Cheikh,
Lekhfaouni Bachir, Noumri Brahim, Gharhi Brahim, Dahhane Brahim,
Sidi Mohamed Daddech) et d'autres membres des familles de disparus
sahraouis (Hamiya Ahmed , Hamma El Qotb, Taghlabout Meimouna, Haddia
Zeidane et d‚autres...) Cette délégation, qui
s'apprêtait à prendre l'avion pour Genève afin de
participer à la campagne internationale
« Liberté et justice pour les disparus
sahraouis » lancée par le Bureau international pour
le respect des droits de l'homme au Sahara Occidental (BIRDHSO) a
été arrêtée à l'aéroport
Mohamed V de Casablanca par des éléments des services
sécuritaires marocains (DST), leurs passeports, leurs billets
d'avion et d'autres documents ont été confisqués
jusqu'à aujourd‚hui.
2. Les interrogatoires :
Les défenseurs sahraouis des droits de l'homme sont souvent
convoqués par la police et interrogés sur leurs
activités.
3. Filature :
Lors de leurs déplacements dans les villes sahraouies ou au sud
du Maroc, les défenseurs sahraouis des droits de l'homme sont
habituellement soumis à une filature bien organisée, et
les autorités marocaines interdisent à la population
sahraouie, dans ces villes de les héberger ou les accueillir.
Les personnes ayant bravé cette interdiction sont souvent
harcelées, interrogées, ou voient leurs salaires non
payés ou même gelés par les autorités
marocaines.
4. Licenciements abusifs :
Comme c'est le cas de M. Moutk El Houssein, Président du Forum
Vérité et Justice, section Sahara, M. Gaoudi Mohamed
Fadel, El Haiba Ahmed Mahmoud, Yahya Mohamed El hafed et d'autres...
5. Gel des salaires :
Les salaires de quelques défenseurs sahraouis des droits de
l'homme ont été gelés, c'est le cas de M. Ali
Salem Tamek, Hmad Hammad, Ismael Brahim et moi personnellement.
6. Déportation dans les villes marocaines :
Depuis novembre 2001, et après la victoire de la campagne
internationale pour la libération de Sidi Mohamed Daddech et les
prisonniers politiques sahraouis à laquelle ont participé
activement les défenseurs sahraouis des droits de l'homme.
L'Etat marocain a procédé au transfert abusif aux villes
marocaines des défenseurs sahraouis des droits de l'homme.
Cette politique a pour but de les éloigner du Sahara Occidental,
et par la suite de les soumettre à des condition de vie
très difficile. Les Défenseurs sahraouis
déportés sont :
- El Moutawakil Mohamed, de la ville d‚Assa au sud du Maroc à Casablanca
- Hmad Hammad d‚El Aaiun à Trfaya au sud du Maroc
- Tamek Ali Salem d‚Assa au sud du Maroc à Meknes
- Abdedayem Mohamed d‚Assa au sud du Maroc à Taounat
- El Hamed Mahmoud d‚El Aiun à Casablanca
- Jaim Mohamed d‚El Aiun à Benguerir, près de
Marrakech Lidri El Houcein de la ville de Goulimin au Sud du
Maroc à Chichaoua, près de Marrakech
- Latif Allal d‚El Aiun à Erfoud, près de Rachidiya
- Igilid Hammoudi d‚El Aiun à Gallat Sragna
- Sidi Saili de Boujdour à Benguerir
- Lekhal Mohamed Salem de Boujdour à Safi et d'autres....
7. Confiscation des biens :
Les autorités marocaines confisquent le plus souvent les
caméras vidéo, les appareils photo, les portables, les
ordinateurs et les documents, et dernièrement on a doté
une mesure d'intimidation particulière, il s'agit de la
confiscation des voitures ou des papiers des défenseurs
sahraouis des droits de l'homme. C'est le cas par exemple de Baamar El
hafed, Ghaoudi Mohamed Fadel, Hmad Hammad, Allal Latif, Smael Brahim,
et moi-même.
Il y a d'autres intimidations comme les menaces d'élimination
physique à travers des appels téléphoniques. Le
refus de recevoir le dossier administratif de constitution
légale des associations comme c'est le cas de l'Association
sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'homme
commises par l'Etat du Maroc. Cette ONG a fait recours auprès du
tribunal administratif, son siège à El Aiun a
été perquisitionné par la police marocaine et ses
biens documentaires ont été confisqués.
8. Les arrestations arbitraires de 2005 :
Arrestations ou jugements des 10 défenseurs sahraouis qui sont
Ali Salem Tamek, Moutawakil Mohamed, Lidri El Houcine, Noumri Brahim,
El Arbi Massaoud, Sidi Sailli, Brahim Dahhane, Hmad Hammad, Bougarfa
Abderrahmane et moi également. Quant à Ghaoudi Mohamed
Fadel, il a été libéré 72 heures
après.
9. La torture :
Lidri El Houcine et Noumri Brahim, après leur arrestation ont
été sauvagement torturés dans un centre de
détention secret. Moi et Hmad Hammad, nous étions
tabassés à mort par le tortionnaire marocain Ichi Abou
Hassan dans la voie publique.
En 2006, arrestation et jugement du défenseurs sahraoui des
droits de l'homme, Brahim Sabbar et arrestation du défenseur
Ettarouzi Yahdih.
Le défenseur sahraoui des droits de l'homme Ali Salem Tamek est
interdit, sur ordre des autorités marocaines d'accéder au
territoire du Sahara Occidental.
Mesdames, Messieurs,
Depuis le 04 septembre, des dizaines de prisonniers politiques
sahraouis parmi lesquels des défenseurs des droits de l‚homme
observent une grève de la faim illimitée en protestation
contre leurs conditions carcérales déplorables, et sont
répartis entre la prison noire d'El Aaiun occupée, Ait
Melloul, Inzagane à Agadir et Kenitra.
Depuis le 21 mai 2005, date du déclenchement du
soulèvement populaire aux territoires occupés du Sahara
Occidental et au sud du Maroc, la population sahraouie est l'objet
quotidiennement de violations flagrantes des droits de l'homme
perpétrées par les forces de la répression
marocaines.
Je suis, donc ici pour exprimer un cri de douleur, et pour transmettre
un appel urgent et un message pressant à la communauté
internationale à travers ce Conseil des droits de l'homme, dont
le Maroc est membre. Nous chérissons la liberté, la paix
et la justice. A la violence policière, à la
barbarie de l'occupation marocaine, nous opposons la résistance
pacifique avec des moyens légaux et civilisés.
Nous sollicitons toutes les organisations des droits de l‚homme, toutes
les consciences libres de par le monde d'intervenir auprès des
autorités marocaines pour exiger d'elles le respect des droits
de l'homme et la légalité internationale au Sahara
Occidental.
Je vous sollicite aussi d'intervenir auprès du Maroc pour la
libération immédiate et inconditionnelle des
défenseurs sahraouis des droits de l'homme, des
détenus politiques sahraouis, et d'éclaircir le sort
inconnu de plus de 500 sahraouis disparus depuis 1975, civils et
prisonniers de guerre.
- La création, dans les plus brefs délais d'un
mécanisme de prise en charge par l'ONU de la protection des
civils sahraouis et de la préservation de leurs droits
fondamentaux, notamment à la liberté d'expression, de
réunion, d'association et de mouvement.
- Permettre l'accès du territoire sahraouis aux médias,
aux observateurs et aux ONG, et l'application, dans les plus brefs
délais, du droit international et des résolutions
onusiennes qui permettraient au peuple sahraoui de choisir librement
son destin à travers l'organisation d'un
référendum libre et démocratique.
La Communauté internationale, avec son silence a
d'énormes responsabilités dans notre drame. Il est temps
de mettre fin à cette injustice cruelle faite au peuple sahraoui
depuis plus de 30 ans.
Je vous remercie.
Genève, 28.0.06