En 1974, la situation est à un tournant. La position de
l'Espagne sur le plan international, devient difficile. Au Maroc, le
roi Hassan II doit faire face à des difficultés
internes, et les partis politiques ne manquent pas de l'attaquer sur
la "question du Sahara". Les deux pays doivent prendre acte du
renforcement du Polisario qui, sans bruit ( sinon celui des armes )
les a pris en contre-pied. L'attente n'est plus une tactique
efficace. Alors, les prises de position se succèdent.
Le gouvernement espagnol prend la décision, le 12 juillet
1974, de mettre en application un projet conférant au Sahara
Occidental un statut d'autonomie interne.
L'Istiqlal reprend alors avec force sa campagne pour la
récupération des territoires occupés. Le 20
août, Hassan II, dans un discours officiel, déclare
qu'il s'opposera à un éventuel référendum
au Sahara.
Le jour suivant, le gouvernement espagnol modifie son projet initial
mais s'engage à organiser un référendum avant
juillet 1975.
La tension ne cesse de s'accroître jusqu'à ce que, le 17
septembre, Hassan II annonce le recours à la Cour
Internationale de Justice de la Haye. Il veut qu'elle se prononce sur
les droits historiques du Maroc au Sahara Occidental. Le Maroc ne
cesse pas pour autant ses manoeuvres. Trouvant dans l'Algérie
un opposant absolu à toute solution contraire aux principes de
l'O.N.U et de l'O.U.A, autodétermination des peuples et
intangibilité des frontières héritées de
la colonisation, le Maroc prend contact avec l'Espagne et la
Mauritanie qui, entre temps, s'est remise à revendiquer "son"
Sahara.
En octobre 1974, lors du sommet arabe de Rabat, un accord secret est
conclu entre Hassan II et Ould Daddah. Ainsi la
délégation mauritanienne appuie, à la
29ème session de l'O.N.U., en 1974, la démarche
marocaine visant à dessaisir l'Assemblée
Générale du dossier sahraoui pour le remettre à
la Cour de La Haye. Cette démarche rencontre l'opposition
espagnole mais, à la fin de l'Assemblée
Générale, le 13 décembre 1974, est
adoptée une résolution et, sans préjudice de
l'application du principe de l'autodétermination, il est
demandé à la Cour de La Haye un avis consultatif sur la
question suivante: "Le Sahara, au moment de la colonisation
espagnole, était-il une terre sans maître ? et si non,
quels étaient ses liens juridiques avec le Maroc et la
Mauritanie?".
L'Assemblée charge enfin un comité spécial
d'étudier la situation dans le territoire et de
préparer une mission de visite. Cette mission spéciale
de l'O.N.U., composée de représentants de trois pays,
la Côte d'Ivoire, Cuba et l'Iran, arrive dans la région
au mois de mai 1975.
Le 12 mai, à El Ayoun, à l'occasion de la manifestation
populaire organisée pour accueillir la mission, une
écrasante majorité des présents proclame son
soutien au Front Polisario et revendique l'indépendance du
pays.
Les manifestations se succèdent et toutes mettent en
évidence une prise de conscience politique de la population.
Le "parti espagnol", le P.U.N.S., se révèle comme ayant
une réalité populaire pratiquement nulle.
La délégation de l'O.N.U. poursuit sa visite au Maroc.
Le Morehob et le F.L.U. lui sont présentés comme
mouvements de libération mais ils n'arrivent guère
à présenter leurs "mouvements". En Algérie, dans
les premiers camps de réfugiés, vers Tindouf, le
soutien au Front et à l'indépendance se manifeste
à nouveau. En Mauritanie, malgré la mise en
scène des autorités mauritaniennes des manifestations
de soutien au Front sont mises en évidence.
Le rapport de cette mission de visite de l'O.N.U. est rendu public le
15 octobre 1975. Après avoir rappelé les positions des
parties concernées et intéressées, le rapport
reconnaît, à propos des opinions de la population
elle-même, que «la quasi unanimité s'est
prononcée en faveur de l'indépendance et contre les
revendications du Maroc et de la Mauritanie" et il ajoute que "le
Front Polisario qui était comme clandestin jusqu'à
l'arrivée de la mission est apparu comme la force politique
dominante dans le territoire. Partout dans le territoire la mission a
assisté à des manifestations de masse en sa faveur".
Quant aux conditions de règlement du problème, la
mission se prononce pour une consultation libre de la population.
Elle reconnaît la responsabilité de l'Espagne dans le
processus de décolonisation et la nécessité
d'éviter toute initiative visant à changer le statu-quo
dans le territoire.
Le lendemain de cette publication, la Cour Internationale de Justice
de La Haye rend public l'avis consultatif. Tout d'abord la Cour
affirme que le Sahara Occidental n'était pas un territoire
sans maître ( terra nullius ) au moment de la colonisation
espagnole. Quant à la question des liens entre le Sahara et
les pays voisins, la Cour reconnaît l'existence, "au moment de
la colonisation espagnole, de liens juridiques d'allégeance
entre le sultan du Maroc et certaines tribus vivant sur le territoire
du Sahara Occidental". Elle reconnaît également
"l'existence de droits y compris certains droits relatifs à la
terre, qui constituaient des liens juridiques entre l'ensemble
mauritanien, au sens où la Cour l'entend, et le territoire du
Sahara Occidental." Par contre la Cour conclut que les
éléments et renseignements portés à sa
connaissance n'établissent l'existence d'aucun lien de
souveraineté territoriale entre le Sahara Occidental et le
Maroc ou la Mauritanie. En conclusion la Cour affirme qu'il n'existe
aucun lien pouvant remettre en cause la résolution de l'O.N.U.
de 1960 relative à la décolonisation et à la
nécessité de "l'application du principe
d'autodétermination grâce à l'expression libre et
authentique de la volonté des populations du territoire".
SUITE: 7. L'accord de Madrid