ORIGINAL : AL WATAN, Casablanca, n° 217, 28 octobre 2006, p. 18. (PDF)
Traduction Ali Omar Yara, Paris, le 4 novembre 2006
Naâma Asfari, président du « Comité pour
le respect des libertés et des droits humains au Sahara
Occidental » (CORELSO), pense que le problème du Sahara
occidental est « un problème politique international dont
la solution ne peut être que l’octroi au peuple sahraoui du droit
de s’exprimer par lui-même ».
Entretien réalisé par Mohamed Salem Dahi.
Question: Nous souhaitons, connaître votre travail
et, ensuite, connaître l’action et la finalité du «
Comité pour le respect des libertés et des droits humains
au Sahara Occidental »?
Réponse: L’idée de la création du CORELSO,
inspirée par les récents événements que la
région a connus depuis mai 2005, émane d’un groupe de
Sahraouis et de Français résidant en France. Ce «
Comité » dans ses statuts et certains de ses documents se
donne un double objectif : 1° Agir en coordination avec d’autres
associations européennes, préoccupées par la
défense des droits humains dans son ensemble, notamment celles
qui s’intéressent aux problèmes des droits humains au
Sahara Occidental. Le cadre global dans lequel ce Comité agit
part de la perception universelle des droits de l’homme ; 2°
S’intéresser aux problèmes des libertés publiques
et des droits humains. Ces deux questions, des libertés
publiques et des droits humains, sont, consignées dans les
documents et lois à caractère soit obligatoire soit non
obligatoire.
Pour faire valoir ses droits, il existe dans le cas du Sahara
occidental, des instruments du droit international relatif aux droits
humains, au droit international humanitaire et au droit international
général. C’est ainsi, dans le cadre de ces
réglementations juridiques, que notre Comité travaille.
Je me trouve donc dans l’obligation, en tant que spécialiste de
l’appréciation de la question des libertés publiques et
des droits humains, de me référer à ces
instruments légaux, vu la nature de la situation juridique du
« Sahara occidental » en tant que « territoire
non-autonome », comme le qualifient et le confirment tous les
rapports de l’Assemblé générale, les
résolutions du Conseil de Sécurité, et de la Cour
Internationale de Justice.
Q: Comment voyez-vous la situation du droit humain au Sahara et
évaluez-vous le rapport du Haut Commissariat des Nations unies
aux droits de l'Homme (HCDH, Genève le 8 septembre 2006. ndt) ?
R: Comme vous le savez, la violation des Droits humains dans le
territoire est liée à l’expansion militaire et politique
que la région a connue depuis 1975. Notre comité,
récemment créé, est attentif à ce qui se
passe, depuis mai 2005 dans cette région « qu’occupe le
Maroc ». C’est à partir de cette date que des
manifestations pacifiques adoptant des slogans politiques revendiquent
le respect des droits humains et des libertés publiques et, en
premier, le droit fondamental et existentiel : le droit
d’autodétermination. Or, ces manifestations ont
été empêchées et entravées ; des
violations ont été commises parmi lesquelles l’usage
inapproprié de la force ; la charge sur les manifestants, les
arrestations abusives, les jugements expéditifs. Bref, des
violations du droit d’exercer des droits élémentaires
comme le droit d’expression et d’opinion, et celui de manifester
pacifiquement. Depuis mai 2005, la revendication des droits de nature
politique exige que notre comité, dans la limite des instruments
et lois internationales que j’ai évoqués
précédemment, milite pour le respect de tous les droits
et de toutes les libertés.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, nous
confirmons les termes du rapport du HCDH, disant que toutes les
violations qu’il évoque et explique sont liées
fondamentalement à la revendication du droit
d’autodétermination. C’est un droit inscrit dans la charte des
Nations Unies, confirmé par deux traités internationaux
relatifs aux droits fondamentaux. Je considère, en
qualité de juriste et activiste des droits humains, que le
Rapport général est juste au regard des violations qu’il
a décrites dans la situation politique dans la région,
notamment les violations relatives au droit d’autodétermination
du peuple sahraoui. Je veux aussi émettre des réserves
sur la réponse officielle marocaine, à travers le
Ministère des affaires extérieures, qui qualifie
d’illusoire l’appréciation d’un spécialiste de terrain.
Le rapport montre, en effet, que la violation des droits humains et
libertés fondamentales et le droit d’autodétermination
est une question naturelle et objective dans un cas comme celui du
Sahara occidental.
Q: Comment expliquez-vous les entraves dont vous avez été l’objet récemment ?
R: J’ai
assisté, dans le cadre légal, en tant qu’activiste et
défenseur des droits humains, admis par tous, à toutes
les transformations et les violations dont la masse sahraouie a
été victime, depuis mai 2005. J’ai assisté,
accompagné par un groupe international, à la
majorité des jugements des tribunaux que la région a
connus, et dont les derniers ont été effectués le
11 octobre 2006 dans la ville d’Aiun, et celui du 19 septembre à
Agadir... Cette responsabilité m’oblige à être
présent sur le terrain pour observer tout acte relatif aux
violations des droits humains et soutenir à la fois les victimes
et leurs familles, conformément aux textes internationaux et
confirmés par les lois marocaines. Dans mes actions, j’ai
été confronté à de nombreuses entraves
irresponsables et provocatrices ainsi j’ai été
arrêté le 5 octobre 2005 à l’entrée de la
ville de l’Aiun, accompagné par deux amies
étrangères de nationalité hongroise, durant plus
de 4 heures. J’ai été également
arrêté le 9 octobre 2006 à 21 heures, conduit au
poste de la politique judiciaire et relâché par la suite
sans explications, ni motifs sérieux justifiant la raison de mon
arrestation. Seule une allusion m’a été adressée
verbalement, à un ensemble d’accusations, sans fondements.
Ensuite, on m’a confisqué ma voiture, mon
téléphone mobile, ainsi que mon appareil photo personnel
Tout cela, sans le moindre respect des réglementations d’usage.
J’ai donc déposé une plainte détaillée de
toutes ces entraves au procureur général de l’Aiun.
J’ajoute à cela les campagnes qui tentent d'induire des
informations erronées sur la vraie nature de mon travail
légitime pour justifier de pratiques et de mauvaises intentions
inavouées qui me visent personnellement. Or, toute personne
issue de cette région qui agit et défend les droits
humains, en toute transparence et conviction, mérite respect et
considération.
Q: Est-ce
que la parité sur le respect des droits humains peut contribuer
à trouver une solution définitive au problème du
Sahara ? Que pensez-vous de la recommandation du Secrétaire
général des Nation-Unies, consignée dans son
dernier rapport au Conseil du Sécurité, invitant les deux
parties à respecter les droits humains ?
R: Là,
il faut que vous preniez en considération le fait que le
problème du Sahara occidental est un problème politique
international, il est par sa nature juridique liée aux
résolutions des Nations Unies qui insistent sur le fait que sa
solution doit passer par l’expression du peuple sahraoui à
l’autodétermination, ce qu’on trouve d’ailleurs dans tous les
rapports du Secrétaire général et celui du HCDH.
Ces rapports rattachent tous les problèmes relatifs aux
violations des droits humains à la tenue d’un
référendum juste et impartial qui permette aux Sahraouis
d’exercer leur droit d’autodétermination en toute
liberté, pour choisir soit l’indépendance, soit le
rattachement au Maroc, ou encore tout autre forme
d’autodétermination régie par la légalité
internationale. Je témoigne en tant qu’activiste juridique
sahraoui, en l’absence d’instruments opérationnels pour la
protection des civils sahraouis depuis le début du processus de
paix unisien-OUA en 1991. La force d’interposition du MINURSO n’a pas
donné des garanties juridiques claires, ni pour observer les
violations des droits humains, ni en faveur de la protection des civils
sahraouis. Sachant qu’il s’agit d’une demande essentielle de tous
défenseurs des droits humains. Il me paraît, après
lecture que les derniers rapports du Secrétaire
général des Nations Unies et de son envoyé
spécial, tentent d’imposer ou de pousser aux négociations
directes, sur d’autres bases qui annulent ce qui précède
légalement. Car contraire à la légitimé
internationale qui, elle, exige, des Nations Unies le respect des lois
juridiques émanant des recommandations de l’Assemblée
générale et des résolutions du Conseil de
sécurité relatives au droit du peuple sahraoui à
l’autodétermination.
En ce qui concerne la tentative que le Secrétaire
général s’efforce d'inculquer, et celle de son
envoyé spécial relative à la nouvelle situation
politique, la réalité et la vérité sur le
terrain prouvent que la résistance civile légitime
déclenchée en mai 2005, qui n’est pas absente de ses
rapports (Rapport du Secrétaire général sur la
situation concernant le Sahara occidental, S/2006/249, 19 avril 2006
ndt), est une réalité qu’il faut d’ailleurs prendre en
compte.
Je suis étonné que la justification de la situation
politique, donnée par le Secrétaire général
dans son rapport, concernant l’accord de pêche conclu entre le
Maroc et la Communauté Européenne, incluant les
côtes du Sahara occidental, oublie que l’accord de « libres
échanges » conclu entre le Maroc et les Etats-Unis exclut
clairement les territoires du Sahara occidental.
©AL WATAN, Casablanca, n° 217, 28 octobre 2006, p. 18.
Traduction Ali Omar Yara, Paris, le 4 novembre 2006.