Blogpost par Kerry
Kennedy sur Huffington Post, le 27-08-2012 (original
en anglais) ( trad. italiano)
( traducción al español):
Un accrochage avec la police secrète marocaine à El
Ayoun, au Sahara Occidental occupé par le Maroc
traduction par Nico
En dépit de ses habits civils, on ne pouvait pas se tromper sur
la qualité de policier de l’homme qui s’est
précipité vers le siège avant droit de la Toyota,
pour aveugler l’objectif du Nikon de ma fille Mariah, âgée
de 17 ans. Ceci pour l’empêcher de photographier les coups que
donnaient ses collègues, en uniforme et en civil, sur une femme
à terre. Mais Mariah fut plus rapide que lui, alors il
s’avança davantage pour tenter de s’emparer de son appareil, lui
éraflant le visage. Mariah s’en est bien sortie. Ce qui
n’était pas le cas de la femme à terre.
Quelques heures plus tard, la directrice de Front line Defenders, Mary
Lawlor, et Eric Sottas, membre fondateur de l’Organisation mondiale
contre la torture, se sont rendus à l’hôpital local,
où ils ont visité la victime, ensanglantée et
meurtrie, Soukheina Jad Ahlou, Présidente du Forum pour l’avenir
de la femme Sahraouie.
Comme témoins, nous n’étions pas
seuls. Un groupe de
femmes vêtues de mellafas multicolores – l’habit traditionnel des
femmes sahraouies : un tissu imprimé long de 6 mètres qui
enveloppe le corps de la tête aux pieds –entouraient leur
compagne de manifestation tandis que les policiers les haranguaient.
Nous avons vu un policier local en uniforme bleu. Et puis il y avait le
petit groupe de brutes que les défenseurs locaux des droits
humains ont identifiés pour nous comme des membres de la DST
(Direction de la Surveillance du territoire), l’équivalent
marocain de la Stasi. En outre, il y avait les deux informateurs en
civil qui nous avaient suivis toute la journée – quand Mariah
les a pris en photo, ils ont essayé de couvrir leur visage et
l’un d’eux s’est caché derrière la voiture. Deux des
brutes se sont plantés devant les fenêtres de notre
voiture, bouchant partiellement la vue des coups qui pleuvaient. Un
troisième injuriait Mariah, l’appelant d’un nom que je ne peux
reproduire, et bouchant sa caméra avec sa main.
Aminatou Haidar, la lauréate du Prix RFK (Robert F.Kennedy) des
Droits de l’homme, a tout de suite reconnu les brutes de la DST. L’un
d’eux, moustachu et chauve, s’appelle Al Hasoni Mohammed ; c’est le
même qui, il y a quelque temps, a accosté son fils de
treize ans en le menaçant : « Je vais te violer
jusqu’à ce que tu restes paralysé ! »
Connue comme la « Gandhi Sahraouie », Aminatou est l’un des
plus éminents défenseurs des droits humains au Sahara
Occidental. Depuis 20 ans, elle s’est engagée dans la
résistance non-violente à l’occupation marocaine de son
pays. Les autorités marocaines l’ont arrêtée
illégalement, l’ont emprisonnée, l’ont battue, l’ont
torturée et l’ont menacée de mort. Elle a passé
quatre années et demie à l’isolement, les yeux
bandés. En dépit de ces terribles sévices, elle
considère les citoyens marocains comme ses frères, et
maintient avec courage son engagement non-violent, prônant la
libération des prisonniers de conscience, cherchant à
renforcer les mécanismes de défense des droits humains
dans son pays, et demandant que le référendum
d’autodétermination – approuvé par les deux parties il y
a déjà plus de deux décennies, qui doit permettre
au peuple du Sahara Occidental de choisir son sort – ait enfin lieu.
La violence à laquelle nous avons assisté ne constitue
pas un incident isolé. Nous avons rencontré une douzaine
de femmes dont les garçons et les maris ont été
roués de coups et mis en prison au seul motif de leur activisme
pacifique. Nous avons rencontré un groupe d’hommes qui nous ont
montré des vidéos amateur où des manifestants
non-violents ont été harcelés, frappés
à coups de pieds, battus à coups de matraques par des
policiers en uniforme et par d’autres en civil. Nous avons aussi
rencontré un groupe d’avocats qui nous ont dit que, depuis 1999,
ils avaient eu à défendre des Sahraouis dans 500 cas
semblables à celui auquel nous venions d’assister : des
manifestants pacifiques meurtris, ensanglantés, parfois
tués, et toujours, toujours accusés de quelque crime. Au
long de toutes ces années, les tribunaux n’ont acquitté
que trois victimes sahraouies.
Les représentants locaux du gouvernement marocain ont
prétendu que Soukheina Jad Ahlou n’avait pas été
battue, et que toute l’affaire était du cinéma. Cela ne
nous a pas paru être du cinéma. Ses blessures et son
visage tuméfié étaient tout ce qu’il y a de plus
réel.
Nous sommes ici pour une semaine avec une délégation
du Centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits humains
afin d’évaluer la situation des droits de l’Homme à la
fois dans le Sahara Occidental occupé par le Maroc et dans les
camps de réfugiés, du côté algérien,
où vivent les Sahraouis déplacés. Nous avons eu un
premier aperçu en ce premier jour, il nous reste sept jours pour
voir.
Les membres de la délégation sont Kerry Kennedy,
présidente du Robert F. Kennedy
Center for Justice and Human
Rights (États-Unis); Mary Lawlor, directrice de Front Line
Defenders (Irlande);
Margarette May Macaulay, juge à l’Inter
American Court (Jamaïque); Marialina Marcucci, présidente
du Robert
F. Kennedy Center – Europe (Italie); Eric Sottas, ancien
secrétaire général de l’Organisation mondiale
contre la torture (Suisse); María del Río,
administrateur
de la Fundación José
Saramago (Espagne); Santiago
Canton, directeur des RFK Partners for Human Rights, Robert F. Kennedy
Center for Justice and Human Rights (Argentine); Marselha
Gonçalves Margerin, directeur de lobbying, Robert F. Kennedy
Center for Justice and Human Rights (Brésil); Stephanie Postar,
assistant de lobbying, Robert F. Kennedy Center for Justice and Human
Rights (États-Unis); et Mariah Kennedy-Cuomo (États-Unis).
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