[archives arso, publication papier 1991*]

Reflets de la semaine du 21 au 28 septembre 1991 au Sahara Occidental

18.9.91 Parlement européen

Barbara Simons, membre du Parlement européen, présidente de l'Intergroupe parlementaire «Paix pour le peuple sahraoui», a remis à M. Pérez de Cuéllar un appel signé par plus de 200 parlementaires de 14 pays européens, dont 9 Suisses. Cet appel, qui soutient le plan de paix des Nations Unies, demande à celles-ci de permettre le plus rapidement possible à des observateurs internationaux indépendants de se rendre dans le territoire.

21.9.91 Troisième violation du cessez-le-feu

Comme l'indique un communiqué de la RASD des avions militaires marocains ont à nouveau survolé les territoires libérés, cette fois dans la région de Mijek, localité où se trouve un poste d'observateurs de la MINURSO (Ministère d'Information de la RASD, 21.9.91).

21.9.91 Tazmamart, suite...

L'ASDHOM, l'Association de défense des droits de l'homme au Maroc, a indiqué que les 28 rescapés du bagne de Tazmamart ont été transférés dans une prison non officielle au sud de Guercif. Ils auraient ensuite été séparés en deux groupes pour être dirigés soit vers un hôpital pour les plus éprouvés, soit vers une prison officielle. Selon la même association, il reste 785 détenus politiques au Maroc et plus de 800 citoyens séquestrés dans le bagne-forteresse de Kalaat M'Gouna (Le Monde, 22/23.9.91).
Le lieutenant M'Barek Touil, incarcéré depuis 1973 au bagne de Tazmamart a été libéré le 23.9.91. Il est marié à une Américaine (Le Monde, 25.9.91).

21.9.91 M. Johannes Manz à El Ayoun

J. Manz s'est rendu à El Ayoun, accompagné de son adjoint M. Zia Rizvi et de membres de la commission d'identification. Le président de cette commission, M. Macaire Pédanou, s'est rendu le même jour à Tindouf, alors que 23 observateurs militaires arrivaient à Dakhla.

24.9.91 Hassan II au Sahara ?

Hassan II a l'intention de se rendre au Sahara occidental le 6 novembre, date anniversaire de la première "marche verte" de 1975 (El País, 24.9.91).

25.9.91 Quatrième violation du cessez-le-feu

Deux avions de guerre marocains ont survolé la région de Tifarity, annonce le Ministère sahraoui de l'Information.

26.9.91 Hassan II chez Bush

Le roi du Maroc a été reçu à Washington par George Bush. Le président américain a fait l'éloge des mesures de libéralisation économique et politique prises par Hassan II, il a aussi souligné le courage du roi du Maroc d'avoir accepté le plan de paix de l'ONU. Il a affirmé, toujours selon AFP (Le Monde, 28.9.91) que les Etats-Unis souhaitaient jouer un rôle «en accord avec ce plan ».
Selon le «Wall Street Journal» cette visite devrait permettre à Hassan II de discuter avec le FMI du rééchelonnement de la dette extérieure de son pays. Il pourrait aussi obtenir la libre convertibilité de la devise marocaine, le dirham, dès 1993, ce qui rendrait le Maroc beaucoup plus attractif pour des investisseurs potentiels. La même source signale l'imminence d'importants investissements de Motorola, de McDonald et de Westinghouse, ce dernier dans une usine de fabrication d'avions militaires (The Wall Street Journal, 23.9.91).

28.9.91 SMU

Quinze membres de la SMU, la Swiss Medical Unit, sont partis par avion rejoindre les 10 premiers Suisses au Sahara occidental (RSR I, 28.9.91).

28.9.91 Une nouvelle «Marche verte» !

Le nombre de Marocains arrivés au Sahara occidental dans les derniers cinq jours se monte à 30'000.personnes. L'ampleur et l'importance de cette campagne méritent un développement détaillé.

Définition du corps électoral - un enjeu majeur
L'identification des votants est certainement l'enjeu principal de la bataille actuelle: «Une fois connus les votants, on connaîtra le résultat du référendum» a déclaré un fonctionnaire onusien membre du staff de Johannes Manz.

Selon le plan de paix «tous les Sahraouis dénombrés lors du recensement effectué en 1974 par les autorités espagnoles et âgés de 18 ans ou plus auront le droit de vote». La Commission a envoyé un exemplaire du recensement espagnol de 1974 aux deux parties en octobre 1990, en les priant de lui signaler les noms des personnes décédées et les lieux où se trouvent les personnes qui vivent encore.
Le Front Polisario a remis à l'ONU sa liste révisée en avril 1991. Le Maroc a fait parvenir aux Nations Unies en juillet 1991, au lieu de sa liste révisée, deux listes contenant 120'000 noms de présumés Sahraouis, refusant de publier ensuite, comme le prévoit le plan, la liste révisée des votants. Le Front Polisario a procédé le 13.9.91 à l'affichage de la liste électorale établie par la Commission d'identification de l'ONU.
Dès lors les personnes qui ne figurent pas sur cette liste révisée peuvent «demander individuellement par écrit à être inscrit». Les demandes seront examinées par la Commission sur la base de critères qui sont en train d'être définis.
La Commission d'identification a proposé que soient admis comme votants:

Des liens tribaux, raciaux, religieux ou autres ne peuvent servir de critères.

La mise au point définitive de cette procédure fait actuellement l'objet de négociations. La Commission d'identification a rencontré M. Driss Basri, ministre marocain de l'Intérieur et de l'Information et s'est rendue ensuite à El Ayoun le 13.9.91, puis dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf (Algérie), afin de mettre au point les critères d'identification définitifs. Ceux-ci seront connus dans environ deux semaines, estime-t-on à New York.

C'est dans ce contexte que le Maroc, qui avait demandé auparavant à l'ONU que tous les Sahraouis réfugiés au Maroc avant 1975 aient le droit de participer au référendum, s'apprête à transférer au Sahara occidental un certain nombre de Marocains d'origine sahraouie estimé à 170'000 personnes.

Le 23.9. le Front Polisario signalait que des centaines d'autobus réquisitionnés par le gouvernement marocain se trouvaient à Tan-Tan, en vue d'une seconde «marche verte» vers le Sahara occidental

Selon l'agence officielle espagnole de presse EFE citée par «La Provincia» des milliers de présumés Sahraouis en provenance du Maroc sont déjà arrivés au Sahara occidental pour «exiger leur droit de vote lors du référendum».

Ce déplacement de population se poursuit de manière continue. Tous les jours des bus arrivent du Maroc avec de nouveaux chargements de Marocains, qui sont installés dans des tentes où ils reçoivent de la nourriture et de l'eau de la part des autorités marocaines. La source citée ajoute que tout semble préparé pour accueillir beaucoup plus de gens.

La radio locale d'El Ayoun explique que ces nouveaux arrivants, qualifiés de «membres de notre famille, expulsés de leurs maisons avant la décolonisation, retournent au Sahara afin d'exiger leur droit de vote». (La Provincia, Las Palmas de Gran Canaria, 26.9.91).

Le samedi 28 septembre le Ministère de l'Information de la RASD, dans un communiqué urgent, indique que 30'000 «marcheurs» marocains ont pénétré en cinq jours dans le territoire du Sahara occidental. 7'500 personnes, en provenance de la seule région berbère de Taghayiyit, près de Bou Nzarkan, sont arrivées à El Ayoun.

Le gouvernement marocain, ajoute le communiqué, recrute des dizaines de milliers de personnes dans les centres urbains marocains.

La situation est dangereuse. Le Maroc joue un double jeu. Pendant qu'il participe à l'élaboration des critères d'identification, il place l'ONU devant le fait accompli de la présence de dizaines de milliers de personnes qu'il compte utiliser comme masse de manoeuvre. Profitant de la faiblesse des effectifs de la MINURSO, le Maroc cherche à fausser les conditions du scrutin en sa faveur.

En admettant que des Sahraouis résidant au Maroc remplissent les critères élaborés par l'ONU, leur déplacement anticipé au Sahara et dans les conditions illustrées plus haut est à coup sûr inutile et inapproprié, le plan de paix prévoyant une procédure équitable pour leur inscription éventuelle sur la liste des votants.

Si cette seconde invasion du Sahara se poursuit, «on voit mal comment les Nations Unies pourraient continuer à préparer un référendum destiné à déterminer si la population du Sahara décide d'être marocaine ou indépendante» (Libération, 25.9.91), car «... la MINURSO ne pourrait empêcher, avec ses 2800 hommes, une telle invasion. Il ne lui resterait plus qu'à plier bagages, comme les Espagnols l'ont fait en 1975. Le fantôme d'une république sahraouie indépendante serait ainsi définitivement chassé» (Alexander Gschwind, Luzerner Neueste Nachrichten, 25.9.91).

«Est-il besoin de souligner la gravité de la situation et par voie de conséquence l'immense responsabilité qui incombe à la Communauté internationale et au Conseil de Sécurité», écrit le ministère sahraoui de l'Information, ajoutant que "seule une action énergique et rapide de ceux-ci est à même de contraindre le Maroc à mettre un terme à ses pratiques et de sauver les chances d'un règlement pacifique du conflit du Sahara occidental».

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L'intégrale des articles cités.

* [les documents d'archives antérieures à 1995, création du site web, sont publiées au fur et à mesure de nos possibilités]


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