Tribune

Sahara occidental

publié dans Arabies n°216 d'avril 2005.

 

Une mise au point

 

Par Martine de Froberville

 

Sur la base d’une confidence d’une source, anonyme, proche du palais (marocain), sous l’intitulé " L’enjeu pétrolier du Sahara occidental " (Arabies n°214, p.10), vous évoquez la prospection pétrolière menée dans le territoire par la compagnie Total pour le compte du Maroc.

Il est vrai que ce pays, via l'Office national de recherches et d'exploitations pétrolières (Onarep), a signé en octobre 2001, des contrats de prospection pétrolière le long des côtes du Sahara occidental avec plusieurs compagnies étrangères : la société norvégienne TGS-Nopec, la hollandaise Fugro, la française Total-Fina-Elf et l’américaine Kerr McGee ont ainsi été directement ou non impliquées dans ces opérations.

Les trois premières compagnies se sont retirées du territoire en 2003 et 2004. Seule demeure l’américaine Kerr McGee qui pourrait faire de même en raison de la sortie des fonds privés et publics norvégiens investis dans l’exploration.

Indiquer que " le gouvernement algérien tenterait par tous les moyens de saboter l’action des compagnies pétrolières pour prospecter le gaz et le pétrole dans les zones maritimes limitrophes du Sahara occidental " est un mauvais alibi, tout comme prétendre que Total aurait considéré que" son action est conforme aux résolutions de l’Onu et à la souveraineté marocaine dans cette zone non disputée ". Car, ni Rabat qui occupe le territoire depuis 1975, ni Total, impliquées dans ladite prospection, ne peuvent ignorer depuis janvier 2002, les tenants et les aboutissants du droit international dans cette affaire.

En effet au lendemain de l’établissement desdits contrats de prospection pétrolière, le président du conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (Onu) a sollicité l’avis du département juridique de l’organisation " sur la légalité des décisions qu'auraient prises les autorités marocaines concernant l'offre et la signature de contrats de prospection des ressources minérales au Sahara occidental passés avec des sociétés étrangères. ", parmi lesquelles Total est parfaitement identifiée (lettre du 13 novembre 2001).

La réponse du secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, Hans Corell, du 29 janvier 2002 (S/2002/161), ne laisse place à aucune ambiguïté sur le caractère illégal d’une initiative qui ne serait pas engagée au bénéfice du peuple du territoire, en son nom ou en consultation avec son représentant, en l’occurrence le Front Polisario, tenu par l’Onu comme l’unique représentant légitime des Sahraouis. Le territoire du Sahara occidental (ex Sahara espagnol) est considéré depuis 1963 comme territoire non autonome, en dépit de l’Accord de Madrid de 1975, du retrait de l’Espagne depuis 1976, et de l’occupation marocaine.

La souveraineté du Sahara occidental, comme l’ont affirmé la Cour internationale de justice, en octobre 1975 et toutes les résolutions de l’Onu, demeure l’apanage du seul peuple sahraoui, rappelle l’avis juridique de janvier 2002.

C’est sur la base de ces principes juridiques, que le Maroc et les compagnies pétrolières étrangères feignaient d’ignorer, qu’une campagne a été menée conjointement par des organisations non gouvernementales de Norvège et le Front Polisario contre les contrats mentionnés. Elle a abouti au retrait successif de trois sociétés concernées sur quatre. C’est au nom du respect du droit international et non par de prétendues manigances algériennes, qu’un tel résultat a été atteint.

L’avis juridique qui précise que les principes énoncés s’appliquent à toutes les ressources naturelles du territoire, justifie, il faut bien le reconnaître, la dénonciation de l’exploitation marocaine de bien d’autres richesses du Sahara occidental, dans les secteurs halieutique, touristique et minéral (sable, nappes phréatiques, phosphates…). n

p. 66 Arabies /Avril 2005


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