Al Ayam No 194 - 27 juillet au 2 aout 2005

[traduction de l'original en arabe par A. Yara pour arso]

 

Mohamed Fadili Gaoudi à Al Ayam

Laânigri a interrogé personnellement Moutawakil durant deux heures

Le groupe des activistes de Mohamed Moutawakil a été transféré de
la préfecture de sûreté de Casablanca à celle de Laâyoune sous l'escorte de 24 policiers marocains

Entretien effectué par Youssef Bajaajaa

Moutawakil a été conduit de son domicile à la préfecture de la Sûreté de Casablanca, où Mohamed Gaoudi a été interrogé durant 7 heures et demi, pendant que Mohamed Moutawakil de son côté était interrogé durant 12 heures, dont 2 heures environ par le général Hamidou Laânigri personnellement.

Samedi dernier (23 juillet 2005) Gaoudi est libéré, pendant que Mohamed Moutawakil et trois autres prisonniers attendent leur sort. En attendant le résultat de cette affaire dans les prochains jours, le Bureau exécutif du Forum marocain Vérité et Justice a publié un communiqué, dans lequel il a exprimé sa crainte que les causes de cette arrestation soient mises en rapport avec la volonté de la police marocaine de limiter les activités des concernés, pendant que le comité arabe des droits de l'homme exprimait sa préoccupation au sujet de ce tournant dangereux qui touche les activistes des droits de l'homme.

Question: Qu'est-ce qu'il vous est arrivé après votre arrestation chez Mohamed Moutawakil ?
R. Ils nous ont conduits au centre de la section pénale de la wilaya de la Sûreté de Casablanca, et on y est resté jusqu'à quatre heures du matin du jeudi (21 juillet 2005). Durant cette période j'ai été interrogé par le responsable de la section pénale et ses collaborateurs, tandis que l'interrogatoire de Mohamed Moutawakil a été effectué par Hamidou Laânigri personnellement.

Q. Quel a été le sujet de l'interrogatoire ?
R. Lors de mon interrogatoire il était question d'une part de mon rapport supposé avec les récents événements de Laâyoune, et d'autre part de ma position au sujet de l'affaire du Sahara et comment cette affaire pouvait se résoudre politiquement. Tandis que pour Moutawakil…

Q. (en l'interrompant) Avant de savoir ce qu'il est arrivé à Mohamed Moutawakil, combien de temps a duré ton interrogatoire ?
R. Mon interrogatoire a débuté à neuf heures du matin et a duré jusqu'à quatre heures et demi de l'après-midi du mercredi. Pour Moutawakil, de neuf heures du matin à 21 heures, sans interruption, dont deux heures environ avec Laânigri.

Q. Quelles sont les charges retenues contre Mohamed Moutawakil ?
R. L'interrogatoire de Mohamed Moutawakil était focalisé sur sa relation présumée avec les récents événements de Laâyoune, d'une part, d'autre part sur sa relation avec les directives données aux fils du désert pour organiser les troubles, sur les orientations données par le Front Polisario, et enfin sur sa propre position et son opinion par rapport au Sahara.
Après ces interrogatoires, supervisés personnellement par Laânigri, celui-ci lui a proposé un marché s'il renonçait à sa position bien connue et limitait ses activités militantes en faveur des droits humains.
Après le refus de Mohamed Moutawakil d'accepter cette proposition, le général Hamidou Laânigri a donné l'ordre aux responsables de mener une enquête sur lui, de rédiger un procès-verbal et de l'envoyer à Laâyoune, pour que les responsables de la Sûreté là-bas s'occupent de lui.
Suite à l'interrogatoire, la rédaction du procès-verbal s'est terminée ce même mercredi vers minuit. L'accusé en a pris acte et a été informé que ce rapport allait être conservé au commissariat. Malgré cela, c'est la police judiciaire de Laâyoune qui doit se charger de dresser un nouveau procès-verbal à l'encontre de Mohamed Moutawakil.
A quatre heures 20 du matin de ce jeudi nous étions transférés dans trois véhicules de la police de la Sûreté urbaine. Le premier ouvrait la voie, le dernier, dans lequel se trouvaient 24 policiers chargés de nous escorter, composés de la police judiciaire et de ce qu'on appelle la police de proximité.

A propos, nous avons été transférés à Laâyoune dans des conditions inhumaines, menottés et les yeux bandés, durant tout le trajet de la préfecture de police de Casablanca jusqu'à celle de Laâyoune.

A 21 heures du jeudi soir nous sommes arrivés au siège de la police judiciaire de Laâyoune. Dès notre arrivée l'interrogatoire a débuté à nouveau, à la fois sur notre position et notre point de vue, comme je l'ai déjà dit.

L'interrogatoire s'est poursuivi jusqu'à samedi dernier (23 juillet 2005) à 15 heures et demi. J'ai été relâché à ce moment sans charge contre moi, tandis que Mohamed Moutawakil et les camarades que nous avons trouvés sur place ont été présentés au procureur du roi. Mohamed Moutawakil était accompagné de Larbi Messaoud, Brahim Noumria et Houssein Lidri, tous membres de la section Sahara du FMVJ dissous il y a quelques années.

Le plus surprenant dans cette affaire c'est le fait que, dès notre arrivée à Laâyoune, nous avons trouvé les deux camarades Brahim Noumria et Houssein Lidri dans un état physique déplorable à la suite des tortures physiques brutales pratiquées par les forces de sûreté en-dehors du siège de la police judiciaire.

Q. Où ?
R. Dans le sinistre local secret qui se nomme PC des Compagnies Mobiles d'Intervention (CMI). Nos deux frères portaient encore les traces de tortures au moment de leur comparution devant le procureur du roi de Laâyoune.

En outre, les procès-verbaux concernant les quatre personnes incarcérées, Mohamed Moutaouakil, Brahim Noumria, Houssein Lidri et Larbi Messaoud, ne leur ont pas été présentés pour signature, ce qui prouve que ces procès-verbaux étaient préparés d'avance.


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