ASSOCIATION MAROCAINE DES DROITS HUMAINS

BUREAU CENTRAL

RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUETE RELATIF AUX EVENEMENTS DE LAAYOUNE

 

 

Rapport de la commission d'enquête relatif aux événements qu'a connus la ville de Laâyoune à la fin du mois de mai 15-10-2005

 

Traduit de l'arabe

 

Dans le cadre de l'action de l'AMDH, en vue de reconstituer les faits qu'a connu la ville de Laâyoune à la fin du mois de mai 2005, et en vue de compléter les données à même d'aider à connaître la vérité sur ce qui s'est passé, et d'établir un rapport délimitant les responsabilités, le bureau central de l'AMDH a décidé, lors de sa réunion du 12-08-2005, d'envoyer une commission d'enquête à partir du 22-08-2005 jusqu'au 24-08-2205, d'autant plus que les événements de la ville de Laâyoune continuent à avoir des suites comme les nouvelles arrestations, le déplacement arbitraire de détenus et les grèves de faim illimitées. A noter que le bureau central a suivi de très près les événements et leurs répercussions à travers la section de Laâyoune et à travers les publications des journaux nationaux et internationaux.

La commission était composées de : Mme Maria Charaf, Mrs Benyoub Med, Tarik Med, Benhommani Said, Abdelilah benabdesslam, Iglid Hammoud et Mordi Mustapha. Elle a tenu une réunion préliminaire à Rabat en date du 19-08-2005 en présence de tout ses membres à l'exception de Mrs Iglid Hammoud et Mordi Mustapha qui se trouvaient à Laâyoune. Un programme de travail a été élaboré au cours de cette réunion. Une fois saisi, le bureau central a entamé des démarches en contactant respectivement et par correspondances :

Le bureau central a demandé aux sus cités de faciliter la tâche de la commission afin qu'elle puisse mener ses travaux et enquêtes dans les meilleures conditions. De son côté, le président de l'AMDH, et dès le 21-08-2005, a entrepris des contacts directs avec le ministère de l'intérieur réitérant les demandes de l'AMDH pour faciliter la tâche de la commission.

En réponse à cette demande, le ministère de l'intérieur a jugé inutile l'envoi de cette commission et a affirmé que « la vérité sur ce qui s'est passé à Laâyoune est connue de tous ». Le président de l'AMDH a rappelé que celle-ci est une association non gouvernementale et que l'objectif de cette commission est de faire la lumière sur ce qui s'est passé à Laâyoune.

Le ministère de l'intérieur n'a trouvé d'autre issue que de proposer de discuter avec un autre responsable du ministère; toutes les tentatives de contacter ce responsable durant les journées du 21-08-2005 et 24-08-2005 sont infructueuses.

Par ailleurs, le président de l'AMDH a essayé à plusieurs reprises de contacter le ministre de la justice sans qu'il arrive à le joindre. Le président de l'AMDH a contacté également le secrétaire général du ministère de la justice et le directeur général de l'administration pénitentiaire qui lui ont fait comprendre qu'ils vont contacter le ministre de tutelle à ce sujet. Il s'est avéré en fin de compte, qu'il n'est pas permis à la commission de visiter les prisons mais qu'elle pourrait en contre partie avoir des informations auprès du directeur général de l'administration pénitentiaire. Le secrétaire général du ministère de la justice a fait savoir au président de l'AMDH qu'il était possible de contacter le procureur du roi à Laâyoune pour plus d'informations au sujet des événements. La seule réponse écrite reçue par la commission jusqu'à aujourd'hui (le 09-09-2005) et ce après la fin des travaux de la commission émane du directeur des affaires criminelles et de l'amnistie (ref 3868 en date du 01-09-2005) en réponse à notre correspondance du 19-08-2005. Cette réponse stipule qu'il est permis à la commission de contacter le procureur du Roi pour toute information. A noter que les contacts avec le ministère de la santé publique n'ont pu être établis. Soulignant aussi que la section AMDH à Laâyoune a entrepris toutes le démarches nécessaires auprès des autorités locales de la ville de Laâyoune.

Arrivée de la délégation à Laâyoune :

La délégation est arrivée à la ville de Laâyoune dimanche à minuit. Elle a été accueillie par les membres de la section locale de Laâyoune ; juste après les membres de la délégation se sont réunis pour la mise au point du programme et pour apporter les modifications et additifs jugés nécessaires. A noter qu'à l'arrivée de la délégation à l'aéroport, une personne en tenue civile s'est présentée et a demandé l'identité des membres de la délégation prétextant avoir reçu des instructions dans ce sens.

Lundi 22-08-2005 : début des travaux de la commission. Les rencontres programmées avaient pour objet d'écouter :

La commission a également prévu de se rendre sur le lieu des événements afin d'estimer les dommages. Le travail de la commission a duré trente heures (30h) durant lesquelles elle a pu visiter 14 maisons parmi celles endommagées à Hay Maâtallah. Durant son séjour, la commission a pris contact avec 112 personnes.

Chronologie avant les événements de mai  2005

La délégation à travers les témoignages et déclarations recueillies sur place auprès des personnes contactées a pu établir ce qui suit :

- la ville de Laâyoune a connu plusieurs sit-in généralement à caractère social et ce depuis 1999.

- Ces formes de protestations ont été organisées principalement par les chômeurs, les personnes aux besoins spécifiques, celles qui bénéficient de l'entraide nationale, les handicapés, les habitants des camps, et les personnes ayant des droits acquis.

Du 05 au 08 Mars 2004 : à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la femme, plusieurs sit-in ont été organisés au cours desquels ont été scandés et ont été brandis des slogans et banderoles à caractères et à revendications politiques.

Le 1er mai 2004 : interdiction de la manifestation organisée par la CDT sous prétexte que les femmes sahraouis portaient une tenue noire.

Le 10 décembre 2004 : à l'occasion de la journée mondiale des droits de l'homme, plusieurs sit-in ont été organisés ; les manifestants ont scandé des slogans et brandi des banderoles à caractères et à revendications politiques.

Le 1er mai 2005 : les autorités ont arrêté la manifestation organisée par la CDT à cause de banderoles brandies par les activistes sahraouis et qui mentionnaient les termes « Sahara occidental » et « autodétermination ». Au cours de cette manifestation les activistes avaient scandé des slogans à caractère politique et avaient brandi les photos des sahraouis disparus. Les autorités en la personne du Pacha ont demandé aux organisateurs de leur remettre les photos et banderoles en question ; après négociations entre le bureau local de la CDT et les activistes, il a été décidé de retirer les photos et banderoles de la manifestation mais les autorités ont insisté à ce que les banderoles et les photos leur soit remises. Devant le refus du bureau local de la CDT, les autorités ont purement et simplement interdit la poursuite de la manifestation.

Contacts

Contact avec les autorités locales :

Le lundi 22-08-2005 à 9h du matin et comme il a été convenu au préalable, la délégation s'est rendu au siège de la Wilaya de Laâyoune pour rencontrer le Wali de la ville, les responsables de la sécurité, des forces auxiliaires, des la gendarmerie et de la protection civile. A son arrivée, la délégation a été surprise de ne trouver personne pour l'accueillir. Vers 10h du matin du même jour, la délégation s'est rendue chez Mr le secrétaire générale de la préfecture de Laâyoune pour demander audience. Elle fut reçue par le secrétaire général qui l'a informée que le Wali est en congé à dater du lundi 22-08-2005 précisant qu'il n'a reçu aucune instruction de la direction centrale et affirmant son regret de ne pouvoir répondre aux demandes de la commission ; toutefois il a demandé aux membres de la commissions leurs coordonnées (n° de tel) pour les contacter ; plusieurs numéros lui ont été communiqués mais la commission n' a reçu aucun appel téléphonique de la part des autorités durant son séjour à Laâyoune.

Contact avec l'administration de la prison locale :

Le mardi 23-08-2005 à partir de 8h du matin la délégation s'est rendue à la prison centrale de Laâyoune pour rencontrer des responsables. A son arrivée, elle fut reçue par l'adjoint du directeur de la prison qui a signifié à la délégation qu'il n'était pas au courant de sa visite et qu'il n'a reçu aucune instruction de la part de l'administration centrale à ce sujet ; il a demandé à la délégation de lui accorder un délai pour la recontacter puis il s'est excusé de ne pouvoir répondre favorablement à la requête de la commission.

En somme la commission n'a pu auditionné les détenus pour s'enquérir des conditions de leur arrestation et de leur jugement.

Contact avec les autorités judiciaires :

Dans la matinée du mardi 23-08-2005, la délégation a été reçue par le premier adjoint du procureur du Roi auprès de la cours d'appel de Laâyoune. Au cours de cet entretien, le représentant du procureur du Roi a manifesté son regret face aux événements qu'a connus la ville de Laâyoune et a déclaré que les actes perpétrés ont porté atteinte à l'ordre public. Il a tenu à préciser que toutes les mesures qui ont été prises ont été conformes à la loi et que toutes les conditions légales ont été remplies pour garantir aux détenus un procès équitable, de même il a catégoriquement nié le fait que les détenus aient été torturés. Pour ce qui est des blessures apparentes sur le corps des détenus, le représentant du procureur a allégué que ces dernières étaient dues à des chutes des manifestants. Quant au refus des accusés de signer les PV, il a répondu que ces PV ont leur valeur juridique. Lors de l'entretien, la délégation a soumis au repré sentant du procureur le cas du détenu Hassan Al Hirch né en 1986 et qui, d'après les PV de police n'a pu signer sa déclaration vu son incapacité de le faire de sa main droite ; en fait, c'était sa main gauche qui était atteinte si l'on se base sur le certificat médical qui lui a été délivré ; par conséquent, le rédacteur du PV pouvait lui demander de signer de sa main droite. Le représentant du procureur a alors hypothéqué que le mis en cause pouvait être également blessé à la main droite. A une question relative au fait que le détenu n'a pas été soumis à une expertise médicale suite à la torture qu'il a subi, le représentant du procureur a répondu que ni l'accusé ni son avocat n'ont déposé de requête à ce sujet et qu'il n'a pas déclaré au tribunal qu'il a été l'objet de torture. A signaler que la famille du détenu a déposé deux plaintes auprès du procureur du roi : la première concernant l'enlèvement du détenu du foyer de son grand-père, la seconde relative à une demande d'expertise médicale quand la famille a su que son fils se trouvait à l'hôpital  depuis 21 jours.

Lors de l'entretien, la commission a soumis au représentant du procureur du roi plusieurs plaintes émanant de citoyens victimes d'abus de pouvoir, de séquestrations et de perquisitions illégales entreprises par le corps des GUS qui n'a pas hésité à recourir à la violence et à abuser des biens des citoyens. Le représentant du procureur a déclaré que ces plaintes suivront la voie légale. A propos des abus relatés et constatés dans les PV de la police et au cours des différentes phases des procès, des transferts de détenus contre leur gré, le représentant du procureur a déclaré qu'il n'y a eu aucun abus et que le département du juge d'instruction a agi conformément à la loi. Pour ce qui des transferts des détenus, le représentant a signifié n'avoir aucun lien avec cette mesure.

Lors de la rencontre avec le juge d'instruction (qui représentait en même temps le premier président de la cours d'appel), ce dernier s'est abstenu de discuter tout sujet sous prétexte du secret de l'instruction ; c'est ainsi qu'il a refusé de répondre à la question relative à ceux qui ont pris la décision de transférer un certain nombre de détenus vers les prisons de Okacha à Casablanca et de Ait Melloul à Agadir ; de plus il a refusé de communiquer la date de l'assise relative à l'instruction complémentaire de ceux qui ont été transférés à Casablanca et Ait Melloul.

Contact avec la délégation provinciale du ministère de la santé :

Le mardi 23/8/2005 à midi, la commission s'est rendue à l'hôpital MEHDI pour y rencontrer le directeur de l'établissement hospitalier. Du fait que le directeur était absent, la commission s'est rendue à la délégation provinciale du ministère de la santé où elle a été reçue par un membre de l'administration. Après plus d'une demi heure d'attente, l'adjoint du délégué provincial a informé la commission qu'il a contacté le secrétaire général du ministère de tutelle à RABAT qui lui a promis de contacter le ministre de la santé en vue d'autoriser la commission pour une visite de l'hôpital et la possibilité de contacts avec les médecins pour s'enquérir des cas soumis suite aux événements. Après plus d'une heure d'attente et du fait des engagements de la commission, il a été remis à l'adjoint du délégué provincial les numéros de téléphone des membres de la commission afin de les contacter s'il y a du nouveau.

Une fois encore, la commission n'a eu aucune réponse à sa demande.

Par la suite, des contacts ont été établis avec des avocats de détenus : il s'agit en l'occurrence de maître BOUKHLID MOHAMMED et maître BOUCHAAB AHMED ; d'après leur témoignage :

* Tous les dossiers des prévenus ont été entachés d'abus ; les PV n'ont pas été lus devant les accusés ; la police judiciaire y a noté ce que bon lui semble ; de plus les accusés n'ont pas signé les PV ;

* Tous les PV ont été fabriqués de toute pièce comme en témoigne les cas de ALI SALEM TAMEK et celui de MOUTAOUKIL ; par ailleurs, et selon toujours les avocats, les transferts n'étaient pas légaux.

* Absence des cas de flagrant délit (cas de HASSAN HIRECH qui a été enlevé du domicile de son grand père). De plus les détenus n'ont pas été arrêtés au cours des événements.

* Violation du droit de la défense, surtout le droit de visite des détenus et celui d'accès aux PV de la police : certains PV ont été remis à la défense une semaine après la date d'arrestation sous divers prétextes contraires à la loi.

* La durée de la garde à vue n'a pas été  respectée.

* Les séquelles dues à la torture sont apparentes sur les corps de la plupart des détenus, pourtant toutes les demandes de la défense pour constatation et expertise médicale ont été refusées aussi bien de la part du procureur du Roi que du juge d'instruction.

* Toutes les demandes de mise en liberté ont été rejetées sauf celle de Mr Noumria Brahim et celle de Mr Houssine Lidiri à qui le procureur du Roi a accordé le droit d'être consultés par un médecin ; mais au lieu d'être transférés à l'hôpital, les deux accusés ont été conduits à un lieu de détention non connu (PPCMI) où ils ont subi de nouveau différentes formes de torture ; les deux mis en en cause ont déclaré à leurs avocats qu'ils ont été interrogés par des organismes ou personnes non habilités à procéder à des arrestations ni à mener des enquêtes judiciaires.

* Le juge d'instruction a entravé les fonctions des avocats en refusant de mettre à leur disposition les copies de PV et notamment ceux des détenus qui ont été transférés à Casablanca et à Ait Melloul ; les copies n'ont été remises aux avocats qu'une semaine après.

* L'opération de transfert des détenus a surpris aussi bien les familles que les avocats et s'est déroulée dans des conditions inhumaines.

* Le préavis des familles et de la défense n'a pas respecté les règles juridiques en vigueur censées être appliquées.

* Tous les dossiers soumis au juge ont été traités avec une rapidité telle que la défense n'a pas eu le temps suffisant pour les étudier et a été contrainte de se retirer ; par la suite et dans le cadre de l'assistance judiciaire, d'autres avocats ont été désignés pour assurer la défense des accusés chose qu'ils n'ont pu accomplir car les conditions d'un procès équitable n'étaient pas réunies. Les dossiers ont été traités rapidement et les verdicts prononcés à l'encontre des détenus étaient sévères ; par ailleurs, toutes les requêtes de forme présentées par la défense ont été jointes au fond sans aucune justification pour être écartées ensuite au niveau des discussions du fond.

* Les dossiers soumis au juge d'instruction n'ont pas été circonscrits ; parmi ces dossiers figurent ceux des détenus de Casablanca et de Ait Melloul ce qui est en violation des lois en vigueur puisque personne n'a demandé le transfert.

La commission a pris acte que les accusés ont déposé un recours auprès de la cour suprême ; l'un des avocats a déclaré qu'ils sont entrain de préparer des recours devant la cour suprême.

Contact avec les partis politiques, syndicats et organisations locales

Les demandes de rencontre ont été adressées aux organisations suivantes :

Tous les auditionnés présents ont déclaré que les affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants ont été très violents ; de plus ils ont affirmé que l'approche sécuritaire a prévalu sur le dialogue surtout après la vague d'arrestation aveugle et les violations des domiciles par les forces de sécurité ; ces actes ont donné lieu à une réaction violente de la part des manifestants qui ont scandé des slogans appelant à l'indépendance.

Parallèlement à ces manifestations a été organisée une manifestation de citoyens qui affirmaient leur attachement à la marocanité du Sahara devant un hôtel où logeait la presse internationale.

La plupart des personnes et organisations auditionnées par la commission ont relevé que les partis politiques n'ont pas pris de position relative aux événements du fait de l'interpénétration de facteurs internes et externes et de la situation de statu-quo (ni guère ni paix) qui prévaut dans la région. Par ailleurs, l'apparition de nouvelles formes de protestation (sit-in) suite au climat d'ouverture a permis à l'opinion appelant à l'indépendance du Sahara de s'exprimer ouvertement. L'opération de transfert du condamné Kinane n'était que la goutte qui a fait débordé le vase. A cela s'ajoute la détérioration de la situation socio-économique et la faiblesse des autorités locales :

Concernant les rumeurs selon lesquelles le drapeau marocain a été brûlé, tous les partis politiques, syndicats et organisations de la partie civile auditionnée ont affirmé que personne n'a vu le drapeau brûlé ni l'endroit ou il a été brûlé et qu'ils ont en seulement entendu parlé ; par ailleurs, la commission a été informée d'après le témoignage de diverses sources qu'un agent de l'autorité s'est rendu à un établissement scolaire (école Hay My Rachid située à Hay Maatallah) et a demandé au gardien de cet établissement de lui remettre le drapeau marocain de l'établissement en vue de le remplacer par un autre drapeau neuf ; le gardien s'est exécuté et le directeur de l'école a rédigé un rapport a ce sujet et l' a envoyé au délégué régional du ministère de l'éducation nationale. Etant donné qu'il s'agissait du drapeau en question, la commission a essayé de contacter le directeur de l'établissement et le délégué du ministèr e de l'éducation nationale mais n'a pu les joindre à cause de la coïncidence de la visite de la commission avec la période des congés.

La plupart des partis politiques à LAAYOUNE ont réaffirmé leur attachement à l'ÉTAT de droit et leur indignation face aux représailles et abus dont a été victime la population de Laâyoune tout en affirmant qu'il n'acceptaient pas l'atteinte à la marocanité du Sahara et la transgression des lois en vigueur par quiconque….

Par ailleurs, les représentants de la société civile ont été unanimes pour dire que les pouvoirs publics sont les seuls responsables des événements de Laâyoune car ils ont envenimé la situation surtout par le choix de la date du transfert du détenu Kinane ; ils ont reproché également aux autorités les faveurs qu'elles accordent aux notables qui n'ont plus aucun lien avec les pauvres et les démunis ; les mêmes représentants ont dressé un bilan sombre de la situation dû au fait de l'octroi de postes aux gens du nord sans recourir aux critères de compétence et d'utilité comme cela est stipulé dans le code de conduite approuvé par les Nations Unies. Enfin les représentants de la société civile ont rappelé le déficit en terme de communication et l'absence de dialogue avec la société civile de la part des autorités qui optent souvent pour des solutions de replâtrage qui à leur tour ne font qu'envenimer la situation au lieu de l'assainir. Les auditionnés ont également évoqué l'extension du régime de clientélisme, de favoritisme remarquant que même si les autorités optent parfois pour le dialogue ce n'est que pour adresser injures et humiliations aux enfants des martyrs et pour qualifier les femmes des pires qualificatifs : c'est ainsi que les autorités recourent a la discrimination entre les sahraouis qualifiant certains d'entre eux de demi-sahraouis.

De leur côté les syndicalistes interrogés ont affirmé que plusieurs acquis ont été remis en cause par le licenciement collectif des travailleurs, les transferts arbitraires, les sanctions infligées aux syndicalistes et l'encouragement du patronat qui viole les lois et les codes de travail ; à tout cela, il faut ajouter l'extension de la corruption, de la dépravation et de la dilapidation des biens publics qui ne font qu'exacerber les tensions sociales.

Déroulement des événements

Vendredi 20-05-2005

L'administration de la prison centrale de Laâyoune a décidé d'exécuter la décision de transfert du détenu Ahmed Mahmoud dénommé Al Kinane vers la prison civile d'Ait Melloul ; sachant que cette même administration a essayé auparavent de le transférer à la prison d'Agadir mais a renoncé a exécuté cette mesure suite aux protestations de sa famille et des activistes sahraouis des droits humains ; ces derniers s'étaient tenus devant la prison de Laâyoune empêchant ainsi le transfert.

Samedi 21 et dimanche 22- 05-2005

Suite au transfert de Kinane, sa famille accompagnée de plusieurs citoyens, d'activistes sahraouis des droits humains et de la commission de la protection des prisonniers a organisé un sit-in (le Dimanche 22-05-2005) de protestation contre cette mesure. Les manifestants réclamaient l'annulation du transfert du détenu  et l'amélioration des conditions des prisons ; par ailleurs, les manifestants ont scandé des slogans de protestation  face à la dégradation de la situation des droits de l'homme au Sahara.

Lundi 23-05-2005

A partir de 16h, plusieurs groupes de citoyens accompagnés d'activistes sahraouis des droits humains et de la commission de protection des prisonniers ont organisé un sit-in devant le domicile de Al Kinane ; les manifestants ont réitéré leur soutien aux détenus transférés, leur attachement à l'application des normes internationales relatives au traitement des prisonniers et ont réclamé l'annulation de la décision de transfert du détenu Al Kinane ; de même les manifestant ont scandé des slogans appelant à l'autodétermination et à l'indépendance.
Les forces de sécurité (GUS, FA, CMI) présentes sur les lieux en nombre important, n'ont pas intervenu et se sont contentées de suivre le déroulement du sit-in. Aucun affrontement entre manifestants et forces de sécurité n'a été enregistré.

Mardi 24-05-2005

Vers 16h, un autre sit-in a été organisé avenue Mamoune Hay Maatallah ; les manifestants réclamaient :

Cette action a contraint les forces de sécurité à se replier. Par la suite les activistes sahraouis des droits humains et le comité de protection des prisonniers ont ouvert un dialogue avec les autorités locales ; les négociations se sont soldées par le retrait des forces de sécurité, l'évacuation des blessés vers les hôpitaux, l'engagement des autorités  de libérer les détenus et la levée du bouclage de Hay Maatalah. Mais à l'exception de l'évacuation des blessés par ambulances vers les hôpitaux et la libération d'ELBAR HASSAN dénommé TMIM  qui avait hissé auparavant le drapeau du front polisario, aucune promesse n'a été tenue ; au contraire les forces de sécurité ont renforcé leurs effectifs (avec l'arrivée de nouvelles brigades) au niveau de l'avenue MAMOUN et ont encerclé Hay Maatalah et les quartiers avoisinants.

Mercredi 25/5/2005 :

Durant toute cette journée les incidents se sont poursuivis ; aux environs de 23h30, les forces de sécurité ont lancé une intervention de grande envergure à Hay Maatalah en employant de grands moyens (plusieurs corps des forces de sécurité ont participé dans cette intervention). Cette opération s'est soldée par l'arrestation et l'agression de citoyens sans distinction entre manifestants et passants. En plus de ces actes les forces de sécurité violaient  les domiciles et saccageaient leur contenu ; même les habitations vides n'ont pas été épargnées. Par ailleurs, les familles (y compris les femmes, les enfants et les vieillards) qui se trouvaient dans leurs demeures au moment de ces événements ont été agressées par les forces de sécurité.

Jeudi 26-05-2005 :

Poursuite du bouclage de Hay Maatalah par les forces de sécurité ; parallèlement les protestations des familles des détenus se sont poursuivies réclamant la libération des prisonniers et scandant des slogans appelant à l'autodétermination. Durant les journées du vendredi et du samedi la ville de Laâyoune a vécu un climat de haute tension ; plusieurs affrontements entre forces de sécurité et citoyens ont été enregistrés donnant lieu à une vague d'arrestations aveugles. Le vendredi 27-05-2005 vers 3h du matin, le président de la section locale de l'AMDH a été arrêté en compagnie d'un des membres de la section ; ils ne furent libérés que le soir de la même journée. Au cours de leur garde à vue dans les locaux de la police, les deux membres de la section ont constaté que les autres détenus étaient dans un état critique, que les séquelles de torture étaient apparentes sur leurs corps et que certa ins ne pouvaient bouger sans l'assistance d'une autre personne. Les forces de sécurité ont menacé et maltraité les détenus à plusieurs reprises.

Samedi 28-05-2005 :

Poursuite d'arrestations de citoyens et renforcement des effectifs des forces de sécurité avec bouclage des zones qui ont connu des manifestations.

Dimanche 29-05-2005 :

Malgré le bouclage imposé à la ville et la vague massive d'arrestations deux sit-in ont été organisés la soirée du dimanche devant l'hôtel Nikjeer où se trouvaient la presse internationale et les chaînes étrangères ; dans le premier sit-in ont été scandé des slogans en faveur de la marocanité du Sahara alors que dans le second les manifestants réclamaient l'autodétermination. Les deux sit-in organisés simultanément ont provoqués une montée de tension et des affrontements entre les deux groupes de manifestants ; les forces de sécurité ont intervenu violemment ce qui a provoqué plusieurs blessures parmi les manifestants et les passants. Aucune arrestation n'a été enregistrée.

Dans le même moment plusieurs quartiers et rues de la ville continuaient à connaître des affrontements et altercations légères entre des groupes de jeunes et les forces de sécurité ; ces dernières n'ont pu maîtriser la situation. L'extension de la violence et des répliques à la violence s'est accrue dans toute la ville ; des affrontements entre sahraouis et forces de sécurité ont été enregistrés dans le quartier El Bourkou et ont duré toute la nuit ; ces affrontements ont donné lieu à des arrestations massives et à des violations de domiciles par les forces de sécurité ; le contenu des domiciles a été épargné. L'arsenal et l'effectif des forces de sécurité ont été renforcés par des camions de la gendarmerie et des engins de dispersion des manifestants déployés pour la première fois ; ces forces ont pris position dans trois principaux points de la ville sans pour autant intervenir.

Vendredi 17-06-2005 :

L'activiste sahraoui des droits humains Aminatou Haydar a été agressée à l'intersection du boulevard Mekka et boulevard Semara par les GUS (groupe urbain de sécurité) ; cette agression s'est soldée par des blessures au niveau de la tête ; elle fut transportée par l'activiste sahraoui Ahmed Hammad à l'hôpital pour recevoir les soins nécessaires.

Dans la soirée du même jour, les affrontements ont repris de nouveau entre manifestants et forces de sécurité.

Répercussions après les événements

La commission d'enquête a noté la présence permanente de toutes sortes de forces de sécurité déployées en divers points de la ville. De même la commission a constaté et enregistré ce qui suit :

A signaler que lors des événements certains membres de la police ont été blessés ; or d'après des témoignages recueillis ces blessures étaient dues essentiellement à la violence d'intervention des forces de sécurité qui n'ont pas fait de distinction entre manifestants, passants et policiers en tenue civile. Les photos de certains policiers blessés, présentées par le Wali lors de la conférence de presse qu'il a tenu à Laâyoune sont des cas de fracture au niveau des bras et des jambes dues aux chutes des policiers lors de leur intervention ou lorsqu'ils poursuivaient les manifestants. Notons également que depuis le début des événements, Laâyoune vit un état de siège imposé par les forces de sécurité ; ce n'est qu' à partir du 01-06-2005 qu'il a été constaté un allégement du dispositif sécuritaire ainsi qu'un retour au calme. Malgré cela le climat de tension est perceptible et sujet à renouveau d'affront ements eu égard au mécontentement de la population à la suite des événements.

Violations

Droit de constitution des organisations :

Tous ces actes constituent une violation, une atteinte et une limitation au droit de constitution, à la liberté d'opinion et d'expression garantie par les conventions internationales des droits de l'homme.

Droit à la manifestation pacifique :

La violation de ce droit par les autorités locales s'est concrétisée par l'interdiction des manifestations organisées par la CDT (section locale de Laâyoune) lors de la célébration de la journée mondiale du travail 1er mai 2004 et 2005. Cette violation s'est concrétisée également lors des interventions des autorités pour disperser  des sit-in pacifiques. La commission a pris acte que les forces de sécurité ont intervenu violemment à l'encontre des manifestants qui ont organisé un sit-in le 21-05-2005 où ils revendiquaient l'autodétermination et l'indépendance ; suite à cette répression les manifestants ont riposté en brûlant des pneus, en jetant des pierres sur les forces de sécurité, en lançant des bouteilles de gaz et en brandissant le drapeau du front  polisario. Au cours de ces affrontements entre manifestants et forces de la sécurité il y eut p lusieurs blessés de part et d'autre ; les blessés qui font partie des citoyens ont été évacués vers des hôpitaux pour recevoir des soins ; plusieurs personnes ont été arrêtées par les forces de sécurité et parmi ces personnes figuraient des enfants qui ont été relâchés par la suite.

La répression de sit-in est une atteinte au droit de la manifestation et à la protestation pacifique ; de même qu'elle constitue une atteinte à la liberté d'expression, d'opinion et à l'intégrité physique et morale des personnes. Enfin ces actes constituent une atteinte aux lois en vigueur  puisque les règles de dispersion des sit-in n'ont pas été respectées. En conséquence, la répression a engendré :

Violation de l'intégrité des domiciles

La commission d'enquête a noté que plusieurs domiciles ont été violés par les forces de sécurité à Hay Maâtallah. D'après les déclarations des familles les forces de sécurité ont agressé des vieillards, des femmes et des enfants ; ils les ont insulté et menacé. Certaines familles ont même déclaré à la commission que leurs biens ont été volés et qu on a uriné sur leurs matelas. La commission d'enquête a constaté les traces de bottes des forces de sécurité devant les portes des domiciles violés, comme elle a constaté des meubles détruits (réfrigérateur, poste de télévision, matelas, ustensiles de cuisine, machine à laver, fenêtres brisées …) ; certaines familles ont été empêchées de retourner à leur domicile ; d'autres ont été dédommagées en nature suite aux dégâts causés ; d'autres continuent d'attendre leur dédommagement ; enfin certaines familles ont refusé l'indemnisation et ont réclamé la poursuite des responsables de ces actes.

Cas de certains domiciles saccagés à HAY MAATALLAH

famille MELLOUHA HANOUN résidant rue AL KHALIJ no 25 :
Actes perpétrés :
- équipement brisé : téléviseur, video, machine à laver, table…
- vol : valise à bijoux de marque SAMSONITE contenant 6000dh, 7 bracelets, un collier avec petit livre de Coran, bagues.
 
famille MUSTAPHA MILEL résidant rue al KHALIJ no 19
Actes perpétrés :
- violence à l'égard de l'épouse.
- équipement brisé : réfrigérateur.
- arrestation et détention d'un membre de la famille, SAIDI MOHAMMED, 21ans, pendant deux jours.
 
famille EL AMRI (père handicapé et paralysé) résidant à HAY MAATALLAH
Actes perpétrés :
- équipement brisé : téléviseur, réfrigérateur, machine à laver
- les forces de sécurité ont uriné sur le matelas.
 

LAROUSSI SAKINA résidant rue AL KHALIJ no 8

Actes perpétrés :
- insultes.
- équipement brisé : porte de la maison, ustensiles en verre, table, téléviseur, réfrigérateur.
 
TALBI KHADIJA résidant rue AL KHALIJ no 49
Actes perpétrés
- coups assénés à la tête de mme FATIMA ETTALBI (âgée de 50 ans)
- équipement brisé : téléviseur, réfrigérateur, meuble...
 
EL AYYACHI AL AZZA , maison no 8
Actes perpétrés :
- équipement brisé
 
MALIKA SANIA , maison no 125
Actes perpétrés :
Equipement brisé : ustensiles, réfrigérateur, meubles divers.

Cas relevés

Cas du citoyen Sidi Mohamed Fadel Ahssine (Fkih âgé résidents Hay Maatallah) : il lui a été signifié par le Caïd de l'arrondissement de Hay Maatallah d'évacuer son domicile sis avenue Mamoun sous prétexte que les manifestants s'y réfugiaient ; la famille a été contrainte d'évacuer le domicile ; actuellement il réside avenue Skikima. Ce citoyen réclame son retour chez lui d'autant plus que la situation qu'il vit actuellement l'a marqué lui, sa famille et surtout ses enfants.

Cas du citoyen Albaïttounsi, demeurant quartier Alwahda II rue 7 N° 26 : alors qu'il dormait profondément la nuit du 25/05/05, Mr Albaïttounsi fut surpris par les forces de sécurité (GUS) en train de défoncer la porte d'entrée ; les policiers étaient en tenue civile ; ils l'ont tiré nu de son lit, lui ont passé les menottes et lui ont mis le bandeau sur les yeux. Ils l'ont conduit à l'extérieur où un des policiers qui était son voisin a commencé à lui asséner des coups avec matraques et coups de pieds avec la complicité de deux autres policiers. Les policiers ont alerté une patrouille qui l'a conduit au commissariat régional et de là il a été transporté par ambulance à l'hôpital où le médecin lui a délivré un certificat de 20 jours attestant une incapacité ; à signaler que les policiers ont dépossédé la victime de son téléphone portable marque Nokia et d'une somme d'argent de 2740 dirhams environ. La victime a porté plainte auprès du procureur du roi à la cour d'appel de Laâyoune.

Cas du citoyen Derouich Mohamed commerçant sur l'avenue Ras Elkhaima : suite au événements qui se sont déroulés avenue Ras Elkhaima la journée du dimanche et au moment où il s'apprêtait à fermer son magasin, de peur qu'il soit blessé ou que son  magasin soit saccagé, il fut surpris par l'agression des GUS et des FA qui l'ont roué de coups de matraques sans raison valable et bien qu'il ait décliné son identité comme commerçant du quartier. Mr Derouich a été blessé en plusieurs endroits et a perdu six dents. On lui a délivré un certificat médical de 20 jours. La victime a déposé une plainte auprès du procureur du roi mais elle a été rejetée.

Cas du citoyen Elamri Boujemaa (secrétaire général du syndicat de l'entraide nationale affilié à la CDT) : lors d'une visite au foyer parental à Hay Maatallah pour s'enquérir de l'état de santé de son père malade, il fut surpris vers 23 heures de la nuit du mercredi par l'assaut des forces d'intervention rapide et des GUS sur le domicile de ses parents. Mr Elamri a été gravement atteint à l'épaule, sa famille a été humiliée suite aux actes violents des policiers qui ont uriné sur les matelas devant les enfants et le père malade.

Cas du citoyen Larbi Mohamed habitant du quartier Maatallah : il a été arrêté en compagnie des autres membres de sa famille la nuit du mercredi 25/05/05 ; tous les membres de la famille ont été roués de coups ce qui a occasionné une fracture du bras et de la jambe de Baba Larbi (fils de Mohamed Larbi). La victime a été transportée à l'hôpital et de là à la prison locale (le 02 juin 2005) sur ordre du parquet en attendant d'être déferré devant le tribunal. La famille quant à elle fut conduite dans les locaux de la police judiciaire où elle a été torturée ; à son tour elle fut déferrée devant le parquet le 28/05/2005. La mère enceinte ainsi que le reste des enfants ont été relaxés à l'exception de Baba Larbi. Le père est poursuivi en état de liberté ; on a interdit à la famille de retourner chez elle, elle vit actuellement dans un autre endroit. La famille est moralement abattue.

Cas du citoyen Laatik Mouradi membre de la section AMDH Laayoun : il est arrêté le vendredi 27 mai en compagnie du président de la section locale et conduit dans les locaux de la police judiciaire avenue Smara ; il a été mal traité et accusé de traîtrise ; il a également déclaré que des officiers de police ont proféré des insultes à l'égard de l'AMDH. Au cours de sa garde à vue dans les locaux de police il a constaté que les autres détenus étaient dans un état critique (fractures, blessures, séquelles de la torture, et stress) mais ils n'ont pas été transportés à l'hôpital. La victime continue à être harcelée : c'est ainsi qu'elle a été convoquée au siège du commissariat pour l'obliger à signer un PV fabriqué de toutes pièces. Elle a refusé de signer le PV et a protesté contre le recours à ces agissements. Mr Laatik a rapporté que les GUS ont agressé des cito yens handicapés.

Cas de l'élève détenu Elhirch Hassan : sa famille a déclaré à la commission d'enquête que l'administration de l'établissement scolaire où son fils poursuit ses études a pris la décision de le renvoyer avec affichage de la décision sur le tableau du lycée avant même que le verdict du tribunal ne soit rendu.

Arrestations, instructions, poursuites, jugement :

D'après les déclarations et les témoignages que la commission a réuni au cours de sa mission d'enquête sur les événements de Laâyoune il s'est avéré qu'il y a eu usage de pratiques illégales par les forces de sécurité aussi bien au niveau des conditions de détention, des arrestations que des gardes à vue à l'égard de tous les détenus ; ces pratiques peuvent être résumées comme suit :

L'usage de la force et de la violence au moment des arrestations (coups, insultes, humiliations, menaces...).

L'absence du flagrant délit lors des interpellations et des arrestations.

Certaines personnes (cas de  Hamadi Elguerch et Nafaa Bouchama ...) ont été arrêtés par des personnes anonymes et conduits dans des lieux non connus ; au cours de la période de détention les détenus n'ont pu avoir accès aux informations les concernant ni connaître les raisons de leur arrestation comme ils n'ont pu avoir l'assistance de leurs avocats lors des interrogatoires.

Les détenus ont été empêchés de contacter leurs familles pour les informer sur les lieux de leurs détentions ; de même ils n'ont pas été autorisés à consulter un médecin. Enfin, les blessés et les torturés n'ont pas été autorisés à procéder à des expertises médicales.

Plusieurs détenus ont été déferrés directement devant la justice (cas de Hamadi Elguerch, Alhafid Atoubali, Hassan Elhirch) ; tandis que d'autres sont toujours au stade de l'instruction (Aminatou Haidar, Ali Salem Tamek, Mohamed Elmoutaoukil, Alhoussin Lidiri, Noumria Brahim, Laarbi Messoud, Elmoussaoui Sidi Ahmed, Hamad Ahmed).

Dans le cas des 21 détenus, condamnés en première instance et en appel, les familles, la défense et les activistes Sahraouis des Droits Humains ont rapporté ce qui suit :

Les peines sévères infligées à tous les détenus en première instance ont été revues à la baisse en appel (entre quatre ans et cinq mois de prison ferme) sachant qu certains d'entre eux ont été relâchés sans jugement (voir tableaux). Par ailleurs, les détenus n'ont pu bénéficier de leurs droits au cours des interrogatoires car leurs avocats n'étaient pas présents ; de plus les détenus n'ont pas pris connaissance du contenu des PV rédigés par la police judiciaire ainsi que des informations spécifiques les concernant. Les requêtes émises par les détenus (surtout ceux qui ont été torturés) pour bénéficier d'une expertise médicale ont été purement rejetées ; toujours selon les déclarations il ressort que tous les procès qui se sont déroulés à la cour d'appel de Laâyoune ont revêtus un caractère d'urgence.

Dans la constitution de la cour criminelle les lois en vigueur n'ont pas été respectées.

L'instance judiciaire n'était pas neutre et impartiale : elle subissait des pressions de plusieurs organismes.

Les séances des procès n'étaient pas accessibles au grand public vu que les forces de sécurité (tout corps confondus) ont encerclé le tribunal et empêché les citoyens d'assister aux audiences ; dans la salle d'audience il n'y avait que quelques membres des familles des détenus et l'entrée de la salle et de l'enceinte du tribunal étaient sous contrôle policier.

Plusieurs personnes auditionnées par la commission ont affirmé que l'instance judiciaire n'a pas remis les dossiers des détenus aux avocats dans les délais légaux ; à cela s'ajoute le fait qu'elle n'a pas permis aux avocats de s'entretenir avec les détenus afin de préparer leurs défenses et réunir les éléments en leur faveur.

L'instance judiciaire a refusé aux détenus le droit de consulter un médecin en vue d'une expertise médicale relative à la torture physique et morale dont ils ont été l'objet au cours de leurs détentions. Enfin, l'instance judiciaire a rejeté les requêtes de forme présentées par la défense ; ces requêtes ont trait :

Par ailleurs ; les détenus déférés devant le juge d'instruction, n'ont pu bénéficié  de garanties au cours de l'instruction, d'autant plus que la plupart des détenus ont subi des tortures et des violences pour leur soutirer des aveux ; de plus ils ont été placés au cours de leur arrestation dans des conditions inhumaines et ont été mal traités par le recours  à la force et à des pressions physiques et morales. L'usage de bandeaux et de menottes a été systématique durant toutes les phases de l'instruction et du transfert. Les sentences prononcées en première instance à l'encontre des détenus actuellement incarcérés à la prison civile de Laâyoune variaient entre 3 et 20 ans de prison ferme. En appel, les sentences ont été réduites et oscillaient entre 5 mois et 4 ans de prison ferme. Ces peines concernent 21 détenus incarcérés à la prison locale de Laâyoune. L'instruction s e poursuit pour huit cas de détenus (4 à la prison OKACHA à Casablanca, 3 à la prison locale de Laâyoune, 1 à la prison d'Ait Melloul-Agadir) alors que leurs période d'arrestation a dépassé les deux mois. La défense a présenté plusieurs requêtes de mise en liberté toutes rejetées sans motif malgré le fait que les accusés disposent de toutes les garanties légales. Par ailleurs, les détenus ont été surpris par la décision de transfert ; les familles et les avocats n'ont pas été avisés (cas de Moutaouakil et compagnie et cas de Ali Salem Tamek).

Tous les détenus vivent des conditions de détention lamentables (surtout ceux incarcérés à la prison locale de Laâyoune).

Ils ont entamé une grève de la faim illimitée à partir du 8 Août 2005 réclamant :

L'administration de tutelle n'a prêté aucune attention au mouvement de grève des détenus ainsi qu'à leurs revendications se désengageant à trouver une solution sous prétexte que les détenus sont en bonne santé et que leurs revendications ont été satisfaites. En réalité, la commission a pu établir à travers les faits qui lui sont parvenus que les détenus dans les prisons de Laâyoune-OKACHA et Ait Melloul continuent leur mouvement de grève et que leur état de santé se dégrade et augure d'une catastrophe. La situation des détenus à Okacha empire de jour en jour. Ils poursuivent leur mouvement de grève refusant de rencontrer leurs familles et d'être soumis à un contrôle médical. Quant au détenu de la prison d'Ait Melloul, après avoir été transporté à l'hôpital, a repris de nouveau le mouvement de grève.

Conclusions

A travers la visite qu'elle a effectué aux lieux des événements, des contacts qu'elle a entrepris sur place avec les responsables gouvernementaux et non gouvernementaux (partis politiques, syndicat, associations, les victimes et leurs familles et les libérés) et après avoir pris acte des renseignements et des déclarations qui lui ont été soumis au cours des auditions,  la commission conclut ce qui suit :

Les responsables gouvernementaux n'ont pas manifesté de dispositions pour faciliter la tache de la commission d'enquête. Ce constat est étayé par les faits suivants :

le Wali et ses collaborateurs (police, forces auxiliaires, gendarmerie et protection civile) n'ont pas fourni à la commission d'enquête des renseignements ou le point de vue des autorités sur les causes des événements et sur les responsabilités qui y sont liées, ainsi que les résultats et les conséquences de ces événements qui perdurent encore. Cette attitude, dénote sans l'ombre d'un doute que l'approche sécuritaire en matière de traitement de la chose publique continue à primer chez les autorités marocaines.

les rencontres de la commission d'enquête avec les autorités judiciaires se sont limitées aux rencontres avec le vice procureur du Roi, le vice président du juge au tribunal d'appel de Laâyoune et du juge d'instruction. A noter que le premier a insisté sur le fait que tout s'est déroulé dans le respect des lois, tandis que le second a refusé de discuter avec la commission ce qui a donné à la rencontre un aspect formel sans intérêt pour la commission.

Les événements qu'a connus la ville de Laâyoune ne sont autres que l'interpénétration de facteurs sociaux et politiques :

 

 

RECOMMANDATIONS DU BUREAU CENTRAL DE L'ASSOCIATION MAROCAINE DES DROITS HUMAINS

Compte tenu des conclusions précédentes, le bureau central de l'AMDH , tout en appuyant le travail accompli par la commission d'enquête, et compte tenu de ce dernier et des positions fermes de l'association, recommande ce qui suit :

1- L'ouverture d'une enquête neutre et impartiale pour établir les véritables causes de ce qui s'est passé, pour délimiter les responsabilités et prévoir les sanctions.

2- L'urgence d'assainir le climat en libérant la détenue et tous les détenus politiques sahraouis et les détenus d'opinion ayant un rapport avec les événements,  l'arrêt de toutes les poursuites et tracasseries dont sont sujets les citoyens (es) et les activistes des droits humains de la région et le respect des libertés publiques.

3- La considération que tous les  citoyens (es) sont égaux devant la loi par la suppression de la discrimination entre les citoyens (es) et la prise en compte du critère de capacité pour l'accès au travail.

4- Le respect de la liberté d'opinion, d'expression et d'organisation dans la région tout en oeuvrant à une solution démocratique pour résoudre le conflit autour du Sahara et tout en remédiant de manière saine à toute les violations graves liées au dossier.

La recherche de moyens pour établir un climat de confiance et de respect entre les habitants et les institutions non gouvernementales d'une part et les autorités d'autre part ce qui nécessite l'instauration d'un climat de concertation pour trouver des solutions aux problèmes posés.

 


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