Le Sahara et l'ONU

par FERNANDO ARIAS SALGADO,
Ex-ambassadeur d'Espagne au Maroc,
ABC, 28.06.06

original: El Sahara, en la ONU, POR FERNANDO ARIAS SALGADO, Ex embajador de España en Marruecos, ABC , 28.06.06 [traduction non officielle par arso]

La Charte des Nations unies , dans son article premier, inclut, dans les principes et les buts de l'Organisation, "réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix". Dans ce contexte juridique, le secrétaire général, Monsieur Koffi Annan, dans son rapport du 18 avril de cette année au Conseil de Sécurité sur la situation au Sahara occidental (S/2006/249), avertit de la détérioration prévisible de la situation actuelle dans le territoire, qui peut "se transformer en une menace pour la paix et la sécurité internationales".

Le rapport analyse avec beaucoup de précision la situation du cessez- le-feu depuis le 6 septembre 1991 entre le Maroc et le Front Polisario, en spécifiant les contrôles méticuleux qu'effectue la Minurso des deux côtés du mur de défense (berm) qui divise le Sahara Occidental du nord au sud, long de plus de 2.000 kilomètres, ainsi que les risques que représentent les zones minées pour la population civile. Il mentionne le succès des mesures de confiance entre les populations civiles sahraouies résidant dans la zone contrôlée par le Maroc et les réfugiés dans les campements de Tindouf (Algérie). Il analyse la situation des droits humains de la population autochtone sahraouie et exprime sa préoccupation face aux dénonciations et allégations reçues sur des mauvais traitements, des détentions arbitraires et le manque de garanties procédurales des tribunaux de justice locaux.

Ce bref résumé permet d'évaluer la proposition avancée par le nouvel envoyé personnel du secrétaire général, l'ambassadeur Van Walsum, pour essayer de sortir le conflit entre le Maroc et le Front Polisario de la stagnation actuelle. À son avis, les causes de la paralysie du Conseil de Sécurité sont, en résumé, les suivantes :

a) le conflit du Sahara Occidental n'est pas prioritaire dans l'agenda politique de la grande majorité des Etats membres des Nations Unies ;

b) la grande majorité de ceux-ci veut maintenir de bonnes relations avec le Maroc et l'Algérie ;

c) aucun Etat n'est disposé à faire pression sur le Maroc pour qu'il renonce à sa revendication (claim) sur le Sahara Occidental ;

d) aucun Etat ne reconnaît la "souveraineté" du Maroc sur ce territoire.

Dans ce contexte, l'envoyé considère que les parties devraient faire un pas en avant et assumer la responsabilité d'entamer des négociations directes sans conditions préalables dans le cadre ou sous les auspices des Nations unies. L'objectif final de ces négociations serait, ce que le Conseil de Sécurité a été incapable d'obtenir, c'est-à-dire, "une solution politique juste, durable, mutuellement acceptable et qui inclut la libre détermination du peuple du Sahara Occidental".

Dans le contexte décrit par le secrétaire général il manque, à mon avis, une série de données significatives qui font aussi partie de la "réalité politique actuelle" de ce conflit. La première serait la division de facto du Sahara Occidental entre le Maroc et le Front Polisario à l'ouest et à l'est du mur de défense. La seconde donnée significative serait l'existence politique et diplomatique de la RASD, reconnue par l'Union africaine et de nombreux Etats membres des Nations Unies, parmi lesquels l'Algérie et la Mauritanie, pays voisins, l'Angola, le Kenya, le Nigéria et l'Afrique du Sud, et en Amérique Latine, la Bolivie, Cuba, le Mexique, l'Uruguay et le Vénézuéla. La troisième donnée omise par le secrétaire général, c'est que le Maroc ne reconnaît pas la représentativité que les Nations Unies accordent au Front Polisario pour négocier au nom du peuple du Sahara Occidental. Récemment, le ministre des Affaires étrangères, Monsieur Benaissa, a annoncé avec qui le Maroc est disposé à ouvrir des négociations directes. Ce n'est pas avec le Front Polisario, mais avec l'Algérie. Le quatrième élément qui serait à déterminer c'est le statut juridique du Maroc et de la RASD dans le territoire qu'ils contrôlent respectivement.

De toute façon, le plus important serait d'assumer dans toute sa complexité la réalité de ce conflit, sans dissimuler aucune de ses dimensions politiques ou juridiques, aussi préjudiciables qu'elles puissent paraître à l'une ou l'autre partie du point de vue de la légalité internationale. C'est ce qui semble avoir été l'approche de l'ambassadeur Van Walsum quand il suggère que les parties pourraient résoudre le conflit si elles négociaient sur la base d'un compromis entre le principe de légalité (autodétermination) et le principe de réalité (annexion de facto).

À ce sujet, il est nécessaire de rappeler que le droit à l'autodétermination dont jouit le peuple du Sahara Occidental est, selon le Droit International, une norme de "jus cogens", c'est-à-dire, qui lie non seulement les Nations unies comme institution, mais aussi tous les Etats membres, comme l'a établi la jurisprudence du Tribunal International de Justice pour résoudre les conflits territoriaux dérivés de la décolonisation. Il est certain qu'il existe quelques exceptions notoires (Gibraltar, les Malouines), mais cette exception, qui a été aussi appliquée à la décolonisation d'Ifni, ne s'applique pas au Sahara Occidental vu qu'il n'y a aucun droit de souveraineté préexistant au moment de la colonisation espagnole.

Par conséquent, le Conseil de Sécurité, dans sa dernière résolution, 1675, du 28 avril, n'a pas pu entériner cette proposition du secrétaire général et s'est limité à réitérer dans le préambule toutes ses résolutions précédentes. Vu ces considérants nous pouvons conclure que le Conseil n'a pas modifié l'application du principe de légalité (autodétermination). Ainsi, toute solution politique qu'on prétend négocier dans le cadre ou sous les auspices des Nations unies devra respecter ce principe.

En tout cas, le Conseil de Sécurité a prorogé le mandat de la Minurso jusqu'au 31 octobre de cette année. Dans ce contexte institutionnel, si le Conseil de Sécurité décidait de ne pas utiliser les pouvoirs que lui accorde la Charte dans ses articles 24 et 25, pour promouvoir les négociations directes recommandées par le secrétaire général, cela pourrait mettre en danger la valeur du principe de légalité pour le réglement pacifique non seulement des litiges internationaux liés à la décolonisation du Sahara Occidental, mais aussi de tout autre diférend qui pourrait menacer le maintien de la paix et la sécurité internationales.


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