Comité de coordination
représentant le groupe des Sahraouis,
victimes de la disparition forcée libérés en juin 1991.

 

Rabat, le 10 Mai 1999

 

A
Monsieur le Président
du groupe de travail sur
les disparitions forcées ou involontaires
près du Haut commissariat aux droit de l'homme
des Nations unies.

 

Nous tenons tout d'abord à témoigner notre respect envers tous ceux qui contribuent, de près ou de loin, à la consécration des droits de l'hommes de par le monde, et à vous dire que nous aurions voulu déléguer un membre de notre groupe pour rendre témoignage de notre situation et vous apporter tous les éclaircissements nécessaires. Mais nous ne pouvons le faire vu que nous sommes dépourvus de notre droit au passeport et de liberté de circuler. Nous sommes donc réduits à vous communiquer la présente lettre, espérant vous donner une idée claire sur notre dossier.

Il est notoire que depuis 1975, les provinces sahariennes ont été enclavées et isolées du reste du monde jusqu'en 1991. Cette situation a favorisé toutes sortes de violations des droits de l'homme, notamment l'enlèvement et la disparition forcée qui ont touché des milliers d'originaires de ces provinces. Le sort de centaines d'entre eux reste encore inconnu. La majorité de ces victimes ont été libérés mais beaucoup d'entre elles sont décédées durant des périodes allant d'une semaine à trois ans après leur libération. Parmi le groupe de 378 personnes qui n'ont été libérés qu'en juin 1991, 57 personnes sont décédés dans les bagnes et 15 autres après leur libération . Se trouvaient parmi ce groupe 73 femmes. L'âge des détenus varient entre 12 et 100 ans. Les 308 restants souffrent des séquelles de maladies organiques et psychiques graves et ce suite à des périodes de séquestration et de torture allant de 4 à 16 ans, dans des conditions de détention inimaginables. Cependant, la libération intervenue en juin 1991, pour des raisons que vous êtes loin d'ignorer, n'a pas mis fin à nos souffrances qui durent à ce jour. Nous sommes dépourvus de l'ensemble de nos droits politiques, civiques et financiers, à savoir à titre d'exemple : la liberté d'expression, de circulation et notre droit aux passeports. Ceci outre les intimidations, les interrogatoires et le contrôle continu subis par les membres de notre groupe de la part des autorités. Bien pire, des membres ont été victimes d'enlèvement et de séquestration une seconde fois (Mohamed Mbarek Bousseta, Sakina Jeddahel, Mohamed Saleh Ziaâr , El Bambari Moulay Ahmed, Brahim Noumariya et autres) durant des périodes allant d'an an à un an et demi.

Par ailleurs et dans une tentative d'outrepasser ces conditions difficiles, le groupe a délégué en avril 1994 un comité de coordination qui s'est rendu à Rabat suite à l'échec de toutes les tentatives de dialogue avec les représentants des autorités locales dans la région. Ce comité a établi plusieurs contacts avec les responsables du gouvernements, adressé une lettre au Palais Royal et déposé le dossier auprès des organisations locales des droits de l'homme. Dès leur retour aux provinces sahariennes, les membres du comité ont été sommées d'y demeurer et n'ont pu retourner à Rabat qu'en août 1998. Depuis, le comité n'épargne aucun effort pour établir un dialogue objectif et constructif avec le gouvernement marocain en tant que seul responsable de ce dossier et de ses conséquences. Mais le premier ministre et le ministre chargé des droits de l'homme au sein de ce gouvernement ont refusé de nous recevoir, bien que ce gouvernement n'a pas cessé de faire un tapage médiatique concernant la clôture définitive de ce dossier relatif à la période noire du Maroc . Le seul souci de ce gouvernement est de soigner son image à l'étranger. Les pas timides qui ont été entrepris à ce sujet ont jusqu'à maintenant écarté notre dossier. Le président du Conseil consultatif des droits de l'homme qui nous avait reçus pour la première fois le 11 Novembre 1998, en présence de 10 membres de ce conseil, et parallèlement à la visite effectué par M. Kofi Anan dans la région, nous a déclaré que le dossier sera clos dans les six mois convenus. Nous avons été reçu par ledit conseil une seconde fois le 15.02.1999 pour nous entendre dire que notre dossier a été exclu parce qu'il présente un caractère spécial . Ne sommes-nous pas des êtres humains pour prétendre que notre dossier présente un caractère spécial ? Nous tenons à exprimer ici notre refus de toute tentative qui ôterait à notre dossier son caractère étroitement lié à la question des droits de l'homme.

Enfin, nous vous sollicitons, et à travers vous, les Nations unies et le monde entier, de nous prêter votre soutien et d'exercer des pressions sur le gouvernement marocain afin que le sort des 526 personnes soit connu, de satisfaire nos réclamations incessantes et légitimes qui consistent essentiellement à l'incrimination des responsables de ces crimes, l'indemnisation pour les années de disparition forcée, le droit au traitement médical, le droit à une formation pour insertion ainsi que le rétablissement de tous nos droits financiers et moraux tels qu'il sont reconnus à l'échelle internationale.

Veuillez agréer, l'expression de notre haute considération

Le comité de coordination

 

Pour le comité de coordination :

Rahmouni Daha

Dahhane Brahim

Sebbar Brahim

Blahi Seddiq

Hiji Mabrek

Tanji El Houssine

Ezl Bachir Lahkaouni

El Yasidi Taher

Zighem Slaeh

Noumri Brahim


CONTEXTE:

Rappel des faits.

Texte complet du memorandum du CCDH.

Communiqué du 12 avril 1999

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